Maire-info
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Édition du mercredi 28 février 2024
Droit funéraire

Selon Gérald Darmanin, la question des carrés confessionnels « ne sera plus un sujet » dès cet été

Dans un discours prononcé en ouverture des travaux du Forif (Forum de l'islam de France), Gérald Darmanin a fait plusieurs annonces, dont celle de la création d'un « statut des imams » et du règlement de l'épineuse question des carrés confessionnels dans les cimetières. 

Par Franck Lemarc

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© Wikipedia

Le Forum de l’islam de France (Forif), créé en 2022 à la suite des Assises territoriales de l’islam de France, a tenu lundi sa deuxième session plénière. Cette structure regroupe « les acteurs de terrain »  de l’islam, explique le ministère de l’Intérieur : « Imams, aumôniers, responsables associatifs, élus locaux, acteurs de la société civile ». Elle a pour objectif de « débattre des grands sujets de préoccupation du culte musulman, afin de faire émerger et de bâtir des solutions aux problèmes identifiés ». 

La première session du Forif, qui s’est clôturée il y a un an, le 16 février 2023, a par exemple abouti à la production de plusieurs documents et résultats concrets : un guide à l’usage des associations gestionnaires de lieux de culte, ou encore un autre relatif à « la sécurité des lieux de culte ». 

« Statut de l’imam » 

La 2e session du Forif s’est fixée plusieurs axes de réflexion : l’accès aux assurances, du fait que « de nombreuses associations rencontrent des difficultés pour disposer d’une couverture assurantielle », les ressources et le financement des associations cultuelles, l’action pour « meilleure connaissance de la religion musulmane par le grand public ». La question de la professionnalisation et du recrutement des imams fait l’objet d’un groupe de travail spécifique. 

Dans son discours introductif, le ministre de l’Intérieur – qui est également chargé des cultes – est revenu sur cette dernière problématique. Il est revenu sur la décision prise récemment à la demande du président de la République de « mettre fin au système des imams détachés ». Le gouvernement souhaite en effet « lutter contre l’idée que l’islam est une religion d’étrangers, pour des étrangers, financée par des étrangers ». Gérald Darmanin a précisé toutefois que la fin des imams détachés ne signifie pas « qu’il n’y aura plus d’imams étrangers ». Ils pourront continuer d’exercer en France, « à condition qu’ils soient directement employés comme salarié par un lieu de culte, (…) et qu’ils parlent français ». 

Le ministre souhaite que les imams soient « dignement rémunérés et pleinement insérés dans la société française », ce qui implique de « renforcer l’offre de formation »  de ceux-ci, religieuse (ce qui ne relève pas de l’État) et non religieuse. L’État peut, poursuit le ministre, dispenser des formations sur « ce qui fait la France et sa spécificité, notamment dans le dialogue entre l’État et les cultes ». 

Il a demandé que le Forif engage des travaux pour aboutir, sous six mois, à un « statut de l’imam ». 

Cette proposition a été diversement accueillie par les principaux intéressés, certains s’étonnant dans les médias du fait qu’un tel statut soit apparemment réservé à la seule religion musulmane. « Qu’il fasse un statut de curé, de rabbin, de pasteur ! », a par exemple suggéré Abdallah Zekri, le vice-président du Conseil français du culte musulman. 

Carrés confessionnels : vers une réforme ?

Autre engagement pris par le ministre de l’Intérieur : faire évoluer la question des carrés confessionnels dans les cimetières – pas seulement pour les musulmans mais également « pour nos compatriotes juifs ». Aujourd’hui, a poursuivi le ministre, « des musulmans sont nés en France, ont grandi en France, travaillent, vivent et élèvent leurs enfants en France, mais ont du mal à être enterrés en France, par manque de place dans les carrés confessionnels ». Cette question de l’accès à une sépulture « ne sera plus un sujet »  dès le 1er juillet prochain, a promis Gérald Darmanin, qui annonce qu’il va consulter l’AMF sur le sujet et a déjà demandé à la Direction générale des collectivités locales « d’y travailler dès maintenant ». L'AMF, à ce jour, indique toutefois n'avoir eu aucune demande du ministère à ce sujet.

Pour mémoire, cette question des carrés confessionnels est particulièrement complexe. Ils sont, en effet, théoriquement interdits en droit (sauf dans les cimetières militaires), depuis la loi du 14 novembre 1881  consacrant le principe de neutralité des cimetières. La loi de 1905, quant à elle, impose que les cimetières soient laïcs dans leur partie publique – seules les concessions, étant des parties privées, pouvant comporter des symboles religieux. 

Dans les faits, à trois reprises, en 1975, 1991 et 2008, les ministres de l'Intérieur ont pourtant encouragé, par simple circulaire, les maires à procéder à des regroupements de fait. Le dernier de ces documents date de 2008 : il s’agit d’une circulaire de Michelle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, « relative à la police des lieux de sépulture, l'aménagement des cimetières et les regroupements confessionnels ». Cette circulaire, d’une part, rappelle l’interdiction des carrés confessionnels, en droit (les inhumations doivent être accomplies « sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt », dit le CGCT) ; mais, de l’autre, encourage à leur création, pour répondre aux demandes des familles : « Le développement d’espaces confessionnels me paraît être la solution à privilégier pour résoudre les difficultés qui me sont le plus souvent signalées », écrivait la ministre, qui demandait aux préfets « d’encourager les maires à favoriser, en fonction des demandes, l’existence d’espaces regroupant les défunts de même confession ». 

La ministre rappelait toutefois un certain nombre de principes à respecter : la décision d’aménager un carré confessionnel « appartient au maire et à lui seul »  – il n’est donc pas question pour le préfet d’imposer cette décision. Le maire « doit veiller à ce que les parties publiques du cimetière ne comportent aucun signe distinctif de nature confessionnelle », et donc ne doit pas isoler le carré confessionnel « par une séparation matérielle de quelque nature qu’elle soit ». Enfin, il revient aux seuls proches du défunt de décider, lorsqu’il existe un carré confessionnel, si ce dernier doit y être inhumé. Le maire n’a pas à prendre cette décision : « Il se limitera à enregistrer le vœu du défunt ou la demande de la famille ». 

La possibilité de mettre en œuvre des carrés confessionnels se situe donc dans une sorte de flou juridique, ce qui n’est jamais souhaitable. D’ailleurs, en 2012, le Défenseur des droits, dans un Rapport sur la législation funéraire avait déjà réclamé des « réformes »  sur cette question,  estimant que la situation n’était « pas tenable », car issue d’un compromis bancal entre principe de neutralité religieuse et croyances des familles. « Cette ambiguïté, préjudiciable aux familles et aux maires, rend ces situations juridiquement fragiles et susceptibles d’être remises en cause », écrivait alors le Défenseur des droits, qui s’étonnait qu’une « simple circulaire »  encourage des « arrangements locaux qui conduisent à l’existence d’espaces confessionnels de fait »  alors que la loi l’interdit.

Sans compter la problématique de la saturation des cimetières disposant de carrés confessionnels – les communes en disposant étant très sollicitées par des familles n’ayant pas d’attache avec elles mais recherchant en proximité de leur résidence un lieu de sépulture où leur défunt reposera auprès de coreligionnaires.

Le Défenseur des droits demandait donc une évolution de la loi. En est-on arrivé là ? Les propos de Gérald Darmanin sont-ils l’annonce d’une réforme législative, seule susceptible de lever les « ambiguïtés »  pointées par le Défenseur des droits ? Réponse, donc, d’ici le 1er juillet, si le calendrier fixé par le ministre est respecté. 

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