Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 28 février 2024
Déchets

Un maire peut, sur demande d'un juge, contrôler un dépôt sauvage sur une parcelle privée

La Cour de cassation a rendu, début février, un arrêt sur une affaire opposant un maire à un particulier, et portant sur la question de savoir si un maire peut être désigné par un juge pour vérifier si un dépôt sauvage a été éliminé sur une propriété privée. La réponse de la Cour de cassation est clairement oui. 

Par Franck Lemarc

Au fil de plusieurs évolutions législatives, un arsenal juridique relativement complet existe à présent sur le traitement des dépôts sauvages. Cet arsenal se trouve notamment à l’article L541-3 du Code de l'environnement, qui a été récrit à de nombreuses reprises ces dernières années – notamment à l’occasion de la loi Agec de 2020 et de la loi Industrie verte de 2023 – pour le « muscler ». 

Dans ses précédentes versions, cet article était en réalité peu efficient, du fait de la lenteur des procédures : l’auteur d’un dépôt sauvage avait un mois pour produire des « observations »  et aucune sanction immédiate n’était prévue – alors que cette question des dépôts sauvages supposerait une réponse rapide. 

La loi Agec a modifié cet article pour accélérer les procédures : en cas de dépôt sauvage, le maire constate les faits, et, si l’auteur est identifié, le notifie « des faits qui lui sont reprochés et des sanctions qu’il encourt », avec un délai pour produire ses observations réduit à 10 jours. Le maire met en demeure l’auteur de réparer – c’est-à-dire d’éliminer le dépôt sauvage – « dans un délai déterminé ». 

« Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente »  peut prendre un certain nombre de mesures : notamment, faire procéder d’office à l’exécution des mesures prescrites, aux frais de l’auteur ; ou ordonner le versement d’une astreinte journalière « au plus égale à 1 500 euros »  jusqu’à qu’il ait été satisfait « aux mesures prescrites par la mise en demeure ». 

Mais se pose la question de savoir comment vérifier que l’auteur a, ou non, respecté la mise en demeure, quand les faits se produisent sur une parcelle privée, et qui est susceptible de procéder à ce contrôle. Cette vérification, indique l’article L171-2 du Code de l’environnement, est effectuée par « un agent », sur ordonnance du juge des libertés et de la détention. Toute la question étant de savoir si cet « agent »  peut être le maire de la commune. 

Le maire est bien un « agent » 

C’est sur cette question qu’a dû trancher la Cour de cassation

Dans le Calvados, en 2017, le maire d’une commune a constaté l’existence d’un dépôt sauvage sur une parcelle appartenant à un propriétaire privé, et a mis en demeure celui-ci d’éliminer ces déchets. Plusieurs mois plus tard, constatant que rien n’était fait, le maire a prononcé le versement d’une astreinte journalière. 

Le juge des libertés et de la détention de Coutances, saisi par le maire, a autorisé celui-ci, « ainsi que le maire adjoint et un responsable technique », à « procéder à la visite des parcelles litigieuses aux fins de vérifier (…) l’existence de dépôts de déchets ». 

L’auteur des faits a attaqué cette décision devant le tribunal administratif, arguant que « le droit de pénétrer dans les lieux sur autorisation du juge n'est conféré qu'à des fonctionnaires ou agents », et que « n'entre pas dans cette catégorie le maire ou le maire-adjoint délégué de la commune ». Ainsi, « en autorisant le maire et le maire-adjoint délégué à procéder à la visite des parcelles », les juges auraient « violé l'article L. 171-2 du Code de l'environnement ».

La Cour de cassation a balayé cet argument d’un trait de plume : « À défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l'article L. 171-2 du Code de l'environnement. » 

C’est donc « à bon droit »  que le juge des libertés et de la détention a autorisé le maire à procéder à la visite des parcelles. 

C’est une précision importante : le maire, en tant que titulaire de la police des déchets, est autorisé – sur autorisation du juge – à pénétrer sur une parcelle pour y constater un dépôt sauvage. 

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