« Il y a urgence » : l'économie sociale et solidaire tiraillée entre inflation et convictions
Par Damien Gaudissart - AFP
Touchés comme les entreprises classiques par la forte inflation, mais moins enclins à répercuter la hausse des coûts sur leurs prix, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) appellent le gouvernement à prendre en compte leur « spécificité ».
« Au niveau des entreprises de l’ESS », traditionnellement plus soucieuses de leur utilité sociale que de leur rentabilité, « on a des difficultés à actionner la hausse du facteur prix », relève Hugues Vidor. Par ailleurs, « on n’a pas forcément de marges » qui permettraient d’absorber la hausse des coûts de production, déplore le président de l’Union des employeurs de l’ESS (Udes).
« Plastiques, emballages, palettes en bois, peintures: on est touchés dans tous les domaines » par l’inflation, mesurée à plus de 5 % sur un an en mai, témoigne Sébastien Albaut. Ce gérant de Marne Metal Concept, une Scop spécialisée dans le traitement des tôles métalliques, a vu flamber le prix de sa matière première, de « 600-800 euros la tonne de tôle brute » en 2021 à 1 400 euros ces derniers jours.
« Depuis la fin de l’année dernière s’est ajouté un nouveau problème: les coûts de l’électricité et du gaz », soupire Sébastien Albaut, qui n’a « pas de trésor de guerre » pour amortir le choc.
Système D
L’entrepreneur a donc réduit la consommation énergétique de la Scop, en ne faisant chauffer ses fours de cuisson que quatre jours sur cinq.
Pour Jean-François Diguet, directeur de l’entreprise associative Air de Bretagne qui installe et entretient des dispositifs médicaux à domicile, la solution passe aussi par du système D. Sa facture de carburant a gonflé de 13 000 euros sur un an au premier trimestre 2022, alors que ses 70 salariés mobiles font en moyenne 350 km par jour.
Avec un prix du gazole et de l’essence supérieur à 2 euros le litre, « on essaie donc d’optimiser les déplacements, de se coordonner pour faire un seul déplacement au lieu de deux dans une zone », confie Jean-François Diguet.
L’impact de l’inflation se ressent malgré tout sur l’équilibre financier d’Air de Bretagne: après avoir atteint un million d’euros sur l’année 2021, le résultat net a chuté à 4 500 euros au premier trimestre 2022.
Pour assurer leur équilibre économique, certains acteurs de l’ESS n’ont cependant pas d’autre choix que d’augmenter les prix de vente.
« Si on ne répercutait pas» sur les prix la hausse de 7 % par mois du coût du papier, on se plantait », assure ainsi Hélène Le Gac, présidente d’une Scop bretonne spécialisée dans l’imprimerie.
Même stratégie pour la petite entreprise textile Loom, qui prône la sobriété et la durabilité dans sa production de vêtements. « Notre marge est parmi les plus basses du marché, la diminuer reviendrait à mettre en péril notre modèle économique. Augmenter les prix est malheureusement la seule option qui nous reste », justifie-t-elle sur son site.
Interlocuteur dédié
Ces tensions financières surviennent dans un contexte où les salariés demandent aussi un effort de leur employeur sur les rémunérations pour préserver leur pouvoir d’achat.
Face aux demandes salariales, la plupart des entrepreneurs interrogés par l’AFP affirment miser sur les primes.
Les acteurs de l’ESS comptent aussi sur le gouvernement, qui doit dévoiler dans les prochains jours une série de mesures de soutien aux ménages et aux entreprises.
Du côté du ministère de l’Économie, aucun dispositif spécifique à l’ESS n’est en préparation, mais « le paquet pouvoir d’achat est à destination de tous les Français, les mesures (qui limitent la hausse des prix) du gaz et de l’électricité concernent toutes les entreprises », insiste Bercy.
Après le mandat d’Olivia Grégoire au secrétariat d’Etat à l’ESS (2020-2022), la tutelle du secteur est désormais répartie entre trois ministères (Économie, Travail, Solidarités). Mais l’Udes espère bien récupérer un interlocuteur dédié au sein du gouvernement - et de préférence « de niveau ministériel », précise Hugues Vidor.
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