Urbanisme : la proposition de loi pour « résoudre le sort des cartes communales » adoptée au Sénat
« Rien ne reflète davantage la diversité de nos territoires que leurs documents d'urbanisme ». Avec le sens de la formule, le sénateur Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse, Les Républicains) a ouvert, hier, le vote sur la proposition de loi visant à « sécuriser la procédure d’abrogation des cartes communales » dans le cadre d'une approbation d'un plan local d'urbanisme (PLU ou PLU intercommunal) et à « atténuer l'impact de la caducité des plans d'occupation des sols (POS) ».
5 700 communes encore dotées de cartes communales
Des cartes communales aux PLUi, l’évolution du cadre législatif des documents d’urbanisme est, en effet, un feuilleton continu, ponctué, depuis plus de vingt ans, de réformes de première importance pour les collectivités. Parmi ces textes, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 a notamment acté le remplacement des POS par des PLU, devenus depuis des PLUi avec le transfert de la compétence urbanisme à l’échelon intercommunal sous la réserve de la minorité de blocage (loi Alur du 24 mars 2014). Mais, deux décennies plus tard, de nombreuses communes rurales sont encore en transition. Pour justifier cette lenteur, les élus invoquent le plus souvent un blocage d’ordre financier (l’élaboration d’un PLU coûte entre 25 000 et 50 000 euros en moyenne) ou technique (complexité des procédures). Résultat, fin 2020, « environ 5 740 communes françaises (étaient) encore dotées de cartes communales (documents d’urbanisme simplifiés, plus succincts et au formalisme moins lourd), et environ 40 % d’entre elles seront bientôt couvertes par un PLUi », constatait Jean-Baptiste Blanc dans un rapport publié le mois dernier.
« Une procédure combinée », une enquête publique unique
Or, pour ces 2 296 communes, « la loi ne précise aucunement comment opérer cette transition ». De nombreuses petites communes sont ainsi « placées dans une situation d’incertitude, qui nuit à la transition des cartes communales vers les PLUi ». Dans ce flou juridique, une certitude est toutefois rappelée par la jurisprudence du Conseil d’État : « Le plan local d’urbanisme et la carte communale sont deux documents d’urbanisme exclusifs l’un de l’autre », ce qui implique, en déduit Jean-Baptiste Blanc, que les cartes communales doivent être abrogées avant qu’un PLU ou PLUi ne puisse entrer en vigueur.
Afin de « résoudre le sort des cartes communales » et clarifier et expliciter le droit, l’article 1 de la proposition de loi de Rémy Pointereau (Cher, Les Républicains) « fixe une procédure pour le remplacement des cartes communales par des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) ». Cela signifie concrètement qu’il serait possible de « mener de front abrogation de la carte communale et élaboration du PLUi, avec une enquête publique unique, ce qui réduit les lourdeurs procédurales », assure Jean-Baptiste Blanc. Certaines intercommunalités étaient, jusque-là, parfois dans l’obligation d’organiser une enquête publique séparée portant sur la seule abrogation de la carte communale.
Après avoir rappelé que « la commune est compétente pour abroger une carte communale », Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, a convenu que cette mesure de la proposition de loi « répond à un véritable vide juridique : la période durant laquelle la carte communale est abrogée mais le PLU n'est pas encore en vigueur ». Elle s’est « engagée à rédiger un décret », qui devrait être « rapidement signé ».
Les POS caducs dans 530 communes
L’article 2 de la proposition de loi s’intéresse, lui, aux 530 communes frappées par la caducité des POS, faute d'avoir pu les transformer en PLU ou PLUi au 1er janvier 2021 (130 étaient à un stade avancé du processus de transformation, selon le sénateur Henri Cabanel), et donc désormais soumises au règlement national d’urbanisme (RNU). « Retomber sous le régime du RNU entraîne des conséquences lourdes telles que la fin du droit de préemption, l'exigence d'un avis conforme pour les autorisations prises par délégation de l'État et la restriction de constructions », déplore Rémy Pointereau.
« Ces transitions entraînent une déstabilisation conséquente pour les communes et intercommunalités concernées, aussi bien en termes de maîtrise foncière et de règles de constructibilité, qu’au niveau de l’instruction des autorisations d’urbanisme », le rejoint Jean-Baptiste Blanc, qui soutenait la proposition de rouvrir le bénéfice du droit de préemption urbain dans les communes concernées et d’octroyer trois dérogations aux règles du RNU (*). Celles-ci étant applicables jusqu’au 31 décembre 2022. « Mais autoriser le préfet à surseoir à statuer sur un permis de construire (l’une des propositions des sénateurs, ndlr) ne me semble pas raisonnable car c'est la collectivité qui est compétente. Si je vous l'avais proposé, vous m'auriez objecté qu'il s'agissait d'une recentralisation ! Lui permettre de déroger au RNU pour tout projet d'intérêt communal afin d'éviter de bloquer certains projets est contraire à notre objectif de lutte contre l'étalement urbain. Le RNU laisse la décision à la collectivité », a objecté Jacqueline Gourault, qui réunira prochainement, par ailleurs, un groupe de travail avec les associations d'élus pour encadrer le droit de préemption urbain, « et pas uniquement sur la base de l'ancien POS ».
À la fin de l’année 2020, il existait 18 400 PLU, contre environ 5 700 cartes communales et 530 POS, tandis que 10 300 communes restaient régies par le RNU.
Ludovic Galtier
*Ces dérogations comprennent la possibilité d’instaurer un droit de préemption urbain, un sursis à statuer élargi faisant l’objet d’un « droit de proposition » des maires, et la possibilité pour les maires de solliciter des dérogations au règlement national d’urbanisme.
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