Maire-info
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Édition du vendredi 25 avril 2025
Transports

Le Conseil constitutionnel censure certaines dispositions de la loi « sûreté dans les transports »

Le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de gauche, a censuré une partie de la loi « relative au renforcement de la sûreté dans les transports ».

Par Franck Lemarc

Mauvaise surprise pour le ministre des Transports, Philippe Tabarot, auteur de cette proposition de loi lorsqu’il était sénateur : les Sages ont censuré une partie de ce texte adopté définitivement, après une commission mixte paritaire, les 17 et 18 mars derniers (lire Maire info du 19 mars). Ce texte qui compte une trentaine d’articles vise notamment à renforcer les pouvoirs des agents des services de sécurité des opérateurs de transport, à sécuriser les services de transport « par la technologie »  (caméras piétons, caméras embarquées, traitement algorithmique des images de vidéoprotection…), et crée de nouvelles peines réprimant les délits liés au transport.

Agents privés et force publique

Le Conseil constitutionnel a été saisi par des députés de gauche, et a rendu sa décision hier. Six articles ont été censurés, soit parce qu’ils contreviennent à des exigences constitutionnelles, soit parce qu’ils constituent des cavaliers législatifs.

C’est notamment une partie de l’article 4 de la loi qui a été censurée. Cet article donne aux agents de sécurité des opérateurs de transport le pouvoir de « contraindre »  des contrevenants ou des personnes dont le comportement « est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations »  à quitter les gares ou stations ou à descendre d’un véhicule de transport collectif.

Les députés qui ont saisi le Conseil constitutionnel ont jugé que ces dispositions entrent en contradiction avec l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme, qui dispose que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » . Il découle de cet article, rappellent les Sages, « l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique ».

Les dispositions prévues par l’article 4 de la loi « permettent à des agents privés spécialement désignés d’exercer une contrainte sur une personne qui refuse d’obtempérer, sans devoir requérir l’assistance de la force publique » , relèvent les Sages. Mais une telle mesure de contrainte « relève par nature de la seule compétence des autorités de police » . Cette disposition est donc contraire à la Constitution, et sera retirée de la loi lorsqu’elle sera promulguée.

Caméras embarquées

Autre article censuré par le Conseil constitutionnel : l’article 13. Consacré au seul territoire de Mayotte, cet article prévoit, à titre expérimental pendant trois ans, que les véhicules de transport scolaire soient équipés « de caméras frontales et latérales »  afin de capter, transmettre et enregistrer des images de la voie publique. Ces images, précise la loi, « ont exclusivement pour finalités de dissuader les atteintes affectant la sécurité des conducteurs desdits matériels roulants et de leurs passagers ainsi que de permettre l’identification des auteurs de ces faits ».

Les Sages ont constaté que cette disposition permet à « toute personne morale exerçant à Mayotte l’activité d’opérateur de transport scolaire routier à procéder à la captation, la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique et dans des lieux ouverts au public » . S’ils estiment que ce dispositif répond à un objectif constitutionnel de protection des atteintes à l’ordre public, ils constatent que la loi autorise « un usage généralisé de dispositifs »  captant les images « d’un grand nombre d’individus » , sans subordonner le déclenchement de cette captation à la circonstance d’un incident. Ce faisant, le législateur « n’a pas assuré de conciliation équilibrée entre les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et le respect du droit à la vie privée ». L’article 13 a donc été censuré.

Enfin, les articles 5,12, 15 et 22 seront également retirés de la loi en tant que cavaliers législatifs, ce qui signifie qu’ils n’ont pas de rapport direct avec l’objet de la loi. L’article 5 autorisait les agents de la Suge (le service de sécurité interne de la SNCF) à porter des pistolets à impulsion électrique. L’article 12 prévoyait la mise en place d’un « numéro téléphonique national commun »  permettant de traiter les signalements des voyageurs en matière de sûreté. L’article 15 visait à prolonger l’expérimentation du traitement algorithmique des images de vidéosurveillance. L’article 22, enfin, permettait aux opérateurs de transport de déposer plainte au nom d’un de leurs agents victime d’une infraction, avec le consentement de celui-ci. Toutes ces dispositions, notent les Sages, introduites par amendement, ne présentent pas de lien, même indirect, avec les dispositions figurant dans la proposition de loi initiale.

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