Une proposition de loi pour pérenniser les jardins d'enfants publics
Par Lucile Bonnin
Depuis l'adoption de la loi du 26 juillet 2019 Pour une école de la confiance, les jardins d'enfants sont menacés de disparition (lire Maire info du 5 septembre 2022). L’obligation de scolarisation en école maternelle à l’âge de trois ans a eu pour effet collatéral d’amorcer la disparition des jardins d'enfants, dont certains existent « depuis plus de cent ans ».
À partir de la rentrée 2024, ces établissements d’accueil du jeune enfant de (2 à 6 ans) ne pourront plus accueillir, à moins d’opérer un changement radical et coûteux : se transformer en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) ou en école maternelle. Lors des discussions parlementaires, l’AMF avait rappelé l’attachement des maires à ces structures qui répondent à des besoins particuliers de familles et leurs inquiétudes sur des possibles fermetures. Elle avait identifié des difficultés très concrètes concernant leur éventuelle transformation portant sur l’adaptation des locaux, la formation des professionnels exerçant dans ces structures, le contrôle des enseignements…
Sur 260 jardins d’enfants, 130 sont gérés par des communes ou intercommunalités. Cette nouvelle obligation de transformation est, dans de nombreux cas, impossible à mettre en œuvre, aussi bien pour des raisons financières que pour des raisons juridiques. Des fermetures définitives sont donc à craindre. De plus, selon site d'informations spécialisé Les pros de la petite enfance, ce mode d’accueil est « un modèle d’intégration et de mixité sociale » qui, « dans le contexte actuel où la qualité d’accueil dans les EAJE est questionnée, [fait] figure d’exception ».
Une proposition de loi va être discutée aujourd’hui à l’Assemblée nationale pour « neutraliser les effets de la loi du 26 juillet 2019, afin de pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics. » De plus, il est important de souligner que ces structures « offrent également un cadre sécurisant pour l’accueil des enfants en situation de handicap grâce au continuum d’encadrement dont ils bénéficient » ce qu’avait également mis en avant l’AMF dans le cadre de ses échanges avec la Fédération Nationale des jardins d’enfants.
Création d’une dérogation
L’article premier de la proposition de loi vise à modifier l’article 18 de la loi pour une école de la confiance qui prévoit une période transitoire de cinq années scolaires durant laquelle les jardins d’enfants existants avant l’entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à accueillir des enfants de trois à six ans, dans le respect de l’obligation d’instruction. Les députés plaident pour la suppression de cette période transitoire afin de « rendre permanente la dérogation accordée aux jardins d’enfants pour assurer l’instruction obligatoire des enfants âgés de trois à six ans ».
L’article 2 du texte prévoit que cette dérogation permanente ne puisse s’appliquer « qu’aux jardins d’enfants existants à la date d’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance, soit à l’été 2019 » . Aussi, « seuls les jardins d’enfants gérés ou financés par une collectivité publique seront concernés par la dérogation. Concrètement, cela concernera les jardins d’enfants gérés par une commune ainsi que les jardins d’enfants associatifs financés par une commune ou par la CAF ».
La rapporteure du texte, Michèle Tabarot, rappelle dans le rapport sur la proposition de loi qu’une « majorité des jardins d’enfants – près de 55 % d’entre eux – sont à gestion publique, tandis que les autres relèvent du secteur associatif. Le financement de ces établissements s’inscrit dans le droit commun des EAJE et repose le plus souvent sur trois ressources : les contributions des familles ; les contributions de la branche famille de la sécurité sociale (CAF) ; les contributions de la commune. Selon les données de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en 2022, 168 jardins d’enfants étaient financés de façon significative par la branche famille. Le tiers des jardins d’enfants restant est financé par les familles ou par les communes. »
Si elle était adoptée, l’entrée en vigueur de la proposition de loi serait fixée au 1er août 2024, « soit au terme de la période transitoire initialement prévue par la loi pour une école de la confiance » .
Proposition transpartisane
Cette proposition de loi, cosignée par des députés de plusieurs groupes politiques (LR, RN, Modem, Liot) « s’inscrit dans la lignée d’autres propositions de loi récemment déposées tendant à sauvegarder les jardins d’enfants de leur disparition programmée » , peut-on lire dans l'exposé des motifs. L’année dernière, au moins trois propositions de loi avaient été déposées pour pérenniser les jardins d’enfants existants dont l’une émanait du groupe LR, une autre du groupe Écologie-Les verts et une autre du PS. Ces « initiatives marquent l’engagement fort des parlementaires de tous horizons pour défendre les jardins d’enfants », selon la députée LR Michèle Tabarot. Durant les travaux de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation entamés sur ce texte en novembre dernier, les députés s’accordaient à dire que les « jardins d’enfants sont les victimes involontaires de la loi pour une école de la confiance ». Reste à savoir ce que sera l'avais du gouvernement sur ce texte. Réponse aujourd'hui, en séance.
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