Stages en entreprise pour les élèves de seconde : les collectivités pourront accueillir des stagiaires
Par Franck Lemarc
C’est une annonce qu’avait faite le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, fin août, et qui avait provoqué un certain étonnement : à l’instar de ce que font les jeunes de 3e, pendant trois jours, les élèves de seconde devront faire un stage en milieu professionnel, mais de quinze jours. Ce, afin de « reconquérir le mois de juin », comme l’a demandé cet été le président de la République. Après cette annonce, de nombreuses questions se posaient, sur le caractère obligatoire ou non de ce stage notamment, ou la capacité des entreprises à accueillir quelque 550 000 élèves pendant 15 jours.
Stage obligatoire et dispenses
Le décret et l’arrêté parus ce matin donnent un certain nombre de précisions, même s’ils sont loin de résoudre tous les problèmes.
Le décret établit que « en classe de seconde générale et technologique, les élèves accomplissent une séquence d'observation en milieu professionnel dans des entreprises, des associations, des administrations, des établissements publics ou des collectivités territoriales ». Le décret ne donne pas d’autres détails, renvoyant à un arrêté sur les modalités d’application et notamment les possibilités de « dispense ».
Cet arrêté a été publié en même temps. Il fixe d’abord l’obligation d’effectuer ce stage « pendant le dernier mois de l’année scolaire » (ce sera probablement, en 2024, du 17 au 28 juin). Concernant les dispenses, l’arrêté indique que le stage ne sera pas obligatoire pour les élèves dont la formation comprend déjà « un stage d’initiation ou d’application en milieu professionnel », ce qui est le cas dans les secondes technologiques. Par ailleurs, les élèves qui auront effectué pendant leur année de seconde un stage de cohésion avec mission d’intérêt général dans le cadre du SNU (Service national universel) pourront, à leur demande, être dispensés du stage d’observation. Enfin, les élèves qui participent à un séjour à l’étranger dans le cadre de « la mobilité scolaire européenne ou internationale » (Erasmus) d’une durée minimale de deux semaines peuvent également être dispensés.
En revanche, alors qu’il avait été question d’exempter de cette obligation les jeunes ayant prévu un « job » d’été, cette disposition ne figure pas dans l’arrêté. Gabriel Attal l’avait pourtant annoncée devant le Medef, mi-novembre, selon Les Échos.
Le dispositif, qui a été présenté devant le Conseil supérieur de l’éducation le 16 novembre, a été très largement rejeté par la communauté éducative : le projet d’arrêté n’a reçu que 8 voix pour, et 58 voix contre. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement d’aller de l’avant.
Disparités sociales
Reste à savoir comment les choses vont se passer d’un point de vue concret – une note de service ou une instruction du ministre étant attendue dans les prochains jours. On aura également peut-être quelques précisions aujourd’hui, les ministres de l’Économie et de l’Éducation nationale, Bruno Le Maire et Gabriel Attal, devant prendre la parole aujourd’hui à ce sujet en lançant officiellement « la mobilisation générale du monde de l’entreprise en faveur des stages de seconde ».
Il est à craindre que les mêmes problèmes qui existent pour les stages de 3e se répètent pour ces stages de seconde, mais en pire, dans la mesure où ces stages sont plus longs. Cela fait plusieurs années (lire Maire info du 16 décembre 2021 et du 11 octobre 2022) que le gouvernement, dans la foulée de la communauté éducative, s’inquiète de la grande disparité des stages d’observation en fonction des milieux sociaux. Les enfants venant de milieux aisés, dont les parents ont de vastes réseaux, trouvent facilement des stages via la mobilisation de ces réseaux. Dans les milieux populaires, particulièrement dans les zones REP ou REP+ en milieu rural, les choses sont beaucoup plus compliquées, et un certain nombre d’élèves ne trouvent pas de stage, ou font des stages dont l’intérêt est limité.
Pour tenter de pallier ces problèmes, le gouvernement a mis en place en 2019 une sorte de « bourse aux stages de 3e », la plateforme Monstagedetroisieme.fr où les élèves peuvent postuler et où, surtout, les entreprises comme les administrations peuvent déposer des offres. Le gouvernement avait alors demandé aux collectivités territoriales de « participer à l’effort » et de ne pas hésiter à déposer des offres de stage.
Reste tous les autres problèmes : comment les élèves habitant dans les territoires ruraux vont-ils se déplacer pour se rendre à des stages qui peuvent être loin ? Quid des élèves qui ne trouveront pas de stage ? Le gouvernement a annoncé qu’ils seraient accueillis au lycée, mais au moment où les personnels de l’Éducation nationale sont happés par le bac. Comment éviter que dans certaines entreprises, l’accueil de ces jeunes ne se transforme pas en emploi déguisé (et gratuit) pendant 15 jours ?
Malgré la parution des textes réglementaires, la plupart de ces questions n’ont à ce jour par de réponse. Le gouvernement a encore 7 mois pour les apporter.
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