Loi Climat et résilience : l'État garde la main sur les projets éoliens
Par Caroline Reinhart
Aussi tempétueux qu’essentiels, les débats autour des projets éoliens ne datent pas d’hier. Mais ils prennent une ampleur inédite, à mesure que les objectifs de développement des énergies renouvelables se renforcent, et que les contestations des riverains se durcissent.
Au-delà de la tentative de récupération politique du sujet, il s’agit parfois d’un véritable fardeau pour les maires, confrontés à l’incompréhension de leurs administrés face à leur impossibilité d’agir. Sans surprise, les discussions autour de la loi Climat et Résilience ont été particulièrement électriques.
Concertation et acceptabilité
Alors que le Sénat avait décidé d’accorder un droit de véto aux maires, condamnés à la passivité, la version finale écarte cette faculté d’empêchement des communes, pourtant directement concernées. Ainsi, la loi du 22 août dispose : « Dans un délai d'un mois à compter de l'envoi du résumé non technique et après délibération du conseil municipal, le maire de la commune d'implantation du projet adresse au porteur de projet ses observations sur le projet. En l'absence de réaction passé ce délai, le maire est réputé avoir renoncé à adresser ses observations. Le porteur de projet adresse sous un mois une réponse aux observations formulées, en indiquant les évolutions du projet qui sont proposées pour en tenir compte. » (article 82). À noter que cette disposition ne s’applique qu’aux projets éoliens terrestres « dont la demande d'autorisation est déposée plus de six mois après la promulgation de la loi » – soit à compter du 23 janvier 2022.
Autrement dit, la loi Climat et résilience renforce la consultation des maires, pour favoriser l’acceptabilité des projets, sans toutefois leur donner plus de pouvoir sur l’issue des projets. Au prix de délais d’instruction allongés, les porteurs de projets seront ainsi confortés sur leur sécurité juridique, puisque toutes les parties auront été consultées.
Pas de droit de véto donc, contrairement à ce que souhaitaient les sénateurs, Hervé Maurey en tête, qui a déposé une proposition de loi en ce sens, lorsque le projet éolien « contrevient à un certain nombre d’intérêts (de santé, de sécurité, de salubrité publique, de protection de la nature et des paysages, etc.) », ou « nuit au cadre et à la qualité de vie des populations à proximité ». Par ailleurs, l'AMF continue de se battre pour obtenir un droit de regard pour les maires. Le sujet a été réintroduit par le Sénat dans le projet de loi 3DS, qui sera examiné par l'Assemblée nationale début décembre.
Zones favorables et charte de bonnes pratiques
Pour mémoire, la loi dite « Asap » du 17 décembre 2020 avait, a priori, permis un pas en direction des maires, en contraignant les porteurs de projets à leur transmettre le résumé non technique de l’étude d’impact – au moins un moins avant le dépôt de la demande d'autorisation environnementale. Mais plus récemment, une instruction du 21 mai donne aux préfets tout pouvoir pour définir des zones favorables au développement de l’éolien tout en renvoyant à une charte la définition d’un cadre de consultation des maires, en tant que « bonne pratique ».
L'AMF, sollicitée par le gouvernement, ne s'est pas associée à cette charte qui entérine des objectifs très ambitieux décidés par le gouvernement en matière de déploiement de l’éolien – et ne sont nullement le fruit d'une concertation avec les maires. L’AMF n’a d’ailleurs cessé d’alerter l’Etat sur la nécessité d’un avis conforme des maires concernés par les projets, au contraire, et s'est opposée, dans le passé, à la suppression des ZDE (zones de développement de l'éolien), qui permettaient aux communes et EPCI de décider quelles zones pouvaient accueillir des projets.
Les freins au développement des énergies renouvelables, et en particulier celle produite par les éoliennes, sont peu à peu levés par le gouvernement. La course est lancée pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui seront déclinés à l’échelle régionale, et « établis par décret pour le territoire métropolitain continental, après concertation avec les conseils régionaux concernés » – autre apport de la loi Climat et Résilience. La PPE vise 33 % d’énergies renouvelables en 2030, et le doublement de la production éolienne d’ici à 2028, pour atteindre 14 500 mâts environ en 2028. Des ambitions élevées, censés rattraper le retard pris par la France dans l’atteinte des objectifs européens. L’énergie nucléaire reste prédominante (autour de 75 %), en dépit de l’objectif de réduction de cette part à 50 %, fixé par la loi dite « Transition énergétique » de… 2015.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Loi Climat et résilience : la police de la publicité confiée au bloc communal (03/09/2021)
Loi Climat et résilience : la commande publique se (re)met au vert (08/09/2021)
Les maires appelés à accueillir des agents du ministère de l'Intérieur dans leur commune
Présidence de l'AMF : les professions de foi sont publiées