Reconstruction après les émeutes : le soutien financier de l'État pourra aller jusqu'à 100 %
Par Franck Lemarc
Comme promis, le gouvernement n’a pas trainé pour préparer et présenter son projet de loi destiné à faciliter la réparation des dégâts causés par les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel M., entre le 27 juin et le 5 juillet. Après l’envoi d’une instruction aux préfets sur ce sujet (lire Maire info du 11 juillet), le contenu du projet de loi, validé par le Conseil d’État, confirme que le gouvernement souhaite faire en sorte que les dépenses des collectivités, dans ce domaine, soient réduites au maximum.
Ce texte de trois articles se présente comme une suite d’habilitations au gouvernement à prendre des ordonnances dérogeant au droit commun. Trois ordonnances sont prévues : la première sur les autorisations d’urbanisme, la deuxième sur les marchés publics, la troisième sur les subventions et le remboursement du FCTVA.
Autorisations d’urbanisme
La première ordonnance prévue autorisera la reconstruction ou la réfection d’un bâtiment « à l’identique » selon les règles d’urbanisme en vigueur au moment où il a été initialement construit, même si de nouvelles règles d’urbanisme ont été édictées entretemps et s’y opposent. Des reconstructions légèrement différentes pourront aussi être autorisées, si elles sont motivées par « une amélioration de la qualité environnementale, de la sécurité ou de l’accessibilité » du bâtiment.
Autre dérogation importante : les travaux préliminaires pourront être lancés dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, « sans attendre la décision », est-il précisé dans l’exposé des motifs du texte. Au-delà, les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme seront divisés « par deux, voire par trois ». « L'objectif est que la durée totale d'instruction ne dépasse donc pas un mois et demi, à comparer aux délais de droit commun, qui sont souvent de plusieurs mois notamment lorsque des consultations sont requises », détaille le ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu.
Marchés publics
Une autre ordonnance traitera des règles des marchés publics liés à la reconstruction, avec deux mesures : la première permettra aux maîtres d’ouvrages publics de conclure des marchés « sans publicité mais avec mise en concurrence préalable », dès lors que ces marchés sont inférieurs à un seuil qui n’est, pour l’instant, pas défini. L’avis du Conseil d’État sur ce texte, publié en même temps, précise néanmoins que le gouvernement « envisage » un seuil de 5 382 000 euros.
La deuxième dérogation portera sur l’allotissement : il sera exceptionnellement autorisé aux maîtres d’ouvrage de s’affranchir de l’obligation d’allotissement, et de confier à une même entreprise « la conception et la construction ou l’aménagement » d’un bâtiment.
Subventions et FCTVA
Enfin, une troisième ordonnance fixera des règles particulières en termes de montant maximum des subventions et de remboursement du FCTVA.
Le texte lui-même n’est guère précis sur ces sujets, se bornant à indiquer que l’ordonnance déterminera « des modalités particulières » pour ces dispositifs. Il faut aller regarder dans l’exposé des motifs pour en savoir plus, et constater que les demandes de l’AMF, sur ces sujets, ont été entièrement satisfaites.
Premièrement, l’ordonnance va prévoir le remboursement anticipé du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les travaux de reconstruction/réfection. Le droit commun, est-il rappelé dans l’exposé des motifs, « conduit à verser le FCTVA deux ans après l’exécution des travaux » – ou, dans certains cas spécifiques, un an. Dans le cas de la reconstruction des bâtiments détruits lors des émeutes, le gouvernement s’engage à ce que le remboursement se fasse « l’année d’exécution des dépenses ».
Par ailleurs, le gouvernement va déroger à la règle des 20 % d’autofinancement : dans le droit commun, une collectivité qui réalise un investissement ne peut toucher plus de 80 % du montant des travaux sous forme de subventions – c’est-à-dire qu’elle doit financer elle-même au moins 20 % du montant des travaux. L’AMF, après les émeutes, avait demandé au gouvernement de baisser ce seuil à 10 %. L’exécutif a choisi d’aller même plus loin : selon l’exposé des motifs, « l’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage ne sera pas applicable » aux travaux de reconstruction. Les maîtres d’ouvrages publics pourront donc « bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux ». Cette disposition, très dérogatoire au droit commun, n’a pourtant « pas appelé d’observation de la part du Conseil d’État ».
Enfin, l’ordonnance va prévoir une dérogation au plafonnement des fonds de concours entre EPCI et communes. Dans le droit commun, si une commune entreprend des travaux, les fonds de concours apportés par son EPCI ne peuvent être supérieurs à la part apportée (hors subventions) par la commune. Cette limite va être « exceptionnellement supprimée » , afin de « mobiliser les ressources disponibles afin d'accélérer la réparation des dommages causés aux biens des collectivités ».
Délais
Le texte va être examiné dès demain au Sénat. Il est à noter que le gouvernement, dans son étude d’impact, n’est pas en mesure de donner un bilan chiffré du coût de ces différentes mesures pour le budget de l’État. Le Conseil d’État l’a remarqué, sans le critiquer, estimant que « si peu de temps après la constatation des dégâts, il est normal que subsistent des incertitudes ». Le Conseil d’État demande cependant au gouvernement de faire son maximum pour « étoffer le bilan des dégâts constatés » avant le début de la discussion au Parlement.
Reste à connaître les délais qui nous séparent de l’exécution effective de ces mesures. Rappelons-le, ce projet de loi, qui sera sans doute approuvé très rapidement par le Parlement, ne fait qu’autoriser le gouvernement à prendre des ordonnances : il faudra donc, ensuite, que celles-ci soient rédigées et prises en Conseil des ministres pour que ce train de mesures puisse s’appliquer. Initialement, le gouvernement avait prévu un délai de deux mois après promulgation de la loi pour ce faire. Le Conseil d’État a jugé ce délai « peu réaliste », et a demandé à l’exécutif de le porter à trois mois. Ce qui signifie que les ordonnances, si la loi est promulguée fin juillet, seront prises au plus tard fin octobre.
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