Maire-info
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Édition du jeudi 30 janvier 2025
Transports

La création d'un versement mobilité régional, l'un des innombrables enjeux de la commission mixte paritaire

En novembre, le Sénat avait introduit dans le projet de budget un versement transport élargi aux régions, répondant à une très ancienne revendication de Régions de France. Cette disposition va-t-elle survivre à la commission mixte paritaire qui se tient ce soir, contre l'avis de France urbaine, d'Intercommunalités de France et du Medef ? 

Par Franck Lemarc

Lors des débats au Sénat qui ont précédé le renversement du gouvernement Barnier, deux amendements avaient été adoptés autour du versement mobilité (VM) : l’un pour augmenter son plafond, l’autre pour l’étendre aux régions. 

Le versement mobilité

Pour mémoire, le versement mobilité (ex-versement transport), instauré par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 est une taxe versée par les entreprises employant 11 salariés et plus dans un certain nombre de territoires : l’ensemble de la région Île-de-France, les communes ou communautés urbaines de plus de 10 000 habitants, dans les métropoles, et enfin dans les EPCI de plus de 10 000 habitants « compétents pour l’organisation de la mobilité ». Dans ces derniers, la perception du VM est conditionnée à l’organisation d’au moins un service de transport public régulier. 

À l’exception de la région capitale donc, le VM ne peut être perçu à l’échelle des régions. Mais en même temps, la même LOM a donné de nouvelles compétences aux régions en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Rappelons en effet que la LOM a créé un système à deux étages pour permettre aux communautés de communes de devenir AOM, afin, disait à l’époque la ministre des Transports, d’en finir avec « les zones blanches de la mobilité »  dans les territoires ruraux. Depuis la LOM, toutes les communautés de commune ont eu le choix ou bien de prendre la compétence mobilité et de devenir des AOM, ou bien de transférer cette compétence à la région. 

Une moitié environ des communautés de communes ont fait le choix de garder la compétence, l’autre de la transférer. 

Le problème de ces dispositions, soulevé notamment par Régions de France, c’est que la loi n’a pas prévu d’affecter aux régions de ressources pour exercer cette compétence – le VM restant uniquement réservé aux EPCI et aux métropoles. 

Un VM régional à 0,2 %

Les sénateurs ont donc choisi, contre l’avis du gouvernement, de voter un amendement pour instituer un VM régional, lors des premières discussions sur le projet de loi de finances, en novembre. Un amendement « visant à donner aux régions une ressource financière dédiée à leur rôle de chef de file de la mobilité ». 

Cet amendement – assez compliqué – permettrait aux régions et à la collectivité de Corse de voter un versement mobilité plafonné à 0,2 % de la masse salariale des entreprises de onze salariés et plus. Il est clairement écrit dans l’exposé des motifs de l’amendement – mais beaucoup moins clairement dans l’amendement – que ce prélèvement nouveau se ferait « sans préjudice du VM perçu le cas échéant par chaque AOM sur son ressort territorial ». C’est ici que la rédaction de l’amendement est complexe : il est à fois écrit que le VM régional serait perçu « sur l’ensemble du territoire de la région », mais « sans préjudice »  du VM perçu par les AOM locales. Si ce dispositif subsiste, il faudra l’expliquer plus clairement : y aura-t-il un « double VM »  dans les autorités organisatrices locales, un pour la région et un pour l’AOM ? Ou le VM régional ne s’appliquera-t-il qu’à l’extérieur du ressort des AOM locales ? L’amendement prévoit d’ailleurs que la région puisse moduler, voire porter à zéro, le montant du VM régional dans chaque EPCI – cela s’appliquera-t-il à ce cas d’espèce ? Pour l’instant, pas de réponse claire à ces questions. 

Autre point important de cet amendement : l’obligation pour les régions de reverser 10 % du produit du VM régional aux AOM au prorata de leur population. Là encore l’amendement est peu clair – on ne comprend pas si ce reversement est réservé aux communautés de communes ou non. Dans l’exposé des motifs, il est simplement indiqué que « dans la répartition de cette enveloppe, il importe que les régions soient attentives à la situation des AOM des zones peu denses disposant de bases fiscales trop faibles – et donc d’un rendement de VM insuffisant – pour financer des projets de mobilité ». 

Les auteurs de cet amendement ont chiffré à 500 millions d’euros le rendement maximum de cette nouvelle taxe. 

Par ailleurs, les sénateurs ont voté au même moment un amendement permettant aux AOM concernées par la réalisation d’un RER métropolitain (Serm) de rehausser le plafond du VM de 0,2 point, mais seulement pour les entreprises de plus de 50 salariés. 

« Fragilisation »  et « concurrence » 

Naturellement, ces dispositions ont provoqué l’ire du Medef, qui avait aussitôt réagi en plaidant que cette mesure nuirait « à la compétitivité des entreprises »  et qui demande aux collectivités de « trouver d’autres ressources pour financer l’offre de transports ». 

Plus récemment, le 27 janvier, ce sont les associations Intercommunalités de France et France urbaine qui ont pris la plume pour demander à François Bayrou de bloquer la création de ce VM régional, qui aurait « des conséquences graves »  pour les villes et intercommunalités. Les deux associations se montrent choquées de ne pas avoir été associées aux discussions sur ce sujet, alors qu’elles représentent « des acteurs majeurs des mobilités de proximité », et estiment que la création du VM régional « fragiliserait la seule ressource dont elles disposent pour financer leurs actions de développement des transports publics ».

Les deux associations estiment en outre que créer un VM régional « mettrait les collectivités en concurrence les unes avec les autres sur une ressource déjà en tension ». 

De leur côté, les régions mènent une ardente campagne auprès du Premier ministre pour que ces dispositions soient maintenues lors de la CMP.

Ironie de l’histoire : le sénateur co-signataire de ces amendements adoptés en novembre au Sénat est un certain… Philippe Tabarot, aujourd’hui ministre des Transports du gouvernement Bayrou. On peut imaginer qu’il fait partie, au sein du gouvernement, de ceux qui plaident pour le maintien de ces dispositions – à la différence du ministre de l’Économie, Éric Lombard, qui s’est dit « réservé », au nom de la compétitivité des entreprises. 

On saura qui, des régions ou des intercommunalités, aura remporté ce bras de fer, à l’issue de la commission mixte paritaire qui a débuté – pour combien de temps ? – ce matin à 9 h 30.

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