Transport urbain : l'AMF inquiète d'une disposition européenne particulièrement coûteuse
Par Franck Lemarc
L’enfer est pavé de bonnes intentions. C’est la morale qui semble pouvoir être tirée du projet de règlement européen, adopté par la Commission en février dernier, qui vise à réduire drastiquement les émissions de CO2 des véhicules lourds (camions, bus et cars).
Le projet de règlement propose de durcir les normes de façon progressive : les « véhicules utilitaires lourds neufs » devraient, en 2030, produire 45 % de CO2 en moins par rapport à 2019 ; puis 65 % de moins en 2035 et 90 % de moins en 2040. Jusque-là, tout va bien. Mais par ailleurs, la commission indique que pour « stimuler le déploiement plus rapide de bus à émissions nulles dans les villes », elle se propose d’imposer que « tous les bus urbains neufs soient à émissions nulles à compter de 2030 » dans toute l’Union européenne.
Autrement dit, si ce règlement était adopté en l’état, les communes seraient dans l’obligation, d’ici sept ans, de n’acquérir que des bus électriques ou des bus à hydrogène.
Un coût que les collectivités ne pourront pas assumer
Alertée par l’association Agir Transport, l’AMF s’oppose à ces dispositions. Dans un courrier adressé le 15 juin à la Première ministre, David Lisnard, président de l’AMF, indique que ces mesures, si elles devaient être adoptées, auraient pour conséquence « d’affaiblir considérablement le transport public » … alors même que celui-ci est « l’un des principaux leviers de décarbonation de notre pays ». Le transport public, parce qu’il est une alternative à la voiture individuelle, contribue en effet fortement à la réduction des gaz à effet de serre en général, et du C02 en particulier. Il y a donc une contradiction patente dans le fait de présenter un règlement visant à réduire les émissions, qui aurait l’effet inverse.
En effet, les collectivités locales françaises risquent d’être dans l’incapacité de faire face aux coûts induits par ces nouvelles règles. Selon les chiffres publiés par l’Union du transport public (UTP), le surcoût d’une telle mesure pourrait atteindre les 4,7 milliards d’euros pour les collectivités. Tout simplement parce que les bus électriques et plus encore à hydrogène sont beaucoup plus chers que les bus classiques, même aux normes environnementales les plus exigeantes. Pour mémoire, un bus diesel aux normes Euro 6 coûte aujourd’hui autour de 250 000 euros, quand un bus électrique coûte entre 350 000 et 500 000 euros, auxquels il faut ajouter autour de 100 000 euros pour les batteries. Quant aux bus à hydrogène, il n’existe pas de modèle en-dessous de 600 000 euros.
Autrement dit, si les collectivités devaient se voir imposer, lors du renouvellement de la flotte, de n’acheter que des bus électriques ou hydrogènes, elles ne seraient probablement pas en mesure de renouveler les véhicules à un pour un, et seraient donc contraintes… de réduire la flotte, c’est-à-dire de réduire l’offre et donc de transporter moins de voyageurs. À moins d’acheter des véhicules certes moins chers mais produits en Chine, ou de faire rouler plus longtemps des vieux véhicules diesel plus polluants, deux solutions qui apparaissent comme une aberration écologique. « Un comble », écrit David Lisnard, alors que l’objectif de ce règlement est « la décarbonation ».
Le maire de Cannes rappelle que les bus et cars ne comptent que pour « 0,8 % des émissions nationales de gaz à effet de serre », et 2 % de celles du secteur des transports.
Il demande donc à la Première ministre d’agir pour que ce règlement « n’entre pas en vigueur, dès lors qu’il compromettrait les chances de décarbonation du secteur des transports ». De leur côté, les élus de l’AMF vont rencontrer les eurodéputés porteurs de ce texte pour « les sensibiliser aux impacts de cette proposition sur nos collectivités territoriales ».
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