Maire-info
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Édition du vendredi 26 avril 2024
État civil

Près de 150 000 personnes ont changé de nom grâce à la loi Vignal de 2022

La loi du 2 mars 2022 a instauré une nouvelle procédure de changement de nom simplifiée, auprès des maires, remplaçant la lourde procédure par décret qui était en vigueur jusque-là. Ce dispositif répondait à un vrai besoin, puisqu'il a rencontré un vif succès dès les mois qui ont suivi. 

Par Franck Lemarc

Lors de l’examen de la proposition de loi déposée par le député Renaissance de l’Hérault Patrick Vignal, des situation douloureuses avaient été évoquées dans l’hémicycle : des personnes abandonnées par leur père et ne souhaitant plus porter son nom, des mères ne portant pas le même nom que leur enfant et obligées « de sortir leur livret de famille pour prouver que leur enfant est leur enfant » . Et plus grave encore, des enfants maltraités ou abusés par un parent, et ne supportant plus de porter son nom, comme une réminiscence permanente de leur traumatisme. Le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, avait eu des mots forts en évoquant « les mots de cette femme de 70 ans qui, dans une lettre, me disait avoir été violée par son père et ne pas vouloir que son nom, qu’elle porte comme une souffrance, soit gravé sur sa tombe ». 

Une procédure de droit

C’est pour répondre à ces situations que le texte a été déposé et adopté : à la place de la procédure de changement de nom en vigueur jusque-là, qui supposait une validation du ministre de la Justice et la publication d’un décret au Journal officiel – et prenait en moyenne deux ans –, le Parlement a adopté une procédure simplifiée permettant de changer son nom de famille « une fois dans sa vie » , par simple passage devant l’officier d’état civil. La seule possibilité ouverte par cette loi est de prendre le nom de famille de son autre parent, ou par adjonction, ou par substitution (par exemple du nom du père par le nom de la mère). 

La loi, et la circulaire qui s’en est suivie en juin 2022, précise que la procédure est de droit : autrement dit, l’officier d’état civil « n’a pas à contrôler le caractère légitime du motif de la demande » . Le seul qui puisse s’y opposer est le procureur de la République, en cas de pièces manquantes par exemple. 

144 100 changements depuis la loi Vignal

La loi a pris effet le 1er juillet 2022 et a immédiatement rencontré le succès, preuve que de nombreuses personnes attendaient impatiemment une telle possibilité : dès le mois d’août, près de 6 500 changements ont été demandés, puis près de 12 000 en septembre et 13 700 en octobre 2022, selon une étude de l’Insee publiée hier. Une fois ce pic atteint en octobre, correspondant à l’épuisement d’un « stock »  de demandes en attente, le rythme s’est ralenti, pour atteindre une vitesse de croisière compris entre 6 000 et 8 000 demandes par mois. Pour mémoire, avant la loi Vignal, le nombre mensuel de changements de nom tournait autour de 2 000 à 2 500. En dehors du « pic »  de l’été 2022, cette loi a donc permis de multiplier par trois le nombre de procédures. Depuis l’adoption de la loi, 144 100 personnes ont changé de nom – si l’on ne prend en compte que ce que l’Insee appelle les « changements substantiels de nom » . Il faut y ajouter les évolutions plus classiques (modification de l’orthographe d’un nom après une erreur de l’état civil, remplacement d’un trait d’union par une apostrophe, etc., procédure qui se fait également auprès des maires), au nombre de 20 000 environ entre l’été 2022 et le 31 décembre 2023. Ce chiffre est stable avant et après la loi Vignal. 

Majoritairement des jeunes

L’étude de l’Insee donne les détails de ces changements de nom, qui ont concerné nettement plus fréquemment les femmes que les hommes (54,8 % contre 45,2 %). Plus d’un adulte sur deux ayant effectué la démarche a moins de 30 ans – les personnes de plus de 50 ans l’ayant faite étant très minoritaires. C’est sans doute pour les très jeunes adultes que la loi Vignal a été décisive : dans les 16 mois qui ont précédé la loi, 6 400 jeunes de 18 à 29 ans ont changé de nom ; dans les 16 mois qui l’ont suivie, ils ont été 54 700. 

La modification la plus fréquemment demandée est « la substitution simple d’un nom par un autre, sans conserver le nom initial »  (deux tiers des changements environ). Le deuxième cas le plus fréquent est l’ajout d’un deuxième nom en plus du nom initial. 

L’Insee rapporte qu’il existe également un certain nombre de « cas complexes »  (10 400), incluant par exemple les personnes ayant un nom composé de plusieurs mots (jusqu’à « cinq ou six » ) et le simplifient. 

Il est enfin à noter qu’un quart des procédures (35 300) concerne des enfants de moins de 13 ans. La démarche de changement de nom créée par la loi Vignal ne peut être engagée que par des majeurs, mais, en revanche, elle s’applique aux enfants de la personne qui a changé de nom, automatiquement jusqu’à 12 ans, et avec le consentement de l’enfant à partir de 13 ans. 

Impact financier inconnu

Aucune étude n’existe en revanche sur l’impact financier de ces nouvelles dispositions sur les communes. Lors de l’examen du texte au Parlement, l’AMF, si elle avait salué l’esprit de cette proposition de loi, avait regretté qu’elle se fasse « aux frais des communes »  : alors que les procédures de changement de nom revenaient, auparavant, aux services de l’État, ce sont maintenant les agents des mairies qui doivent s’en charger, sans que l’État ait jugé utile de proposer une compensation. Années après années, les tâches des services d’état civil s’alourdissent au fil des réformes successives – enregistrement des pacs, changement de prénom, changement de nom de personnes portant en France un nom différent de celui porté à l’étranger, et maintenant changements de nom dans le cadre de la loi Vignal. Toutes ces réformes ont amené une forme de transfert de compétence de l’État vers les communes qui n’a jamais été compensée. 

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