Projet de loi Climat : ce qu'il faut retenir en matière d'urbanisme
« Angles morts », « abus de langage », manque d’ambition, imprécisions : les critiques à l’égard du projet de loi dit « Climat et Résilience » pleuvent déjà de toutes parts. Transmis aux instances consultatives, de manière tronquée, le 8 janvier – dont le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le Conseil national de la Transition écologique (CNTE) – le texte de 65 articles, répartis en cinq titres, comprend de nombreuses mesures destinées à favoriser la transition écologique. Parmi les plus médiatiques sont à relever la fin de la vente des véhicules thermiques les plus émetteurs en 2030, la fin de la location des passoires thermiques en 2028, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, ou encore l’interdiction de certains vols intérieurs s’il existe une alternative en train en moins de deux heures et demie.
Néanmoins, les avis sont tranchés : « Les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une par une, sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché », estime le Cese. Même constat côté CNTE : la réduction des gaz à effet de serre prévue dans le texte ne correspond pas à l’engagement initial (- 40 % d’ici à 2030, neutralité carbone à l’horizon 2050). Promesse d’Emmanuel Macron, ce texte visait pourtant à reprendre, « sans filtre », l’essentiel des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), installée dans la foulée du Grand débat national. Composée de 150 citoyens tirés au sort, la CCC avait pour mandat de concilier justice sociale et objectifs environnementaux. Au final, le projet de loi traduit 30 % des travaux de la CCC, d’autres véhicules législatifs et réglementaires ayant déjà porté – ou devant porter à l’avenir – d’autres propositions, assure-t-on au ministère de Barbara Pompili.
Artificialisation des sols : première définition
Mais il est un sujet sur lequel le gouvernement a particulièrement pris en compte les travaux de la CCC. Le projet de loi consacre ainsi un chapitre entier (III) à l’artificialisation des sols, qui viendra s’insérer dans le Code de l’urbanisme et le Code général des collectivités territoriales. Le texte grave dans le marbre législatif l’engagement de la France de réduire l’artificialisation des sols « sur les dix années suivant la promulgation de la présente loi, en se fixant comme objectif de ne pas dépasser la moitié de la consommation d'espace réelle observée sur les dix dernières années précédant l’entrée en vigueur de la loi, et à poursuivre l'objectif de zéro artificialisation nette ». Avec un effet de bord probable : les communes les plus vertueuses en matière de densification dans la décennie précédente pourraient ainsi voir leurs possibilités de construire réduites à néant.
Sous les projecteurs depuis la circulaire Zéro artificialisation nette (ZAN) de 2018, la notion d’artificialisation est (enfin) définie par le projet de loi Climat : « Est considéré comme artificialisé un sol dont l'occupation ou l'usage affectent durablement tout ou partie de ses fonctions. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées. » Sauf que le texte renvoie d’ores et déjà à un décret d’application pour préciser cette définition, ouvrant le champ à de nouvelles inconnues.
Le projet de loi prévoit l’obligation d’intégrer cet objectif aux Sraddet dans les 6 mois suivant l’entrée en vigueur de la loi. Un objectif à décliner par la suite dans les documents d’urbanisme tenus par un lien de compatibilité (Scot, PLU(i), etc.). Sanctions à la clef : si le PLU ou la carte communale n’a pas été modifié ou révisé d’ici au 1er juillet 2025, « aucune autorisation d’urbanisme ne (pourra) être délivrée, dans une zone à urbaniser du plan local d'urbanisme ou une zone constructible de la carte communale ». De même, si le Scot modifié n’est pas entré en vigueur au 1er juillet 2024, il sera considéré comme caduc. Chaque commune devra en outre produire un rapport annuel sur l’artificialisation des sols, qui donnera lieu à débat devant l’assemblée délibérante.
Verticalité des normes
Autres mesures dans le champ de l’urbanisme : les collectivités devront démontrer l’absence de parcelles disponibles si elles souhaitent ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation.
Est également fixé un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales entraînant une artificialisation des sols, avec certaines exceptions pour tenir compte des caractéristiques du territoire, et en particulier de la vacance commerciale.
Dans sa délibération du 25 janvier, le Conseil national de l’évaluation des normes (Cnen), regrette l’inscription dans ce texte « de mesures tendant à imposer verticalement des normes dans des champs de compétences pourtant décentralisées », estimant que ces dispositions, « préoccupantes pour la libre administration des collectivités, traduisent pour partie un manque de confiance de l’Etat dans la capacité des collectivités à fixer elles-mêmes des règles dans leurs domaines de compétence ».
Autres mesures essentielles du PJL, appelant la vigilance des maires : la généralisation de la consigne pour le verre, l’obligation d’insérer des clauses environnementales dans tous les marchés publics, ou encore le déploiement de guichets uniques pour mettre en œuvre la politique de rénovation énergétique. À noter que le texte porte effectivement la réforme du Code minier, promise par Barbara Pompili lors du débat sur les conclusions du rapport sénatorial relatif à la pollution des sols (lire Maire info du 15 janvier). Les paris sont ouverts sur la pluie d’amendements à venir. Rendez-vous au Parlement à partir du 29 mars.
Caroline Saint-André
Accéder à la délibération du Cnen du 25 janvier.
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