Dématérialisation des autorisations d'urbanisme : témoignages et bonnes pratiques pour préparer 2022
Par Caroline Reinhart
Calendrier, pilotage, conduite du changement, logiciels, matériel, archivage… L’échéance du 1er janvier 2022, à partir de laquelle le bloc communal sera tenu de dématérialiser la réception et l’instruction des autorisations d’urbanisme, approche à grands pas – avec son lot de questions afin de préparer cette petite révolution. À travers les témoignages de quatre territoires représentatifs de la diversité du bloc communal, la discussion animée par Philippe Schmit, secrétaire général de l’AdCF, Nathalie Fourneau, responsable du département aménagement du territoire de l’AMF, et Louise Larcher, conseillère en charge de l’urbanisme à l’AMF, a mis en lumière des bonnes pratiques pour ne pas rater le virage de la démat’. Le webinaire a réuni quelque 820 participants.
Depuis la loi Alur de 2014, et la suppression de l’aide de l’État aux collectivités en matière d’urbanisme, l’AMF et l’AdCF travaillent de concert pour favoriser les bonnes pratiques en matière de mutualisation des services instructeurs. Signée le 25 avril 2019, une charte commune a scellé cette union avec le ministère de la Cohésion des territoires : le réseau « Urbanisme et Numérique » s’est alors mis en ordre de marche. Les associations d’élus ont notamment obtenu, via la loi Élan de 2018, le report de l’obligation de la saisine par voie électronique de 2018 à 2022, pour la calquer sur celle tenant à l’instruction des autorisations d’urbanisme – et surtout, pour coller à l’aboutissement du plan très haut débit annoncé pour 2022. À raison : sans couverture homogène du territoire, un tel chantier n’aurait pu se conduire partout, au même moment, et surtout, à la même vitesse.
« (Re)questionner nos pratiques »
De nombreux intervenants ont ainsi partagé leur expérience, donnant des clés pour chaque type de territoire concerné. De la métropole lyonnaise (1,4 million d’habitants) à celle de Nantes (656 000 habitants), en passant par l’agglomération du Val de Fensch (70 400 habitants) en Moselle, et la communauté du pays de Fléchois (75 000 habitants) dans la Sarthe, chacun a fait valoir sa propre méthode. Armel Caillon, urbaniste géomaticien à Nantes Métropole – territoire modèle en termes de mutualisation et de solidarité territoriale, engagé dans le chantier démat’ depuis 2017 – a présenté ses premiers résultats. En mars 2021, la métropole a passé le cap des 1 000 dossiers dématérialisés, dont 40 % de certificats d'urbanisme d’information CU(a) et 30 % de déclarations d’intention d’aliéner (DIA). Avec une méthode : dématérialiser progressivement, par type de dossier – du plus simple au plus volumineux. Toujours en phase expérimentale, la métropole teste encore ses process avec son éditeur de logiciel auprès des professionnels (architectes, géomètres, etc.) – très demandeurs –, mais aussi auprès des élus, dont les visas devront être dématérialisés via une application ou un parapheur électronique. « Le temps de l’accompagnement au changement est essentiel. Il s’agit de (re)questionner nos pratiques, intégrer des outils devenus essentiels avec la crise (la visio, les webinaires, etc.) et valoriser certains métiers, tel l’accueil. ». Mais pour y parvenir, « nous avons besoin du soutien des élus », a-t-il rappelé.
