Élections municipales : abstention record, percée écologiste et résultats plutôt satisfaisants pour les grands partis traditionnels
Le déroulement des élections municipales a naturellement été marqué par l’épidémie de covid-19. Malgré les efforts considérables faits par les communes pour que les élections se tiennent normalement – efforts salués hier par l’exécutif – le scrutin a été marqué par un taux d’abstention exceptionnel pour des élections municipales.
Traditionnellement, ces élections sont celles où les Français votent le plus avec la présidentielle. Mais hier, le taux d’abstention a dépassé les 50 % (chiffres du ministère à venir), soit 20 points de plus qu’en 2014.
Dans les communes très touchées par le virus, les chiffres de l’abstention explosent : 73,96 % à Mulhouse (Bas-Rhin), 62,47 % à Crépy-en-Valois (Oise), 72,98 % à Crach (Morbihan).
Les grandes villes et les zones très urbaines ont globalement moins voté que les campagnes : 67,24 % d’abstention à Marseille, 64 % à Bordeaux, 61 % à Lyon, 67,38 % à Lille. Seule Paris fait exception, avec un taux d’abstention un peu moindre (57,69 %).
Il faut en revanche aller regarder du côté des petites communes rurales pour trouver des taux de participation très élevés. Exemples pris au hasard des départements ruraux : Grandrieu (Lozère), 86,81 % de participation ; La Fouillade (Aveyron), 76,83 % ; Jaunac (Ardèche), 70,22 %... Le Cantal et la Lozère sont les deux départements qui ont le plus voté (autour de 65 % pour le premier et de 67 % pour la seconde, ce qui est tout de même plus de 10 points en dessous des chiffres de 2014).
Les grandes tendances
Il est évidemment difficile de tirer des conclusions politiques précises d’un scrutin aussi inhabituel. On peut toutefois noter la percée des écologistes dans les grandes villes : EELV est notamment en tête à Lyon, Grenoble et Strasbourg. Plusieurs maires sortants de grandes villes sont en tête du premier tour (Anne Hidalgo à Paris, Jean-Luc Moudenc à Toulouse, Martine Aubry à Lille, Johanna Rolland à Nantes, Nathalie Appéré à Rennes…). Dans d’autres métropoles, l’équipe sortante est en difficulté : c’est le cas à Marseille, Lyon, Strasbourg ou encore Nancy. Les villes moyennes ont, en revanche, plutôt fait jouer la prime au sortant.
Le Rassemblement national confirme le score de ses élus, avec plusieurs d’entre eux réélus – parfois très largement – dès le premier tour : c’est le cas de Steeve Briois à Hénin-Beaumont, de David Rachline à Fréjus, de Robert Ménard à Béziers, de Fabien Engelmann à Hayange. À Perpignan, Louis Aliot est très largement en tête du premier tour. Le RN réalise, a contrario, d’assez faibles scores dans la plupart des grandes villes, à l’exception de Marseille.
Les grands partis traditionnels – PS et LR – se sortent globalement plutôt bien de cette élection, dans laquelle leurs maires ont conforté leur ancrage local : c’est le cas de François Baroin à Troyes, mais aussi de Jean-François Copé à Meaux, Natacha Bouchard à Calais, Arnaud Robinet à Reims, réélus au premier tour. D’autres maires LR sont plus en difficulté, comme Martine Vassal à Marseille et Nicolas Florian à Bordeaux. Côté socialistes, les candidats sont en tête, on l’a dit, à Paris, Nantes, Rennes, Brest, Le Mans, et trois points devant le maire sortant de Nancy Laurent Hénart.
Pour La République en marche en revanche, ce scrutin est plutôt un échec. S’il est encore trop tôt pour dire si le parti présidentiel aura tenu son objectif de « 10 000 élus locaux », plusieurs de ses têtes d’affiche ont connu hier une défaite : c’est le cas de Gérard Collomb à Lyon, dont le successeur désigné, Yann Cucherat, n’atteint pas les 15 % ; à Paris, Lille, Besançon, Bordeaux, Rennes, où les candidats « marcheurs » n’arrivent aussi que troisièmes. Ils sont quatrièmes à Perpignan et Nantes.
Deux ministres, en revanche, ont été élus dès le premier tour (Gérald Darmanin à Tourcoing et Franck Riester à Coulommiers). Quant au Premier ministre, Édouard Philippe, il est en tête du premier tour au Havre, avec 43 %.
Associations d’élus
Aucun des responsables des grandes associations d’élus n’est en difficulté, à part peut-être Jean-Luc Rigault, patron de l’AdCF et maire d’Annecy, talonné par son rival divers gauche à moins de 0,5 point. François Baroin et André Laignel, les deux responsables de l’AMF, ont tous deux été réélus dès le premier tour. Philippe Laurent, secrétaire général de l’association, est en tête à Sceaux avec presque 45 % des suffrages. Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, est réélue au premier tour, tandis que le président de France urbaine, Jean-Luc Moudenc est en tête à Toulouse avec une dizaine de points d’avance. Vanik Berberian, président de l'AMRF, candidat à Gargilesse-Dampierre, a été élu au premier tour avec plus de 56 % des suffrages.
Et maintenant ?
La principale question qui se pose à présent est celle des conditions dans lesquelles se déroulera le second tour – et même s’il se déroulera ou non. De nombreuses voix s’élèvent, eu égard à la dégradation de la situation épidémique, pour un report du premier tour. Ce qui, à cette heure, pose un grand nombre de questions, qui divisent les constitutionnalistes eux-mêmes. Un éventuel report du second tour annulera-t-il le premier tour ? Dans tous les cas, ou seulement pour les communes où le premier tour n’a pas été décisif ? Et si report il devait y avoir, de quelle durée serait-il – quelques semaines, ou quelques mois ? Personne n’a de réponse claire à ces questions aujourd’hui. La seule certitude semble être la nécessité de voter une loi pour reporter les élections, ce qui, en soi, pose déjà un certain nombre de problèmes : faire siéger le Parlement alors que les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits n’est pas si simple. D’autant qu’on ignore également si des mesures de confinement plus strictes ne vont pas être prises rapidement.
Le gouvernement a annoncé qu’il allait consulter les experts dès aujourd’hui et qu’il fera part de sa décision probablement demain. Il y a urgence, ne serait-ce que pour ne pas imprimer des millions de bulletins de vote et de circulaires pour rien en cas de report.
Franck Lemarc
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