Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 novembre 2025
Fonction publique territoriale

Protection sociale complémentaire : le temps presse !

L'accord sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique territoriale est toujours bloqué faute de traduction législative. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a voté mercredi un « voeu » pour demander au gouvernement et aux députés d'adopter une proposition de loi en attente. Explications. 

Par Franck Lemarc

Deux ans et demi après la signature de l’accord entre les associations d’élus et les syndicats de la fonction publique sur la protection sociale complémentaire (PSC), celui-ci ne s'applique toujours pas partout, faute d’être transcrit dans la loi. Les gouvernements successifs se sont tous montrés aussi peu pressés les uns que les autres de pousser à cette transcription, alors que cet accord est socialement très favorable aux agents – notamment les plus modestes d’entre eux – et que les employeurs territoriaux sont prêts à faire un effort financier.

Avancée sociale

Rappelons le contexte : la question de la prévoyance est particulièrement importante dans la fonction publique territoriale (FPT), de fait du poids important des agents de catégorie C chargés de travaux pénibles et, de ce fait, particulièrement exposés aux risques d’incapacité de travail, d’invalidité ou d’inaptitude. En cas d’arrêt de travail prolongé pour cette cause, un agent ne perçoit plus que la moitié de son traitement au bout de trois mois. Sans prévoyance, il y a alors un risque important de tomber dans la précarité. 

En 2021, une ordonnance a été prise qui a permis d’avancer sur ce sujet : elle a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2025, la participation des employeurs à la prévoyance.

Mais le montant fixé par l’ordonnance et son décret d’application (7 euros par mois et par agent), apparaissait dérisoire et surtout très en-dessous de ce que bien des collectivités pratiquaient déjà, de manière volontaire. 

D’où la volonté des employeurs territoriaux et des organisations syndicales d’améliorer le dispositif, volonté qui s’est traduite par l’accord du 12 juillet 2023. Celui-ci a posé le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance, et « a fixé le montant de la participation minimale de l’employeur au financement de la protection sociale complémentaire en prévoyance à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales », comme l’écrivait le Sénat l’an dernier. Résultat : une garantie, pour les agents en arrêt pour incapacité ou invalidité, de percevoir 90 % de leur rémunération nette, avec une participation de l’employeur d’au moins 50 % de la cotisation. 

Problème : cette avancée sociale réelle ne s'appliquera pas dans toute la fonction publique territoriale tant qu’elle ne sera pas traduite dans la loi. Il est possible d'appliquer l'accord, localement, en faisant adopter un accord collectif local à adhésion obligatoire, mais toutes les communes, loin de là, ne l'ont pas fait. Résultat : une différence de traitement importante entre agents de différentes collectivités. Si, en revanche, ce texte était transcrit dans la loi, ce dispositif deviendrait obligatoire et s'appliquerait, uniformément, dans toute la FPT. 

Une proposition de loi transposant cet accord dans la loi a enfin été déposée au Sénat en février – et elle a été adoptée à l’unanimité en juillet. Il reste maintenant à la voir examinée par les députés. Mais quand ? Et pire : le gouvernement, apparemment peu pressé, n’a pas déclenché la procédure accélérée sur ce texte, comme il en a le loisir, ce qui risque de retarder encore l’adoption du texte en rallongeant la navette parlementaire. 

Adoption conforme

Les membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – employeurs comme organisations syndicales – se sont encore émus de cette situation lors de leur réunion du 12 novembre, estimant qu’il est urgent que « les 1,9 million d’agents qui œuvrent au quotidien pour le service public local »  puissent bénéficier de ces avancées. 

Le CSFPT a donc émis un vœu, adopté à l’unanimité, pour demander au gouvernement et aux députés d’accélérer : vu le calendrier parlementaire, et au regard du choix fait par le gouvernement de ne pas engager la procédure accélérée, le texte adopté par le Sénat ne sera définitivement adopté, « dans le meilleur des cas », qu’au printemps ou à l’été prochain, soit « trois ans après la signature de l’accord »  !

Les membres du « Conseil sup’ »  demandent donc au gouvernement de faire inscrire l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale « dans les plus brefs délais »,  et aux députés de l’adopter. Mieux : ils proposent d’accélérer les choses en appliquant à ce texte la procédure dite « Plec »  (procédure de législation en commission). Cette procédure permet d’examiner entièrement et d’amender un texte en commission parlementaire plutôt qu’en séance publique, celle-ci n’était consacrée qu’aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte. Cette procédure permettrait de réduire notablement les délais en économisant du temps de séance publique à l’Assemblée nationale. Le CSFPT appelle également les députés à voter le texte conforme (c’est-à-dire exactement dans les mêmes termes que la version du Sénat), ce qui éviterait une seconde lecture et « garantirait une adoption définitive de la proposition de loi dans des délais acceptables ».

Les employeurs territoriaux et les organisations syndicales concluent : « Il en va de notre capacité collective à répondre au besoin impérieux d’une protection sociale adaptée aux défis et aux enjeux que représentent l’usure professionnelle, la pénibilité et l’allongement des carrières au sein de la fonction publique territoriale. » 

Il reste à savoir si le gouvernement entendra cet appel.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2