Très mauvaise note pour l'exécutif à la Convention citoyenne pour le climat
Appelés à voter pour évaluer si les « décisions du gouvernement relatives aux propositions de la CCC » permettraient de « s'approcher de l'objectif (fixé par le gouvernement, ndlr) de diminuer d'au moins 40 % (par rapport à 1990) les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 dans un esprit de justice sociale », les membres de la Convention ont sorti le stylo rouge : la moyenne est de 2,5 sur 10 seulement. Les participants à cet exercice de démocratie participative, inédit à cette taille en France, ont toutefois estimé majoritairement (à 6 sur 10) que la CCC avait été « utile à la lutte contre le changement climatique » et que « le recours aux conventions citoyennes (était) de nature à améliorer la vie démocratique de notre pays » (7,7 sur 10).
Mais sur la traduction concrète de leurs mesures, aucune des six familles de propositions n'a obtenu la moyenne, lors des votes des quelque 120 inscrits sur les 150 tirés au sort, au terme de cette session finale tenue par visioconférence, en raison de la crise sanitaire. Thématique « se loger » : 3,4 sur 10. « Produire et travailler », « se nourrir » et « se déplacer » : 3,7 chacune. « Consommer » a eu 4 et les propositions sur la gouvernance 4,1.
Peu de mesures ont eu la moyenne. La meilleure note, 6,1, est pour la réforme de l'article premier de la Constitution, visant à introduire la lutte contre le changement climatique, sur laquelle Emmanuel Macron a proposé un référendum.
Ecouter le peuple
Le jugement est très dur sur d'autres objectifs emblématiques : 2,8 sur 10 seulement pour « limiter les effets néfastes du transport aérien ». Et 2,7 pour l'introduction dans le droit d'un délit « d'écocide », amoindri par rapport à la proposition de la Convention (en faire un crime). « Pourquoi le président n'a pas voulu tenir compte de notre avis, je ne sais pas, la démocratie participative, c'est fait pour écouter le peuple », a regretté Mathieu (les citoyens étant désignés par leurs seuls prénoms). Invité hier sur France info, Benoit Baubry, l’un des membres, a lancé un « appel aux parlementaires pour nous aider à mettre en place de nouveaux amendements, pour essayer de réduire au maximum les gaz à effet de serre ».
Emmanuel Macron avait décidé de créer la CCC au sortir de la crise des gilets jaunes, née d'une taxe carbone sur les carburants, perçue comme injuste. Démarrée en octobre 2019, elle a remis en juin, au terme d'un calendrier bouleversé par le covid, 149 propositions au président. Celui-ci en a rejeté trois, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur autoroute, une taxe de 4 % sur les dividendes et la réécriture de la Constitution, et s'est engagé à transmettre les autres « sans filtre ». Emmanuel Macron a, au moins, fait fi, d’une quatrième mesure. La demande d’un moratoire « en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat » faisait partie des 146 mesures proposées que le chef de l’État s’était engagé à reprendre. La rénovation thermique des bâtiments, que la CCC proposait de rendre obligatoire dès 2024 tant pour les propriétaires occupants que pour les bailleurs, ne figure pas non plus dans le projet de loi Climat et résilience et a été remise à une date ultérieure par le chef de l’Etat. Le texte prévoit en revanche « l’interdiction de location des passoires thermiques à partir de 2028 ».
Le gouvernement comptabilise 75 mesures mises en œuvre et 71 en voie de l'être. Certaines via le plan de relance ou le budget, d'autres dans des décrets, ainsi qu’une quarantaine dans le projet de loi Climat et résilience, qui sera débattu à l'Assemblée fin mars. Mais les écologistes dénoncent des mesures écartées et des ambitions à la baisse (lire Maire info du 10 février). Et le Haut Conseil pour le climat a critiqué des mesures gouvernementales et la loi climat, également jugée sévèrement par d'autres instances.
Divergences
« Ça n'est pas surprenant, c'est quelque chose à quoi on s'attendait », a commenté, auprès de l'AFP, une source au ministère de la Transition écologique après cette conclusion. Sur certaines mesures, comme l'écocide, « les divergences étaient clairement assumées », a-t-elle relevé. Cette source a en revanche regretté qu'un bloc de 15 à 20 votes « zéro » systématiques ait rendu l'analyse précise des résultats moins facile. Un vote systématique qui a également été critiqué par certains membres de la convention.
« Il y a forcément de la déception », a conclu le réalisateur Cyril Dion, qui avait milité pour cette convention et en était un « garant », tout en louant le « travail extraordinaire qui a été fait » par ses membres. Le député Matthieu Orphelin, ex-LREM et proche de Nicolas Hulot, a estimé que « les 150 citoyens punissent très fortement (et très logiquement) l'inaction et le manque d'ambition de l'exécutif ». Une « gifle », estime même le patron de Greenpeace France, Jean-François Julliard. Et pour le WWF, « la copie du gouvernement n'est pas au niveau ».
Ludovic Galtier, avec AFP
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