Le gouvernement compte-t-il rouvrir le débat sur la compétence mobilité pour les communautés de communes ?
Par Franck Lemarc
Ce sont nos confrères du site Contexte qui ont publié l'information : ayant eu accès à la synthèse des travaux du CNR (Conseil national de la refondation) transports, ils y ont découvert que la DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mobilité) « a décidé de soumettre plusieurs propositions aux associations de collectivités : rouvrir la prise de compétence mobilité pendant un an ou, ponctuellement, si la région est d’accord, clarifier les attributions entre autorités organisatrices (AOM) régionales et locales, réfléchir aux moyens alloués à ces AOM, fixer une date butoir pour signer les contrats opérationnels prévus par la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour coordonner les acteurs à l’échelle de chaque bassin de mobilité.» Ce qui, si cela se confirmait, serait une excellente nouvelle pour l'AMF, qui a été la première à réclamer l'ouverture d'une nouvelle période de réflexion sur le transfert de la compétence mobilité.
Une France coupée en deux
Pour comprendre cette problématique, il faut revenir en arrière. Au moment du débat sur la loi d'orientation des mobilités (LOM), la ministre des Transports (une certaine Élisabeth Borne) avait expliqué que son objectif était de résorber « les zones blanches de la mobilité » et de faire en sorte que l'ensemble du territoire national, territoires ruraux compris, soit couvert par une autorité organisatrice de la mobilité. La LOM a donc ouvert en grand la possibilité pour les communautés de communes de prendre une telle compétence.
La LOM a fixé les règles : les communautés de communes auraient le choix de prendre la compétence mobilités et de l'exercer sur leur ressort, ou de la transférer à la région. Après divers ajustements de calendrier dus à l'épidémie de covid-19, la date butoir du 31 mars 2021 a été décidée pour que les communautés de communes délibèrent sur le fait de se saisir ou non de la compétence mobilité. En cas de choix négatif, la région devenait de facto AOM à leur place. Deuxième étape : les communes membres de la communauté de communes ont dû délibérer à la majorité qualifiée sur ce choix. En cas de refus, là encore la région devenait AOM de substitution. En cas d’accord, à compter du 1er juillet 2021, les communautés de communes sont devenues AOM locales, avec plusieurs possibilités toujours ouvertes : transférer leur compétence mobilité à une échelle supra-communautaire (un syndicat mixte par exemple) ; ou demander à la région le transfert de l’intégralité des services qu’elle organise situés à l’intérieur du ressort territorial de la communauté de communes.
Un an plus tard, en mai dernier, une étude du Cerema a permis de faire le bilan de cette période de choix (lire Maire info du 6 mai 2022). Il est alors apparu que le choix des communautés de communes s'est clairement partagé, quasiment à égalité, entre celles qui ont conservé la compétence mobilités et celles qui l'ont transféré à la région. Avec une différenciation très marquée entre le nord et le sud du pays : dans les Pays-de-la-Loire, la Bretagne, la Normandie, le Grand Est et les Hauts-de-France, le nombre de communautés de communes qui ont choisi de prendre la compétence AOM approche ou dépasse les 80 % ; alors qu'en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Paca, il atteint à peine les 25 %. En Occitanie, seules trois communautés de communes, en tout et pour tout, ont pris la compétence, toutes les autres les ayant transférées à la région.
Le Cerema, tout comme l'AMF et Intercommunalités de France, ont jugé que cette situation était en partie due à une attitude « dissuasive » de certaines régions, qui ont activement milité pour que les communautés de communes leur transfèrent la compétence.
Remettre à plat le dossier
Cette situation n'est pas satisfaisante, a jugé la commission transports de l'AMF dans un document publié en octobre dernier et contenant « 25 propositions pour une transition adaptée aux déplacements du quotidien ». Ses auteurs expliquent le grand nombre de communautés de communes qui ne se sont pas saisies de la compétence mobilités par plusieurs facteurs : « La crise sanitaire, le report des élections municipales, le souhait des régions de conserver la compétence mobilités, un manque de temps pour apprécier l'impact d'une telle prise de compétences.» Et ils notent qu'un certain nombre de communautés de communes « regrettent » leur choix, « d’autant plus que l’échelon régional n’est pas forcément le plus adapté aux spécificités locales des différents territoires en termes de mobilités ».
L'AMF a donc demandé que l'ensemble du dossier soit remis à plat, et que s'ouvre une nouvelle période de réflexion, pendant laquelle les communautés de communes pourraient réinterroger leurs choix. Cette demande de l'AMF a été réitérée lors du Congrès des maires de novembre dernier, puis, à nouveau, lors des réunions du CNR-Transports.
Jusqu'à présent, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir à cette demande, estimant que le temps de réflexion avait été suffisant entre la LOM (décembre 2019) et la date butoir du 31 mars 2021.
Mais si l'on en croit Contexte, sa position est en train de changer, et le gouvernement envisagerait de proposer la réouverture d'une période d'un an pendant laquelle les communautés de communes pourraient revenir sur le choix qu'elles ont fait en 2021.
Par ailleurs, les informations de Contexte sur la volonté du gouvernement de « clarifier les attributions entre autorités organisatrices » correspondent également à un vœu de l'AMF, qui relevait en octobre dernier : « Une autre difficulté réside dans la superposition de l’exercice de la compétence mobilité par différents acteurs sur un même territoire. En effet, il existe des territoires intégrés dans lesquels la région assure un service qui vient se superposer aux services déjà existants (syndicat mixte en charge de mobilités, intercommunalités).Cette superposition de la compétence mobilité peut conduire à un problème de coordination et d’efficacité des différents services sur un même territoire, suscitant ainsi l’incompréhension des usagers. »
Si ces informations sont exactes, elles représentent une excellente nouvelle pour les communautés de communes. Il serait donc souhaitable que le gouvernement les confirme au plus vite et, plutôt que de faire fuiter ce type d'informations essentielles dans la presse, en informe, d'abord, les premières concernées que sont les associations d'élus.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Revalorisation des retraites des non-salariés du régime agricole en 2026 : la loi est parue
Le gouvernement annonce de nouvelles mesures de soutien pour les bailleurs sociauxÂ
Pénurie des maîtres-nageurs sauveteurs : le gouvernement tarde à donner des réponses concrètes
Prix à la pompe : le gouvernement prolonge d'un mois la prime carburant