Après une nouvelle agression d'élu, l'AMF appelle les pouvoirs publics à « prendre en urgence toutes les mesures nécessaires »
Par A.W.
« Le ton est monté et puis, à un moment donné, une bousculade est arrivée et j’ai reçu deux coups de poing. » C’est la dernière agression d’une série qui ne cesse de s’allonger pour les élus locaux. Après les menaces de mort à l’encontre du maire de Saint-Côme-du-Mont (Manche) et du maire de Poissy (Yvelines), ces derniers jours, ou encore l'incendie de la voiture du maire de Briançon, il y a une quinzaine de jours.
« On a passé un cap »
Alors qu’il était venu superviser, hier matin, une opération de vaccination à l'école de son village (un cas positif ayant été déclaré au sein de l’établissement), le maire de Ledeuix (Pyrénées-Atlantiques), Bernard Aurisset, a été agressé et blessé au visage par l’un de ses administrés devant l’établissement.
L’élu a dû recevoir des points de suture à l’hôpital d’Oloron, selon les informations de La République des Pyrénées et a déposé plainte dans la foulée. Son agresseur présumé, beau-père d'un enfant scolarisé à l'école du village, a été placé en garde à vue.
« Suite à un dépôt de plainte, que j'avais fait en tant que maire, il s'en est pris à moi », explique Bernard Aurisset dans un entretien vidéo recueilli par France Bleu. « Le ton est monté (...) il y a eu des insultes, devant les enfants, (...) et à un moment donné, une bousculade est arrivée. J'ai reçu un coup, deux coups (puis) les parents d’élèves et le chauffeur de bus sont intervenus pour calmer le jeu », raconte le maire, assurant que les enfants ont été « très perturbés ». Si jusque-là on ne s’en était « jamais pris à (lui) physiquement », il estime que l’on a « passé un cap ».
Dès hier, plusieurs maires se sont réunis à l’école de Ledeuix pour soutenir l’élu. « Nous souhaitons une sanction exemplaire pour des faits de violences qui n’ont pas lieu d’être », a réclamé Alain Sanz, maire de Rébénacq et président de l’Association des maires des Pyrénées-Atlantiques, qui a pointe la récurrence accrue de ce type d’incident. « S'attaquer à un maire, c’est blesser en son cœur notre République. Zéro impunité », a tweeté, de son côté, le sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson.
« Spirale infernale »
Dans un communiqué publié hier soir, le président de l'AMF, David Lisnard, et le bureau de l’association ont apporté leur « soutien total » au maire de Ledeuix, ainsi qu’à l’Association des maires des Pyrénées-Atlantiques, et condamné « avec la plus grande fermeté » cette agression.
« Cette nouvelle agression est aussi révoltante qu’inadmissible », a fustigé David Lisnard, soulignant que « chaque jour, des élus sont victimes de violences dans l’exercice de leur mandat, c’est une spirale infernale ».
« J’appelle d’urgence les pouvoirs publics, au nom de l’ensemble des maires de France, à prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre un terme », a réclamé le maire de Cannes. Il a ainsi interpellé Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, respectivement ministres de l’Intérieur et de la Justice, afin qu’ils prennent ces mesures « dans les délais les plus brefs » et qu’elles soient matérialisées par « des actes » afin que « les procédures soient suivies et les sanctions réelles ».
Suivi pénal et constitution de partie civile
L’AMF demande ainsi « un véritable suivi pénal, des procédures judiciaires plus rapides et des condamnations effectives », mais également de pouvoir se constituer partie civile pour « appuyer les maires dans leurs démarches, comme peuvent déjà le faire les associations départementales de maires ».
L’objectif est de donner plus de poids à la procédure. « Le constat est aujourd’hui indéniable : il y a une augmentation des agressions contre les maires ou leurs adjoints, qu’elles soient physiques, verbales ou psychologiques », expliquait récemment le maire de Cannes à l’AFP.
« Lors d’outrages ou de menaces, il y a souvent des tentations d’un classement sans suite. Pour renforcer la capacité des procédures afin qu’elles aillent jusqu’au bout, je souhaite que l’on modifie le Code de procédure pénale pour permettre à l’AMF de pouvoir se constituer partie civile », expliquait-il assurant que si l’association se constitue partie civile « avec un avocat mandaté par nos soins, nous pourrons appuyer la démarche des élus ».
En parallèle, l 'AMF vient de signer un partenariat avec France victimes pour « accompagner les élus victimes d'agressions », que ce soit des violences, des agressions physiques et sexuelles, des injures, des discriminations, des harcèlements…
Près de 1 300 agressions, menaces, insultes… recensées en 2020
Incivilités, insultes, agressions physiques… Les élus locaux ont vu les violences et les menaces à leur encontre être aggravé par la crise sanitaire. En 2020, près de 1 300 agressions, menaces ou insultes contre des élus ont ainsi été signalées, « trois fois plus que l’année précédente », alertaient Philippe Gosselin (Manche, LR) et Naïma Moutchou (Val-d’Oise, LaREM), dans un rapport publié en avril dernier. Plus de 500 maires ou adjoints avaient été agressés physiquement, 350 outragés et 68 avaient été victimes d’atteintes contre des domiciles et 63 véhicules visés.
Ces dernières semaine, la voiture du maire LR de Briançon, Arnaud Murgia, a été incendiée et le parquet de Gap a ouvert une enquête en flagrance pour « destruction volontaire par incendie et moyens dangereux ». Un homme a également été arrêté devant l’hôtel de ville de Poissy, guettant le maire Karl Olive qu’il menaçait ouvertement depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux et par mail.
Récemment, une dizaine de maires de l'Artois ont tenu à dénoncer les agressions dont les élus locaux sont victimes, en particulier depuis la pandémie de Covid-19.
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