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Édition du vendredi 19 juillet 2024
Éducation

Éducation nationale : un taux d'absentéisme en baisse, mais à quel prix ?

Au sein de l'Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la fonction publique, le jour de carence imposé depuis 2018 a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences. Un résultat qu'il faut considérer avec précaution, selon l'Insee.

Par Lucile Bonnin

C’est un sujet que l’on retrouve quasiment annuellement dans le débat politique en France : le délai sans versement de salaire ni indemnité de la Sécurité sociale imposé aux salariés et notamment aux agents de la fonction publique. 

« En France, plusieurs réformes ont successivement supprimé (1er janvier 2012), réintroduit (1er janvier 2014), puis de nouveau supprimé (1er janvier 2018) l’indemnisation du premier jour de congé de maladie ordinaire (CMO) des agents de la fonction publique » , peut-on lire dans une étude publiée par l’Insee mesurant les effets, entre 2006 et 2019, du jour de carence sur les arrêts maladie des agents publics travaillant au sein de l’Éducation nationale.

La loi de finances publiée le 31 décembre 2017, qui visait une réduction des dépenses, a donc instauré un jour de carence dans les trois versants de la Fonction publique en cas d’arrêt maladie. Ce délai de carence fixé à un jour a plusieurs fois été remis en question. Dans le cadre du projet loi de finances 2024, les sénateurs avaient adopté un amendement pour porter le délai de carence des fonctionnaires d’État à trois jours, alignant ainsi la durée de l’arrêt maladie non indemnisé sur le régime de base des salariés du privé. 

Thomas Cazenave, alors ministre des Comptes publics, avait par ailleurs souligné fin 2023 que la réinstauration d’un jour de carence en 2018 avait été « très efficace »  car elle a entraîné une « baisse de plus de 40 % des arrêts d’une journée ». 

L’étude de l’Insee parue ce mercredi confirme cette dynamique de réduction de l’absentéisme en soulignant néanmoins l’existence d’un certain nombre d’effets collatéraux. 

Réduction des absences 

Selon l’Insee, la réintroduction du jour de carence pour les agents de l’Éducation nationale a effectivement « entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d'absence pour maladie ordinaire ». 

Dans le détail, entre 2006 et 2019, « près de 43 % des agents de l'Éducation nationale sont absents pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire » . L’auteure de l’étude indique qu’un agent de l’Éducation nationale connaît en moyenne 6,7 jours d'absence pour maladie ordinaire par an. 

Par ailleurs, l’étude fait un lien direct entre la diminution forte du nombre d’arrêts et la durée de l'arrêt maladie : « l’effet estimé est de - 44 % pour les épisodes d’un jour, - 26 % pour les épisodes de deux jours, - 25 % pour les épisodes de trois jours. » 

Le constat est donc sans appel : la fréquence des absences diminue. Cependant, l’Insee met en lumière quelques exceptions. Premièrement, le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire. L’Insee précise que ce résultat est « susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles » . Deuxièmement, la fréquence des absences dépend également du profil de l’agent : les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé tout comme les plus âgés et les agents bénéficiant de contrats plus avantageux (CDI ou temps plein) que certains plus précaires (CDD ou temps partiel). 

Dérives 

Cette diminution ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. L’Insee souligne que « l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë. »  Certes, « la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire décroît » , mais ce jour de carence peut avoir des effets négatifs indirects. 

L’application du jour de carence peut « encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle ». Cette tendance peut entrainer des conséquences sur l’état de santé de l’agent mais aussi, en cascade, sur les dépenses publiques associées, la productivité du l’agent, la santé des autres agents en cas de maladie contagieuse, etc. 

Autre dérive observée par l’Insee : les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence, surtout lorsqu’elles exercent dans le réseau d’éducation prioritaire. Étant la population représentant le nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire le plus élevé, elles sont « donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence ». L’auteure précise que « ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence. » 

Si le jour de carence a un effet sur les comportements des agents de l’Éducation nationale, il pourrait aussi avoir des incidences sur les performances scolaires des élèves. « Des données complémentaires seraient nécessaires pour évaluer »  cet effet, précise l’Insee. 
 

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