Festivals : une situation qui reste « fragile » et « contrastée »
Par Franck Lemarc
Lors du Conseil des ministres qui s’est tenu hier, Rima Abdul-Malak, a fait un premier bilan de la saison 2023 des festivals culturels, insistant sur l’immense richesse que représentent ces événements – ce sont près de 7 300 festivals qui se sont déroulés l’an dernier dans le pays, trois régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Paca et Occitanie) en accueillant même, à elles seules, 900 chacune. « Cette densité territoriale et cette grande diversité forment la richesse de la réalité festivalière, qui s’est développée à la faveur des politiques culturelles mises en œuvre à partir de 1981, en mettant à l’honneur la dimension événementielle et son aspect festif », rappelle la ministre.
Soutien de l’État et inflation
Cette communication ayant notamment pour but de faire la promotion de l’action de l’État, la ministre a rappelé que celui-ci « a soutenu les festivals de spectacle vivant à hauteur de 46,7 millions d’euros » en 2022 et « reconduira ces moyens en 2023 ». Sans dire, en revanche, qu’une telle « reconduction des moyens » signifie, en réalité, une diminution du soutien, eu égard à l’inflation très importante de ces derniers mois. Organiser un festival coûte forcément plus cher en 2023, notamment du fait de l’augmentation des prix de l’électricité, du gasoil qui alimente les groupes électrogènes, des produits alimentaires… Comme l’expliquait récemment à Franceinfo le patron du Printemps de Bourges, « les transports, l'énergie, le matériel, tout augmente... Si à la boulangerie les prix augmentent, il n'y a pas de raison qu'une scène ou un système de son n'augmente pas ». Les organisateurs pointent une inflation qui atteint les 30 % sur certains postes de budget. Sans compter les cachets des artistes, du moins les plus connus d’entre eux. De nombreux organisateurs de festivals dénoncent le caractère « délirant », comme le dit le directeur du festival des Eurockéennes de Belfort, des sommes demandées par certaines stars, qu’elles soient américaines ou francophones – certaines dépassent le million d’euros pour une prestation d’un soir.
Sans oublier le fait que des évolutions récentes des normes, notamment en matière de sécurité, ont grevé le budget de nombreux festivals depuis 2019 (lire Maire info du 25 février 2019).
Les collectivités en première ligne
Le gouvernement se félicite aussi de « l’outil formidable » que représente le Pass culture : en 2022, « plus de 828 festivals étaient inscrits sur le Pass et 202 000 places ont été vendues (dont 151 000 pour les festivals de musique). En 2023, ce sont 1 240 festivals déjà inscrits sur le Pass et 221 000 places déjà vendues. »
Ainsi, pour 2023, deuxième année de reprise après les années sombres du covid-19, « la tendance est globalement positive » et le volume des ventes pourrait « rejoindre celui de 2019 ». Mais le gouvernement reconnaît que ce bilan est porté par les très grands festivals, susceptibles de drainer des centaines de milliers de spectateurs, et que « la situation reste fragile pour les festivals qui n’ont pas de têtes d’affiche très connues du public ». On peut citer, par exemple, le festival Amorock de Mutzig, dans le Bas-Rhin, qui vient d’annoncer son annulation, faute de préventes suffisantes, à trois jours de son ouverture. Les organisateurs de ce festival expliquent sur leur page Facebook que « depuis [qu’ils] ont annoncé l’annulation, [ils ont] reçu des tas de messages d’organisateurs de festivals de la même taille qui sont dans le même doute, qui rencontrent les mêmes difficultés ».
Face à cette situation, la ministre de la Culture appelle les collectivités locales à ne pas faiblir dans le soutien qu’elles apportent aux festivals. Elles n’ont pas attendu ce conseil, puisque, comme la Cour des comptes l’a établi au printemps dernier (lire Maire info du 16 mars), l’effort financier de l’État aux festivals reste « mineur » par rapport à celui des collectivités, que la Cour chiffre à 300 millions d’euros, estimant qu’entre les subventions et les contributions en nature, « l’écart est de 1 à 10 entre les recettes apportées par l’État et celles qui proviennent des collectivités ». Parmi les collectivités, l’effort essentiel est fourni par les communes, précise également la Cour des comptes.
Il est à noter, à ce sujet, que la commission culture de l’AMF avait choisi de se réunir mardi à Avranches, quelques heures après l’annonce de la programmation du festival Via Aerterna, largement soutenu par les collectivités territoriales. Elle a appelé à une mobilisation collective pour soutenir la politique culturelle qui « ne peut pas être la variable d’ajustement dans un contexte de perte d’autonomie fiscale et financière des communes et des intercommunalités ».
Festivals et JOP
La ministre de la Culture conclut sa communication en évoquant la saison 2024 des festivals, qui se déroulera pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris. Face aux craintes suscitées par les déclarations gouvernementales selon lesquelles les besoins en force de sécurité des JOP allaient rendre très difficile la fourniture d’effectifs de forces de l’ordre pour assurer la sécurité des festivals, Rima Abdul-Malak se félicite du fait que la « concertation » ait permis de résoudre l’essentiel des problèmes : « Des échanges ont eu lieu avec tous les festivals nécessitant des unités de force mobile et les situations sont stabilisées pour tous, sauf un festival qui n’a pas encore confirmé la proposition qui lui a été faite. »
Elle ajoute que « pour les festivals de moindre ampleur, ne nécessitant pas d’unités de force mobile, la circulaire précise qu’ils pourront se maintenir, avec un usage modéré des forces de l’ordre ».
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