Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 3 septembre 2025
Gouvernement

Une rentrée politique et sociale lourde d'incertitudes

L'annonce surprise de l'organisation d'un vote de confiance au gouvernement par le Premier ministre, le 25 août, a fait entrer le pays dans une nouvelle période d'incertitude, ajoutant davantage encore d'instabilité à une période qui n'en manquait pas. Le tout sur fond de contestation sociale dont on ignore encore la portée.

Par Franck Lemarc

Selon toute vraisemblance, le pays n’aura plus de gouvernement dans cinq jours. Qu’il s’agisse d’un coup de poker perdant ou d’une décision volontaire de départ savamment orchestrée, l’annonce de François Bayou, le 25 août, a pris tout le monde de court. Lundi 8 septembre, lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale et du Sénat qui ne durera qu’une journée, le Premier ministre prononcera un discours de politique générale sur l’état des comptes publics de la France et demandera aux parlementaires, à la suite de ce discours, de lui voter la confiance. Si celle-ci n’est pas votée, le gouvernement tombera. 

Le refus du blanc-seing

C’est sur la base de l’article 49-1 de la Constitution (engagement de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur son programme ou sur un discours de politique générale) que cette procédure sera organisée, a déclaré le Premier ministre lors de sa conférence de presse. Par la suite, dans le décret officialisant la convocation du Parlement en session extraordinaire, il est fait également mention de l’article 49-4, ce qui implique que la confiance sera également demandée aux sénateurs. 

François Bayrou ne cesse, depuis, de le répéter : il ne demande pas aux parlementaires de lui voter la confiance à titre personnel, ni à son gouvernement, ni même sur le train de mesures qu’il a annoncé mi-juillet, mais réclame un accord sur « le diagnostic »  qu’il pose sur l’état des finances publiques et « l’urgence absolue d’agir ». 

Sauf que, naturellement, personne ne l’a entendu de cette oreille, et que pour toutes les forces politiques, ce vote équivaudra à donner, ou pas, un blanc-seing à la politique passée et à venir du gouvernement Bayrou. D’où la décision immédiate de toutes les oppositions de voter contre la confiance, tant au Rassemblement national que chez tous les partis de gauche. 

Majorité des « suffrages exprimés » 

Résultat : sauf improbable coup de théâtre, le vote de lundi prochain est acquis de façon certaine, et le gouvernement va être renversé. 
Rappelons que les modalités de ce scrutin diffèrent de celles d’un 49-3 – très largement utilisé ces dernières années. Pour le 49-3, ou lorsqu’un groupe politique dépose une motion de censure contre le gouvernement, le vote se joue « à la majorité des membres composant l’Assemblée ». Autrement dit, la motion de censure doit recueillir un minimum de 289 voix pour l’emporter.

Dans le cadre de la procédure prévue par l’article 49-1 de la Constitution, il en va autrement, comme on peut le lire dans le règlement de l’Assemblée nationale, à l’article 152 : le vote, qui a lieu à l’urne et par bulletin secret, est acquis « à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Pas de seuil à 289 voix, donc : si, par hypothèse, il n’y avait que 100 députés pour voter lundi prochain, il suffirait de 51 voix contre la confiance pour renverser le gouvernement. 

La simple addition de voix des groupes qui ont annoncé voter contre la confiance suffit à comprendre que la messe est dite : en ajoutant les 123 députés du RN, les 15 députés ciottistes, les 71 LFI, 66 socialistes, 38 écologistes et 17 communistes, on arrive à 330 voix. Autrement dit, même dans l’hypothèse improbable où tous les députés LR et Liot voteraient la confiance en plus de ceux du « bloc central », la chute est inéluctable.

Étrange semaine donc en perspective, où le gouvernement gouverne, où le Premier ministre consulte, où les ministres continuent de faire des déplacements et de publier des communiqués de presse, tout en sachant parfaitement que lundi soir, ils devront faire leurs cartons. 

Et après ?

La question n’est donc pas de savoir si le gouvernement va survivre à cette nouvelle péripétie, mais ce qui va se passer ensuite. Deux hypothèses peuvent être posées : soit le président de la République choisit de chercher un nouveau Premier ministre, soit il dissout à nouveau l’Assemblée.

