Maire-info
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Édition du vendredi 14 novembre 2025
Urbanisme

Le Sénat dévoile ses « mesures d'urgence » pour contrer les problèmes de collecte de la taxe d'aménagement

Face à la « forte diminution » de cet impôt qui met en péril les CAUE et fragilise les finances des collectivités, un rapport sénatorial propose deux mesures à introduire rapidement dans le projet de budget 2026 afin notamment « d'accélérer le recouvrement des cotisations les plus significatives ».

Par A.W.

Alors que des salariés des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) manifestaient hier à Albi pour dénoncer les licenciements en cours à l’occasion des Assises des départements de France, dans le même temps, à Paris, des mesures d’urgence étaient présentées au Sénat pour tenter de sauver ces structures menacées de disparition imminente.

Depuis plusieurs mois, pas un jour ne passe sans qu’un des 92 CAUE du pays – et leur millier de salariés – ne fasse les frais des conséquences de la mauvaise mise en œuvre de la réforme de la taxe d’aménagement.

« Effondrement »  du rendement de la taxe

Car au-delà de l’atonie de la construction et de la baisse du nombre d’autorisations d’urbanisme, ce sont bien les dysfonctionnements autour de cette taxe qui sont pointés du doigt. Ces couacs ont entraîné une « forte diminution »  de son produit ces dernières années avec un rendement qui a été réduit à 1,5 milliard d’euros en 2024, contre encore 2,3 milliards d’euros l’année précédente (avec 61 % pour le bloc communal, 36 % pour les départements et 3 % pour la région Île-de-France). 

Et la situation ne s’arrangerait pas en 2025 puisque son montant ne devrait s’établir qu’à environ 1 milliard d’euros. Soit « une baisse de 56 % »  en deux ans, ont confirmé les sénateurs du Cantal et de la Haute-Vienne, Stéphane Sautarel (apparenté LR) et Isabelle Briquet (PS), lors de la présentation hier des conclusions de leurs travaux menés dans le cadre d’une mission flash. 

Pour les collectivités, « cet effondrement du rendement n’est pas une bonne nouvelle »  puisque ce sont « plus de 1,5 milliard d’euros »  qui n’auraient pas été collectés et reversés aux collectivités sur « la période 2024-2025 », a récemment dénoncé la Fédération nationale des CAUE. La forte baisse des montants qu’elles perçoivent contribue donc à « fragiliser leurs finances »  et « le bloc communal est en train de beaucoup s’inquiéter », a souligné l’élue socialiste.

Mais, pour les CAUE, « la situation est véritablement critique », a-t-elle rappelé, ces structures étant « très dépendantes »  de la taxe d'aménagement (elles sont presque intégralement financées par cette taxe que leur versent les départements). Elles risquent donc de « disparaître purement et simplement ».

Le CAUE de la Manche est déjà en cours de liquidation, celui de l’Orne est menacé de dissolution et plusieurs autres ont échoué à recourir à l’emprunt faute de banques qui suivent. Résultat, les plans de licenciement se multiplient dans ces structures, qui accompagnent gratuitement particuliers et collectivités, avec « 77 postes »  supprimés entre début 2024 et mi-2025. 

Soutien financier aux départements

Les causes sont bien connues et ont déjà été documentées dans un précédent rapport de l’Assemblée nationale. Outre l’atonie de la construction qui reste « la première cause de la diminution du rendement de la taxe »  et pour laquelle « nul n’a guère de prises », les deux sénateurs pointent « le report de la date d’exigibilité »  de la taxe après le transfert sa gestion à la DGFiP (entraînant le décalage des encaissements et donc les reversements aux collectivités) ainsi que des problèmes dans la mise en oeuvre de la collecte dues à « l’outil informatique »  et au manque de personnels.

Seulement, « revenir à l’ancienne date d’exigibilité après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, voire à l’ancien système de liquidation, serait une erreur », considère Stéphane Sauterel. Comment y remédier alors ? Les deux élus proposent deux ajustements « d’urgence »  qui doivent intervenir « très rapidement », dès le projet de budget pour 2026, afin d’apporter « une réponse aux collectivités et aux CAUE ».

Premièrement, ils recommandent d’abaisser le seuil de surface de définition des « grands projets »  (actuellement fixé à 5 000 m²) qui donne lieu au versement d’un acompte de taxe d’aménagement dans le but « d’accélérer le recouvrement des cotisations les plus significatives ».

Ensuite, ils suggèrent d’apporter un soutien financier « conséquent »  aux départements les plus en difficultés afin de leur permettre de soutenir leur CAUE « par le biais de subventions, d’avances ou d’une garantie de ressources jusqu’au rétablissement du rendement de la taxe d’aménagement ». Dans cette logique, les sénateurs pourraient suivre les députés qui ont déjà validé le déblocage de 270 millions d’euros pour les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement dans le cadre de l’examen du budget 2026 en commission. Mais rien n’est définitivement acté. 

Des délais bientôt prescrits

En parallèle, les deux sénateurs demandent à la DGFiP de continuer à traiter en priorité les dossiers de liquidation de taxes d’urbanisme encore en instance « en fonction de leur montant absolu et de la part des recettes qu’elles représentent pour les collectivités bénéficiaires », ainsi que les dossiers dont le délai de reprise échoit fin 2025. « Quitte à taxer d’office les contribuables qui auraient omis de déclarer l’achèvement de leurs travaux puisque c’est l’une des difficultés identifiées », a défendu Stéphane Sauterel.

« On a du recouvrement en stock et certaines taxes ne pourront plus être recouvrées parce que les délais sont prescrits (la prescription est de 3 ans, ndlr). C’est pour cela, qu’il faut absolument que l’on arrive, dans l’urgence, à éviter que cela ne continue car c’est de la perte de financement très élevée », a prévenu Isabelle Briquet.

Dans ce cadre, la DGFiP a indiqué à la mission flash « avoir pris des mesures (...) en traitant en priorité les dossiers correspondant à des grands projets – dont les acomptes concentrent les enjeux financiers – et les dossiers anciens, afin d’assurer que les taxes dues soient bien recouvrées, au besoin au moyen de procédures de taxation d’office ». 

En outre, l’administration a créé « un groupe de travail afin d’échanger avec les élus locaux sur des pistes de simplification de la gestion des taxes d’urbanisme, notamment en harmonisant la définition des surfaces taxables pour l’ensemble des impôts fonciers ». Les rapporteurs considèrent, toutefois, que la Fédération nationale des CAUE devrait « également y être conviée ».

Parmi leurs autres recommandations, les deux sénateurs préconisent, à moyen terme, d’« engager une réflexion d’ensemble sur la gouvernance et le financement des solutions d’ingénierie en faveur des collectivités territoriales (notamment l’articulation entre les CAUE et les agences départementales) et, plus largement, sur le financement des services publics locaux à l’heure de la sobriété foncière ».

Consulter le rapport.

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