Alors qu’approchent les élections européennes – qui auront lieu en France le dimanche 26 mai – l’AMF relaye l’inquiétude d’un certain nombre de maires sur la modification des pièces à fournir pour justifier de l’identité des électeurs lors du scrutin dans les communes de 1000 habitants et plus.
Le 21 novembre dernier, le gouvernement a en effet publié au
Journal officiel, avec une relative discrétion, un arrêté du 16 novembre modifiant la liste des pièces «
permettant de justifier son identité au moment du vote » (lire
Maire info du 26 novembre 2018). Indiscutablement, cet arrêté va dans le sens d’un durcissement. On retiendra notamment qu’alors qu’auparavant, un électeur pouvait présenter un passeport ou une CNI même périmés, ces pièces doivent à présent être «
en cours de validité ou périmées depuis moins de 5 ans » ; qu’un permis de conduire papier (rose) n’est plus recevable, au profit d’un permis de conduire «
sécurisé et conforme au format Union européenne » ; que la carte de famille nombreuse ne peut plus être utilisée ; ou encore que la carte du combattant sans photo n’est plus recevable.
On peut déjà s’étonner du manque de publicité que le gouvernement a donné à cet arrêté du 16 novembre, qui n’a fait l’objet d’aucune information particulière auprès des communes.
Le précédent de 2013
Cette question des pièces d’identité à fournir lors des élections avait déjà fait l’objet d’un bras de fer entre le gouvernement et l’AMF en 2013 et 2014 (lire
Maire info du 19 mars 2014) – bras de fer que l’association avait remporté. On se souvient qu’en octobre 2013, le gouvernement avait publié un décret imposant l’obligation de présenter une pièce d’identité pour les électeurs de toutes les communes – alors que jusque-là, cette obligation ne concernait que les communes de plus de 3 500 habitants. Le président de l’AMF de l’époque, Jacques Pélissard, avait écrit au ministre l’Intérieur Manuel Valls pour lui faire part des craintes de l’association et de ses adhérents que cette mesure écarte du vote un certain nombre d’électeurs notamment dans les communes rurales, par exemple des femmes âgées qui n’auraient ni carte d’identité ni permis de conduire.
Le gouvernement avait reculé, «
sensible » aux arguments de l’association et se refusant à «
favoriser une abstention déjà trop significative », écrivait alors Manuel Valls, qui ajoutait : «
Dans les communes les moins peuplées, la connaissance qu’a le maire de ses administrés suffit souvent à garantir le bon déroulement du vote malgré l’absence d’une pièce d’identité officielle ». Cette décision s’était traduite par la publication d’un nouveau décret – quatre jours avant les élections municipales de 2014 – n’imposant la présentation d’une pièce d’identité que dans les communes de plus de 1000 habitants.
Bis repetita cinq ans plus tard pour ces communes de 1000 habitants et plus : dans une note publiée ce matin sur son site internet, l’AMF «
s’inquiète » des conséquences des nouvelles règles sur la participation aux scrutins d’électeurs «
souvent âgés qui ne disposent que de titres périmés ou anciens », notamment des permis de conduire papier. Les électeurs les plus âgés étant traditionnellement ceux qui s’abstiennent le moins, l’AMF craint une «
remise en cause » de la participation de certains d’entre eux aux prochaines élections.
Il reste maintenant à savoir si le gouvernement sera, lui aussi, «
sensible » à cette question et s’il reviendra à son tour sur cette mesure qui pourrait avoir de sérieuses conséquences sur la participation – dans un contexte où, de surcroît, les réformes successives ont rendu l’obtention d’une pièce d’identité plus complexe, plus longue et plus éloignée des citoyens dans les petites communes.
F.L.