Une proposition de loi du Sénat dédiée aux secrétaires de mairie
Par Franck Lemarc
S’il y a un sujet sur lequel les sénateurs de tous les bancs – et le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini – se sont accordés, c’est sur le caractère « indispensable » des secrétaires de mairie. Si l’expression de « couteau suisse des mairies » deviendrait presque galvaudée à force d’être utilisée, en l’espèce, plusieurs sénateurs ont eu des mots forts pour parler de cette fonction. « À la fois juristes, fiscalistes, trésoriers, urbanistes, rédacteurs, mais aussi psychologues et conseillers d'orientation, ils incarnent le service public municipal à visage humain », a décrit le sénateur Hussein Bourgi (Hérault). Les secrétaires de mairie sont « souvent le dernier rempart humain face au diktat de la dématérialisation », a complété Nathalie Goulet (Orne). Le ministre Stanislas Guerini a eu également une jolie formule en déclarant « qu’une secrétaire de mairie qui part en retraite, c’est comme une maison France service qui ferme ».
Difficultés bien identifiées
Les sénateurs se sont également entendus sur les difficultés majeures qui touchent la profession, à commencer par la question de la rémunération. Entre temps partiel et appartenance, pour 60 % d’entre elles, à la catégorie C, nombre de secrétaires de mairie ont un traitement souvent peu supérieur au smic. Et la NBI (nouvelle bonification indiciaire) de 15 % décidée l’année dernière, si elle est évidemment bienvenue, ne représente que 70 euros net – « à peine un plein d’essence, pour des agents qui font souvent énormément de kilomètres », a remarqué un sénateur. La formation est, elle aussi, insuffisante, vu la diversité des sujets traités, et souvent « acquise sur le tas ».
Autre difficulté : le vieillissement. « D’ici 2030, un tiers des secrétaires de mairie partira à la retraite », et déjà aujourd’hui, quelque 1 900 postes sont vacants. Il est donc « urgent » de travailler à l’attractivité de ce métier car, comme l’a dit là encore Hussein Bourgi, « si l’on ajoute la crise de vocation des secrétaires de mairie à celles des élus, on court à la catastrophe ».
Texte récrit en commission
Le texte présenté initialement par quatre sénatrices du groupe CRCE (communiste) comprenait plusieurs mesures qui ont été rejetées en commission des lois. En particulier celui de créer « un statut d’emplois particulier de la fonction publique territoriale », baptisé « responsable de l’administration communale ». Ce qui aurait eu pour conséquence d’en faire un emploi fonctionnel (emploi de direction). La commission a jugé cette disposition « pas opportune », pour un certain nombre de raisons, dont celle-ci : « L’accès à un statut d'emploi s'effectue, pour les fonctionnaires, par la voie du détachement. Or la majorité des secrétaires de mairie travaillent à temps non complet, et ont donc plusieurs emplois. Le fonctionnaire ne pouvant être placé que dans une seule position statutaire, il lui est donc impossible d'être détaché sur plusieurs emplois. »
La commission a également supprimé l’article 3, qui donnait au CNFPT la mission de « favoriser l’accès au statut d’emploi des responsables de l’administration communale ». Cette disposition a été supprimée, notamment au motif que « l'ouverture de filières de formation en alternance au métier de secrétaire de mairie (…) ne relève pas non plus de la loi ni du pouvoir réglementaire ». Les membres de la commission ont toutefois reconnu la nécessité de porter « une attention particulière » à la question de la formation des secrétaires de mairie ».
L’article 4 du texte, visant à améliorer la formation, a donc été maintenu, bien que modifié, et il figure dans le texte final : « Outre la formation initiale dont ils bénéficient en application des statuts particuliers dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités concernées. »
L’article 5 a lui aussi été conservé mais modifié sur la forme. Il prévoyait que les secrétaires de mairie aient droit « à un accès aux catégories supérieures de la fonction publique territoriale par la voie du concours ou de la promotion interne ». Après passage en commission, cet article dispose que les listes d’aptitude doivent « comprendre une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaires de mairie ».
La commission n’a pas retenu la proposition de créer un « fonds de soutien local » de l’État afin d’aider les petites communes à recruter des secrétaires de mairie, ce que la commission n’a pas jugé « pertinent », estimant que les communes doivent pouvoir financer leur fonctionnement non via un fonds de l’État mais via « par une fiscalité adaptée, des recettes dynamiques ou encore l'indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation ».
En revanche, les membres de la commission ont ajouté une nouvelle disposition, ouvrant aux communes de 1000 à 2000 habitants la possibilité de recruter des contractuels pour les emplois de secrétaires de mairie. Cette possibilité n’existe aujourd’hui que pour les seules communes de moins de 1000 habitants. « Il ne paraît pas souhaitable, a jugé la commission, de priver les communes de moins de 2 000 habitants de la possibilité de recruter un agent contractuel sur un emploi de secrétaire de mairie à temps complet. »
Changement de nom
Un débat a eu lieu, en séance, sur la nécessité ou non de redéfinir le nom de « secrétaire de mairie », qui ne convient à personne. Plusieurs propositions ont été faites, outre « responsable de l’administration communale » proposé par les auteurs de la proposition de loi (et soutenu également par l’AMF). Comme l’a expliqué Hussein Bourgi, « ‘’directeur général des services’’ (DGS) déplaît aux DGS des grandes collectivités ; ‘’responsable du personnel communal’’ déplaît aux maires. Un consensus semble se dégager autour de ‘’secrétaire général de mairie’’ » . Une proposition qu’a soutenue le ministre Stanislas Guerini. Mais en tous les cas, le Sénat n’a pas tranché sur ce sujet : « Restons-en là et continuons le travail avec les intéressés », a conclu la rapporteure, Catherine Di Folco.
Le texte a été adopté à l’unanimité. Tous les sénateurs se sont accordés à dire que « ce n’est qu’un début », et que « la balle est dans le camp du gouvernement » : car il est apparu, au fil des débats, que l’essentiel des dispositions concernant les secrétaires de mairie sont d’ordre réglementaire et non législatif, ce qui signifie que le gouvernement peut les prendre par simple décret.
Ce sujet fera l’objet d’une réunion, dès jeudi prochain, entre le ministère de Stanislas Guerini et les employeurs territoriaux. Rappelons que l’AMF, en octobre dernier, avait formulé 26 propositions pour revaloriser le métier de secrétaire de mairie. Ces propositions seront naturellement versées au débat. Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF, dit ce matin à Maire info sa satisfaction que « ce dossier prenne enfin une direction concrète pour revaloriser ce métier indispensable pour l’immense majorité des communes. Deux des 26 propositions portées par l’AMF trouvent une traduction législative dans le vote du Sénat. C’est un premier pas mais il reste encore de nombreuses autres dispositions qui relèvent du champ réglementaire et doivent donc être instaurées rapidement par le gouvernement. » La maire de Lampertheim se dit convaincue « qu'il y aura d'autres avancées », notamment à la suite de la réunion de la semaine prochaine avec le cabinet de Stanislas Guerini.
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