Un important déficit de main-d'oeuvre prévu d'ici 2030 dans l'ouest et le sud du pays
Par A.W.
Les régions allant de la façade atlantique jusqu’au bassin méditerranéen et la vallée du Rhône devraient connaître d’importants déficits de main d'œuvre à l’horizon 2030, selon une étude publiée hier par France Stratégie et la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Cette situation devrait ainsi accentuer les difficultés de recrutement sur certains métiers qui en connaissent déjà, tels que ingénieurs en informatique, conducteurs de véhicules ou aides à domicile, notamment.
Déséquilibre
Cette étude est la déclinaison régionale du rapport national sur « les Métiers en 2030 » qui dressait en mars dernier un panorama des dynamiques et des difficultés probables de recrutement dans la décennie à venir pour la France. Il prévoyait ainsi un déséquilibre d’environ 120 000 emplois chaque année d’ici 2030 puisque 760 000 postes seraient à pourvoir en moyenne alors que, dans le même temps, seulement 640 000 jeunes doivent entrer dans l’emploi.
Résultat, les métiers dont les difficultés de recrutement s’accentueraient en 2030 pourraient représenter 25,2 % des emplois de 2019.
« Quel que soit le territoire, les nouveaux entrants sur le marché du travail seraient globalement moins nombreux que les seniors le quittant définitivement. Cela se traduira dans la décennie à venir par un déséquilibre particulièrement marqué dans les métiers où la part des seniors est élevée (conducteurs de véhicules) ou pour ceux qui sont très dynamiques en termes d’emploi (cadres commerciaux et technico-commerciaux) », soulignent les auteurs de l’étude, qui estiment que « les difficultés potentielles seront accentuées ou atténuées par les migrations interrégionales des travailleurs, qui libéreront un poste dans une région pour occuper un nouvel emploi dans une autre ».
Pour parvenir à équilibrer besoins et viviers de main-d’œuvre, France Stratégie et la Dares jugent qu’il faudra « recruter des professionnels exerçant un autre métier, des chômeurs, des inactifs ou des immigrants entrés sur le territoire au cours de la période de projection ».
Reste que la déclinaison régionale de cette étude dessinent une carte qui n’est pas homogène et dans laquelle se côtoient les régions situées au Nord-Est, qui devraient être préservées des difficultés de recrutement, et celles allant de la façade atlantique jusqu’au bassin méditerranéen, dont « le déficit potentiel de main d’œuvre serait à l’inverse accentué du fait de leurs spécificités économique et démographique ».
Tensions très marquées en Bretagne
Les régions de l’Ouest et du Sud afficheraient donc des « déficits potentiels de main-d’œuvre élevés » car, si elles sont « dynamiques en termes d’emploi et attractives pour les professionnels venant d’autres aires géographiques », les auteurs de l’étude pointent le fait que « moins de jeunes y débutent en emploi qu’en moyenne nationale ».
Alors que ces régions ont un marché du travail déjà très tendu, elles pourraient donc être confrontées à « des difficultés de recrutement accrues » d’ici 2030, notamment en Bretagne dont 42 % des emplois seraient concernés. Suivraient les Pays de la Loire (35,3 %), la Nouvelle-Aquitaine (32,9 %), la Corse (31,1 %) ou encore l’Occitanie (30,4 %) et l’Auvergne-Rhône-Alpes (29,6 %).
Les auteurs de l’étude estiment ainsi qu’entre 6 % et 9 % des postes à pourvoir d’ici 2030 ne seraient pas comblés par les nouveaux travailleurs résidents et les jeunes débutants au sud-ouest du pays et en Auvergne-Rhône-Alpes.
L’ampleur de ces déficits s'expliquerait par « le dynamisme de l'emploi », notamment dans les métiers en croissance (personnels d'étude et de recherche, ingénieurs et cadres de l'industrie, cadres du BTP, ingénieurs informatiques...).
Bien que ce marché attire de nouveaux travailleurs en provenance d’autres régions, « sous l’influence des grandes métropoles, du climat et de la présence de littoraux » et que ceux-ci devraient permettre de pourvoir une partie des postes laissés vacants par les seniors, cela restera « insuffisant » pour équilibrer le marché du travail local, « dans la mesure où les jeunes débutants y seraient moins nombreux qu’en moyenne au niveau national ».
Dans les Pays de la Loire, en Nouvelle-Aquitaine et en Bretagne, qui sont des régions « à la fois agricoles et industrielles », « les départs en fin de carrière devraient être très nombreux dans [certains] domaines professionnels, où les actifs en emploi sont plus âgés que la moyenne des métiers et les jeunes débutants moins présents ».
C’est le cas des conducteurs de véhicules, des cadres des services administratifs et financiers, des cadres commerciaux, des employés de maison (dont font partie les personnels de ménage) et des aides à domicile.
Le Nord-Est préservé, l’Île-de-France attractive
Pourtant les difficultés de recrutement de ces métiers devraient s’accentuer d’ici 2030 « dans quasiment toutes les régions », rappellent les auteurs de l’étude.
Toutefois, les régions intérieures moins densément peuplées ainsi que le Grand-Est et les Hauts-de-France ont « des déséquilibres moins marqués en raison de créations d’emplois plus faibles que la moyenne nationale ». Ainsi, seuls « entre 2 % et 3 % » des postes à pourvoir d’ici 2030 ne seraient pas occupés par les nouveaux travailleurs résidents et les jeunes débutants.
Ces territoires conjugueraient « des créations d’emplois plus faibles qu’au niveau national et une moindre attractivité pour les jeunes débutants et les actifs en emploi résidant dans d’autres régions », explique l’étude, pointant une « forte présence » de métiers dont l’emploi se contracte, dans l’industrie et l’agriculture notamment.
La part des emplois risquant de connaître des difficultés de recrutement ne se serait ainsi que de 13,6% en Bourgogne-France-Comté et de 15,8 % dans les Hauts-de-France, par exemple, à l’horizon 2030.
L’Île-de-France afficherait, elle, la plus faible tension dans l’emploi avec seulement 11 % des emplois risquant de connaître des difficultés de recrutement. La région capitale se singularise par « une très forte attractivité pour les jeunes » avec un flux de jeunes débutants en emploi le plus élevé de la France métropolitaine (31 %). En raison d’une grande offre d’enseignement supérieur, la région francilienne est le lieu d’études de nombreux jeunes qui y débutent aussi leur carrière professionnelle.
Mais ce dynamisme démographique est toutefois tempéré par un « déficit migratoire », avec notamment « des départs nombreux de ses actifs en emploi vers les régions atlantiques et méditerranéennes ».
A noter que ces projections n’intègrent pas les politiques régionales « susceptibles d’infléchir la dynamique d’activité ni le travail transfrontalier qui peut accroître par endroit les difficultés de recrutement ».
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