Élection présidentielle : le Conseil constitutionnel rend hommage au « civisme » des maires et propose quelques pistes d'évolutions
Par Franck Lemarc
Après chaque élection présidentielle, le Conseil constitutionnel fait connaître ses observations portant à la fois sur les opérations ayant lieu en amont du scrutin (parrainages, campagne, etc.) et sur le déroulement du vote. Il assortit en général ces observations de « recommandations » sur d’éventuelles évolutions législatives, qui peuvent être suivies d’effet : l’évolution des règles en matière de parrainages, ces dernières années, s’est faite en suivant ces recommandations des Sages.
Parrainages : « relativiser »
Sur la période de recueil des « présentations » (parrainages) par les élus, le Conseil constitutionnel constate que les choses se sont bien passées, et que l’allongement à 10 semaines de cette période de recueil a permis de fluidifier les choses. Il se félicite par ailleurs que le législateur ait suivi ses recommandations en supprimant l’obligation d’apposer sur le formulaire le sceau de la mairie.
Le nombre total de parrainages validés par les Sages a été cette année de 13 427, chiffre assez comparable à celui de 2017. Il y a eu 12 candidats à l’élection présidentielle, soit deux de plus qu’en 2012, avant la réforme de 2016 conduisant à rendre intégralement publique la liste des parrains. « Ce bilan conduit à relativiser diverses affirmations (…) selon lesquelles la publicité intégrale des parrainages validés (…) dissuaderait massivement les élus habilités à présenter des candidats à le faire ou selon lesquelles ce mécanisme restreindrait drastiquement la représentation des principaux courants de pensée animant la vie politique nationale ».
Si toutefois le dispositif des parrainages devait évoluer à l’avenir, les Sages appellent à ce que la réflexion à ce sujet se fasse « le plus en amont possible de l’échéance de l’élection suivante » – un point de vue qui avait été également défendu, en janvier dernier, par le président de l’AMF David Lisnard (lire Maire info du 7 janvier), qui avait estimé que la réflexion sur l’évolution du dispositif devait se faire « en début de quinquennat » et certainement pas à quelques mois du scrutin.
Les Sages se montrent assez prudents, voire réservés, sur l’échéance fixée par la loi du 11 mars 2021 qui prévoit que lors du prochain scrutin présidentiel, en 2027, les parrainages pourront être envoyés par mail. Ils estiment qu’au regard « des risques de fraudes informatiques et de l’ampleur de leurs conséquences », cette évolution ne doit être envisagée qu’avec « précaution ». Ils appellent le législateur à « s’interroger » sur le dispositif prévu par la loi « d’un double mode de transmission, par voie postale et par voie électronique ».
Propagande, campagne et procurations
Le Conseil constitutionnel constate que la distribution de la propagande électorale s’est déroulée dans des conditions satisfaisantes, bien plus que « lors d’élections précédentes » – allusion au fiasco des élections départementales et régionales de 2021. Ce progrès, notent les Sages, est dû à « une mobilisation significative des services de l’État », ce qui est une façon de constater, en creux, que cette mobilisation n’a pas été au rendez-vous en 2021.
Sur la campagne elle-même, le Conseil constitutionnel n’a pas de remarques particulières à formuler. Il se félicite de l’évolution du processus d’établissement des procurations, via une télé-procédure et grâce au répertoire électoral unique (REU), ce qui a « contribué à faciliter l’établissement des procurations pour les usagers comme pour les communes ». Mais les Sages continuent de penser que « l’absence d’une date limite pour l’établissement d’une procuration » (il est possible d’en demander une y compris le jour même du vote) pose problème : certaines procurations, établies « peu de temps avant le scrutin », n’ont matériellement pas pu être prises en compte par les bureaux de vote. Le Conseil réitère donc sa proposition de fixation d’une date limite.
Le contrôle du scrutin
Les Sages estiment que le scrutin lui-même s’est déroulé de façon tout à fait satisfaisante, et ce, notent-ils, en particulier du fait « d’un grand civisme, notamment de la part des maires, des membres des bureaux de vote et des scrutateurs ». Ils relèvent que les annulations de scrutin dues à des irrégularités ont été « peu nombreuses » (0,03 % des votants au premier tour).
Ils rappellent que près de 2000 magistrats délégués du Conseil constitutionnel ont été désignés pour contrôler les opérations de vote et qu’ils ont « pleinement rempli leur mission ». S’ils reconnaissent que le rôle de ces délégués n’est « pas toujours bien connu de tous », ils insistent sur « l'importance de remédier aux irrégularités qui sont signalées aux membres du bureau de vote par les délégués à l'occasion de leur passage ».
Mais pas un mot, en revanche, dans ces « observations », sur le fait que certains maires se sont plaints, après l’annulation du scrutin dans leur commune, du comportement des délégués (lire Maire info du 5 mai 2022), et en particulier du fait que certains délégués ne se sont pas présentés et ont contrôlé l’urne sans s’être fait connaître, ce qui a pu provoquer une légitime protestation du président du bureau de vote.
Le fait qu’un certain nombre de maires se soient plaints publiquement, par voie de presse ou en interpellant l’AMF, sur ce sujet, aurait pu amener le Conseil constitutionnel à aborder la question. C’est ce qu’espérait, dans les colonnes de Maire info, le constitutionnaliste Dominique Rousseau, en mai, qui estimait que « si plusieurs réclamations allant dans le même sens parvenaient au Conseil constitutionnel », celui-ci pouvait tout à fait, dans ses observations, « constater un problème et estimer qu’il conviendrait que le législateur s’en empare ». Espoir déçu : la question n’est pas abordée dans les observations publiées hier.
Bulletins blancs sur la table : c’est non
Il est enfin à noter que le Conseil constitutionnel répète qu’il est interdit de mettre à disposition des électeurs des bulletins blancs, et qu’une entorse à cette interdiction est un motif d’annulation du scrutin. Sur ce sujet, certains maires ont clairement pu être induits en erreur par la circulaire du ministère de l’Intérieur du 25 mars 2022 qui indiquait que la mise à disposition de bulletins blancs n’était « pas nécessaire » – ce qui n’est pas du tout pareil que « interdit ». Le Code électoral ne mentionne pas ce point, et la seule autre source officielle d’information, jusqu’à présent, en dehors de cette circulaire, était une réponse ministérielle à la question d’un sénateur, en 2014, dans laquelle il était indiqué que « dans la mesure où l'électeur peut voter blanc par une enveloppe vide, il n'appartient pas aux communes de mettre des bulletins vierges à disposition des électeurs dans les bureaux de vote ». Là encore, les termes sont assez ambigus. Mais le Conseil constitutionnel est formel, et, rappelons-le, il s’agit de la plus haute juridiction du pays. Son avis sur la question fait donc totalement autorité.
Dernières observations : les Sages demandent que le caractère public du dépouillement soit « clairement inscrit dans le Code électoral ». Et ils rappellent que la pratique du « dépouillement par tas », qui consiste à « regrouper les bulletins par candidats avant de reporter leur nombre sur les feuilles de pointage », est strictement prohibée : le décompte des voix « doit intervenir au fur et à mesure du dépouillement ».
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