Dans le premier cas, Emmanuel Macron sera devant un choix cornélien. Ou bien il nomme, à nouveau, un Premier ministre issu du bloc central (Ensemble pour la République, Horizons ou MoDem), ce qui aurait des allures de retour à la case départ : les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a fort à parier que ce gouvernement soit victime d’une motion de censure à l’issue du débat budgétaire de cet automne. L’autre option pour le chef de l’État est de répondre aux offres de service du Parti socialiste, qui s’est dit « prêt à gouverner », et de nommer Olivier Faure, le patron du PS, à Matignon. Cependant, au vu des équilibres à l’Assemblée nationale, le résultat sera exactement le même : un gouvernement socialiste trouvera contre lui une majorité susceptible de le renverser – composée cette fois du bloc central, des LR et du RN. La gauche, même à supposer que La France insoumise soutienne cet éventuel gouvernement sans y participer, ne réunit en effet que 192 sièges à l’Assemblée, bien loin de la majorité absolue. 

Il restera enfin, comme cela avait été évoqué l’an dernier, l’hypothèse de la nomination d’un « gouvernement technique »  composé de hauts fonctionnaires sans étiquette politique – hypothèse à vrai dire peu crédible. 

On en vient alors à la deuxième option, de plus en plus fréquemment évoquée : une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale. Si celle-ci était prononcée dès lundi soir, il faudrait alors organiser des élections législatives dans un délai de 20 à 40 jours, soit, sans doute, le 28 septembre ou le 5 octobre. 

Cette option a été, dans un premier temps, rejetée par le chef de l’État. Mais elle est désormais réclamée, au-delà des oppositions, par certains ténors de la majorité, comme l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, et des voix importantes des Républicains comme Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy. 

Reste à savoir, évidemment, si une dissolution apporterait la « clarification »  réclamée par ces ténors. Rien n’est moins sûr, tant le pays apparaît divisé. Il n’est pas exclu, au demeurant, que de nouvelles élections législatives anticipées profitent essentiellement au Rassemblement national – c’est en tout cas ce que disent les sondages – parce que la logique de « front républicain »  qui a empêché le RN de recueillir la majorité à l’Assemblée lors des élections de juillet 2024 pourrait, cette fois, beaucoup moins fonctionner. La dissolution remettrait donc à l’ordre du jour, comme l’an dernier, l’hypothèse de Jordan Bardella appelé à Matignon. 

Il reste enfin l’option d’une redistribution générale des cartes via la démission du chef de l’État et l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. Cette option, toutefois, est pour l’instant fermement rejetée par le principal intéressé, Emmanuel Macron, qui a à plusieurs reprises déclaré ces jours derniers qu’il irait « au bout du mandat que les Français (lui) ont confié ». 

Mobilisation du 10 septembre

À cet invraisemblable imbroglio politique va peut-être s’ajouter une période agitée sur le plan social, avec, d’une part, le mouvement « Bloquons tout »  qui va démarrer le 10 septembre et, d’autre part, un appel à la grève pour le 18 septembre décidé par l’ensemble des confédérations syndicales. 

Nul ne peut prédire la forme ni l’ampleur de ce que sera le 10 septembre, mouvement lancé sur les réseaux sociaux et ayant provoqué, à tout le moins, une grande méfiance chez les syndicats. D’un territoire à l’autre, ce mouvement prendra certainement des formes très différentes – grèves, manifestations, blocages, mais aussi boycott des grandes surfaces, appel à ne pas utiliser sa carte bancaire ou à prendre un jour de congé… Plus traditionnellement, certains syndicats ou certaines fédérations de la CGT, indépendamment de la direction nationale, ont appelé à la grève pour ce jour : c’est le cas de Sud Rail, de la fédération CGT de la chimie, des principaux syndicats de l’éducation, des quatre fédérations syndicales de la santé, des deux principaux syndicats du secteur aérien, ainsi que des fédérations de la fonction publique. Les transports parisiens risquent également d’être massivement paralysés. 

Selon une note du Renseignement territorial qui a fuité dans la presse ce matin, les autorités redoutent une mobilisation importante qui pourrait être émaillée de violences et d’actes « de sabotage », avec de nombreux blocages prévus sur les rocades, les dépôts pétroliers, les plateformes logistiques ou encore les aéroports.

Le ministère de l’Intérieur n’a pas encore communiqué sur le dispositif qu’il prévoit en termes de maintien de l’ordre, mais il paraît probable qu’il faut s’attendre, mercredi prochain, à une journée perturbée et sans doute agitée dans de nombreuses communes du pays. 

Signalons enfin qu'un appel tourne sur les réseaux sociaux pour organiser un « pot de départ »  à François Bayrou, lundi 8 septembre, qui prendrait la forme de rassemblements « devant les mairies ». Cet appel semble rencontrer un certain succès et pourrait amener des rassemblements relativement importants dans certaines communes. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2