« La dématérialisation ne déshumanise pas le travail »
Sébastien Jousse, responsable du service urbanisme et aménagement du territoire à la communauté du pays Fléchois (65 communes) – « les ruraux de l’étape » – a dévoilé une autre méthode : l’expérimentation de la démat’ par type de territoire. Les premiers tests ont ainsi été réalisés sur la ville-centre de la communauté, La Flèche – avec pour objectif d’étendre progressivement l’expérimentation. Un guichet numérique est actif depuis le 1er janvier 2020, avec des résultats encourageants : sur 1 000 autorisations en 2020, 34 % des dossiers étaient dématérialisés. « Les professionnels (architectes, etc.) ne passent plus que par le numérique », a-t-il confirmé. Autres rappels salutaires : « les secrétaires de mairie sont essentiels dans les petites communes pour conduire ce changement » ; de même que « la dématérialisation ne déshumanise pas le travail. »
Même constat côté lyonnais : pour Rachel Loiseau, chef de projet utilisateurs Démat’ADS à la métropole de Lyon (1,4 million d’habitants, 59 communes, 15 000 ADS par an côté métropole, 3500 ADS par an côté ville), « c’est le sens de l’histoire : il faut donc se jeter à l’eau. C’est tous ensemble qu’on y arrivera ». Le webinaire a d’ailleurs mis en exergue cette coordination exemplaire : Olivier Loquin, chef de projet Dématérialisation des ADS à la ville de Lyon et Sylvie Devun, responsable de l’unité fiscalité, application du droit des sols et servitudes d’utilité publique à la DDT 69 sont également intervenus en soutien aux explications de Rachel Loiseau. « Les DDT sont là pour vous accompagner », a ainsi rappelé Sylvie Devun. Même son de cloche en Moselle : Nadège Kieffer, responsable du pôle urbanisme et droit des sols à l’agglomération du Val de Fensch est revenue sur l’importance cruciale de la communication et des relations humaines pour conduire ce chantier, tout comme « la coordination entre communes et éditeurs de logiciel ».
Consultation, numérisation, archivage
Les expérimentations conduites ont démontré aux agents impliqués que la dématérialisation comportait de nombreux atouts : un gain de temps important, des tâches plus valorisantes (moins de saisie), un suivi renforcé avec des tableaux de bord – mais aussi, côté professionnels, des économies sur l’affranchissement et la reproduction. De ce point de vue, la crise a favorisé l’acceptabilité du passage au tout numérique, estime Sébastien Jousse : « Avec le télétravail, tout a été réinventé en termes d’organisation et d’adaptation des équipes ». Avec la démat’, plus de perte de dossiers, plus de déplacements, plus d’impression pour chacun des agents concernés.…
Des évolutions amenant des questions éminemment pratiques : comment pourra-t-on consulter un dossier sur place à l’avenir ? Comment garantir la sécurité juridique de la réception de pièces complémentaires ? Comment archiver les dossiers compte tenu du double flux ? Sur ce dernier point, Sylvie Delun (DDT 69) a rappelé que « les règles de conservation perdurent, et l’archivage reste de la responsabilité de la commune. S’il est mutualisé, des outils doivent être mis à disposition. ».
Idem pour la consultation des dossiers : la collectivité devra mettre à disposition des ordinateurs, tablettes, un grand écran, etc. selon ses moyens. À Lyon, deux écrans 27 pouces, un ordinateur portable, un grand écran tactile et des écrans de télévision – moins coûteux – sont mis à disposition.
Côté numérisation, les copieurs habituels suffisent – pas les scanners à main. Pour les communes de moins de 3500 habitants soumises à la seule SVE, pas d’inquiétude : un écran classique et une adresse mail suffisent, a confirmé lors du webinaire Jean-Baptiste Lasne, directeur du programme Démat’ADS au ministère de la Cohésion des territoires. Autres précisions de sa part : ce « service minimum » (un mail) doit toutefois faire l’objet d’une publicité suffisante. Avec le risque, relevé par le secrétaire général de l’AdCF Philippe Schmit, que les délais continuent à courir et que de nombreuses décisions tacites en résultent… Jean-Baptiste Lasne a également précisé que la version 4 de Plat’au allait être mise en production en avril, intégrant les outils dématérialisés du ministère de la Culture. Enfin, à la question de savoir si le chantier démat’ allait pouvoir bénéficier des financements de France Relance, une réponse pourrait être donnée au prochain Copil interministériel du 21 avril. Date à retenir !
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