ZAN : Christophe Béchu appelle les préfets à respecter le processus prévu par la loi
Par Franck Lemarc
« Je vous demande de veiller à ne pas imposer dès à présent une réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers de manière uniforme. » Le ton du ministre est clair, dans cette instruction aux préfets signée le 4 août, et que Maire info a pu consulter.
Respecter le processus prévu par la loi
À moins de deux mois de la date butoir du 22 octobre – date à laquelle les conférences des SCoT devront avoir rendu leurs propositions aux régions – le ministre rappelle en fait, tout simplement, la loi. En effet, le calendrier fixé par la loi Climat et résilience, visant à aboutir à une réduction de la consommation d’espace de 50 % dans dix ans, est clair : d’abord, les conférences des SCoT (l'ensemble des EPCI porteurs de SCoT d'un même ressort régional et deux représentants des EPCI et des communes compétents en matière de document d'urbanisme et non couverts par des SCoT) se réunissent et font des propositions, avant le 22 octobre. Puis, les régions s’appuient sur ces propositions pour mettre à jour leur Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). Une fois le Sraddet approuvé, ses objectifs « redescendent », via la mise à jour des SCoT et des PLU.
Sauf que, comme le montrent de nombreuses remontées de terrain dont l’AMF a été informée, certains préfets ne l’entendent pas de cette oreille et retoquent déjà des PLU, au motif que l’objectif de réduction de 50 % n’y est pas respecté, alors même que ni les Sraddet ni les SCoT n’ont encore été modifiés !
C’est à cette situation spécifique que semble répondre le ministre – dont la prise de position n’est ni un recul ni une concession mais un simple rappel de la loi : il n’est tout simplement pas possible de demander aux maires de fixer une trajectoire avant même que celle-ci ait été fixée à l’échelon supérieur, celui des régions. Christophe Béchu est clair : « La réforme ne pourra commencer à s’appliquer qu’à l’issue de ces concertations (les conférences des SCoT) et de la mise en conformité des documents de planification (Sraddet, SCoT, PLU) » … dans cet ordre.
Le ministre demande aux préfets de « ne pas anticiper le résultat du dialogue entre les collectivités et celui du processus de déclinaison de l’objectif à chaque échelle territoriale ».
Pas de zèle, mais…
Pour autant, pas question de ne pas tenir des objectifs à long terme : « Pour créer les conditions d’une pleine application de la loi à moyen terme, poursuit le ministre, les élus concernés doivent être sensibilisés au fait qu’une règle de réduction de la consommation des espaces s’appliquera d’ici à l’approbation de leur document, ce qui implique de ne pas retenir des hypothèses de consommation manifestement incompatibles avec une politique de sobriété foncière ».
À charge aux préfets, maintenant, de naviguer entre ces deux lignes de crête fixées par le ministre : ne pas imposer une réduction de 50 % dès maintenant dans les documents d’urbanisme… mais ne pas non plus accepter une consommation « manifestement excessive » – ce qui n’est, pour le moins, pas extrêmement précis. Christophe Béchu promet toutefois aux préfets de nouvelles instructions, « prochainement », qui permettront peut-être de disposer d’éléments plus précis et objectifs.
En attendant, la circulaire du 4 août devrait calmer les ardeurs de certains préfets qui ont déjà rejeté des PLU/PLUI.
Le feuilleton ZAN continue, et il n’est pas près de se terminer. Rappelons que les deux décrets ZAN, parus fin avril, ont été contestés par l’AMF devant le Conseil d’État, pour en obtenir l’annulation et la réécriture.
Dernier épisode, début août : les sénateurs LR et centristes ont officiellement demandé au gouvernement d’instaurer un « moratoire » sur l’application de ces décrets, jusqu’au 1er septembre 2023. « Onze mois après l'adoption du texte, les collectivités sont confrontées à des difficultés dans la mise en œuvre concrète de leurs politiques d'urbanisme et de protection des sols. L’absence de consultation des collectivités locales, pourtant concernées au premier chef, et la distance prise par le gouvernement avec l'esprit et parfois même la lettre de la loi constituent de vives sources d'inquiétude et une atteinte au travail du Parlement », soulignent, dans un courrier, les sénateurs Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
Hier, lors d’une rencontre avec les associations d’élus, le ministre Christophe Béchu s’est engagé, selon nos informations, à ce que la concertation se poursuive sur ces sujets. On attend, maintenant, le verdict du Conseil d’État sur les recours présentés par l’AMF.
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