Transition écologique : le gouvernement va réduire ses financements et se défausse sur les autres acteurs
Par Franck Lemarc

Le Code de l’énergie impose au gouvernement, depuis 2023, de remettre chaque année au Parlement, à la rentrée, « une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale » . Même si le principe même de définir une stratégie « pluriannuelle » semble quelque peu lunaire quand on se demande si la survie du gouvernement doit se compter en jours ou en semaines, celui-ci a bien été obligé de se plier à l’exercice.
Appel au privé
D’autant que, depuis un an et l’installation du gouvernement Bayrou, il apparaît aux yeux de beaucoup d’acteurs que la transition écologique n’est plus au cœur des préoccupations gouvernementales. Pour autant, le rapport publié ce matin fait état de « progrès significatifs » réalisés ces dernières années, se traduisant notamment par « une baisse de 32,5 % » des émissions brutes de gaz à effet de serre par rapport à 1990. De 2000 à 2023, les émissions de particules fines PM2,5 ont « diminué de 56 % » . Autre exemple de progrès : les prélèvements d’eau potable sont passés de 100 à 81 mètres cubes par habitant en une vingtaine d’années.
Malgré ces résultats encourageants – et même si le gouvernement reconnaît que les progrès ont tendance à ralentir depuis l’an dernier –, la France reste très loin des objectifs qu’elle s’est elle-même fixée et l’atteinte de ceux-ci, à l’horizon 2030 et 2050, est d’autant plus incertaine que la transition écologique semble faire les frais des restrictions budgétaires.
Tout est fait, dans ce rapport, pour tenter de camoufler ce fait, mais il n’en reste pas moins indéniable : les financements de l’État pour la transition écologique sont et seront en baisse. Le gouvernement propose de se tourner davantage vers l’investissement privé : « En situation de finances publiques contraintes, le choc d’investissements nécessaire à la décarbonation du patrimoine public incite à mobiliser des fonds privés pour la décarbonation du patrimoine public. » Et comme les financements privés ne se mobilisent pas à des fins philanthropiques mais pour dégager du profit, l’État doit recentrer ses financements vers « les investissements perçus comme non rentables ».
Quand l’État veut limiter ses efforts
Le document fait le point sur les mesures budgétaires proposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 – ce qu’il faut, là encore, prendre avec des pincettes dans la mesure où ce texte subit un détricotage en règle, en ce moment même, à l’Assemblée nationale. Parmi ces mesures : la suppression du taux réduit de TVA pour l’achat et l’installation de chaudières à gaz, censée « promouvoir les choix de chauffage bas-carbone » ; l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion ; le renforcement du malus sur les véhicules polluants ; ou encore une nouvelle « taxe incitative au verdissement des flottes de véhicules professionnels » . On notera que toutes ces mesures ne coûtent pas un centime à l’État, bien au contraire : elles visent à faire financer une partie de la transition écologique par les contribuables eux-mêmes.
Du côté des dépenses de l’État, la tendance est nettement à la baisse. L’exemple le plus évident est le Fonds vert : avec un certain art de l’euphémisme, le gouvernement explique que celui-ci a été « reconduit en améliorant le ciblage des projets accompagnés » , ce qui est plus élégant que de dire que son montant a été divisé par quatre en quelques années. Le Fonds vert, qui s’élevait à 2,5 milliards d’euros en 2023, a fondu plus vite que la banquise pour atteindre, dans le projet de loi de finances pour 2026, 650 millions d’euros. « L’amélioration » n’est pas perceptible.
MaPrime’Renov ne se porte pas mieux, avec des crédits qui passeraient de 2,1 à 1,5 milliard d’euros, le gouvernement pariant sur le dispositif des certificats d’économies d’énergie pour combler la différence. Seul le budget du Fonds chaleur reste stable, à 800 millions d’euros.
En réalité, le gouvernement ne s’en cache pas : il compte sur les autres acteurs (entreprises, ménages, collectivités) pour financer la transition écologique. Alors que les besoins d’investissements supplémentaires pour décarboner l’économie sont estimés à 82 milliards d’euros d’ici à 2030, l’État n’en financerait que 13, soit 16 %. Si le projet de budget pour 2026 prévoit bien une hausse de 3 milliards d’euros des dépenses de l’État et de ses opérateurs l’année prochaine – essentiellement destinés à soutenir les énergies renouvelables –, il est clairement indiqué qu’après 2026, ces crédits seront gelés et n’augmenteront plus.
On se rappelle que dans son rapport élaboré en 2023 sur le financement de la transition écologique, Jean Pisani-Ferry avait chiffré à 70 milliards d’euros les investissements devant être consentis, d’ici à 2030, par le secteur public (État et collectivités). Si l’État ne veut apporter que 13 milliards, cela laisserait 57 milliards d’euros à débourser pour les collectivités. L’équation semble parfaitement intenable.
9 milliards d’investissement pour les collectivités
Pour ce qui concerne les collectivités, justement, le document publié par le gouvernement estime à « 9 milliards d’euros » les dépenses et subventions qu’elles ont consacré à des investissements pour la décarbonation en 2023, ce qui représente « 15 % de leurs dépenses d’investissement totales » . Ces dépenses sont très variées : elles vont des subventions des régions à la SNCF, pour la modernisation des infrastructures TER par exemple, à l’aménagement de pistes cyclables par des communes ou à la rénovation énergétique des bâtiments publics. Les collectivités financent également des projets d’énergies renouvelables, des réseaux de chaleur et de froid, la gestion d’un l’éclairage public plus efficient.
Selon le gouvernement, les dépenses des collectivités consacrées à la décarbonation ont augmenté de 44 % entre 2017 et 2022.
Pour ce qui concerne l’avenir, on peut lire entre les lignes du document gouvernemental que les collectivités devront faire mieux avec moins – en tout cas moins de subventions et d’aides de l’État. Tout en rappelant que « les collectivités s’administrent librement » , le gouvernement leur prodigue quelques conseils pour jouer « leur rôle de premier plan » dans le financement de la décarbonation : trouver des fonds en « réduisant les dépenses de fonctionnement », « mettre en cohérence (leurs) plans d’investissements pluriannuels avec les objectifs climatiques », s’appuyer sur les partenariats public-privé, emprunter ou émettre des « obligations vertes ».
Les collectivités sont donc de plus en plus incitées à ne pas compter sur le soutien de l’État non seulement pour lutter contre le réchauffement climatique mais même, plus prosaïquement, pour atteindre les objectifs des normes fixées par l’État lui-même… sans en assurer le financement.
Le gouvernement a clairement décidé de réduire sa part dans le financement de la transition écologique. Et de se défausser sur les autres acteurs – dont les collectivités et les ménages – qui en ont, pourtant, de moins en moins les moyens.
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