Nouvelle-Calédonie : le report des élections provinciales acté en commission mixte paritaire
Par Franck Lemarc
Les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, qui permettent notamment d’élire les membres du Congrès, devaient se tenir avant le 30 novembre, après déjà deux reports consécutifs. Ce sera, selon toute vraisemblance, à l’été prochain, un troisième report ayant été acté en commission mixte paritaire (CMP), hier.
Obstruction et motion de rejet
Alors que ce bref texte (trois articles actant le report « au plus tard le 28 juin 2026 » et prorogeant les mandats des élus jusque-là) avait facilement été adopté au Sénat (lire Maire info du 15 octobre), les choses ont été bien plus compliquées à l’Assemblée nationale, mercredi dernier.
En effet, La France insoumise et le groupe communiste, très opposés à ce report, avaient déposé pas moins de 1 671 amendements sur un texte comptant très exactement 18 lignes. Bien que les députés LFI s’en défendent, il est difficile de ne pas voir une volonté d’obstruction dans ce nombre d’amendements – surtout lorsqu’on en regarde la liste. Ainsi, LFI a déposé un amendement pour demander que l’expression « les élections ont lieu au plus tard le 28 juin 2026 » par « sont fixées au plus tard le 28 juin 2026 », un autre pour proposer « interviennent », un autre suggérant « sont organisées », etc. Une série d’amendements proposait des dates alternatives pour la tenue de l’élection – un amendement par jour du calendrier.
L’examen de ces amendements aurait demandé des dizaines d’heures de débat, ce qui a conduit les députés macronistes à déposer une motion de rejet préalable… sur un texte déposé par leur propre gouvernement. Objectif : rejeter d’emblée le texte sans discussion et aller à la CMP. Cette manœuvre consistant à demander le rejet de ses propres textes avait, rappelons-le, déjà été utilisée par le « bloc central » lors de l’examen de la très contestée proposition de loi Duplomb (lire Maire info du 26 mai).
Comme l’ont assez bien expliqué plusieurs députés, ni l’une ni l’autre de ces manœuvres ne sont très satisfaisantes du point de vue démocratique : « L’examen de 1 600 amendements aurait empêché le débat ; une motion de rejet préalable l’empêchera également, et c’est regrettable », a résumé le socialiste Arthur Delaporte.
« L’accord » de Bougival contesté
Mais au-delà des manœuvres, la discussion qui a précédé ce vote de la motion de rejet a permis de faire émerger les points cruciaux du débat : est-il admissible de reporter, pour la troisième fois, un scrutin, conduisant à ce que des élus exercent leur mandat pendant plus de sept ans ? À l’inverse, y a-t-il un autre choix, alors que les positions sont totalement bloquées entre indépendantistes qui demandent le maintien du gel de la liste électorale, et les loyalistes qui exigent le dégel ?
Paul Molac, pour le groupe Liot, a parfaitement résumé le problème en disant au gouvernement : « Il est loin d’être certain que vous parveniez, d’ici juin prochain, à obtenir une révision constitutionnelle, une loi organique et un référendum qui permettraient, éventuellement, de régler le problème. » Autrement dit, ce troisième report pourrait n’être… qu’un prélude à un quatrième.
Le fameux « accord » de Bougival a, lui aussi, été au centre des interventions. Avec, d’un côté le député macroniste néo-calédonien Nicolas Metzdorf qui a affirmé que cet accord a permis « d’avancer comme personne ne l’avait fait depuis sept ans ». « S’il faut encore prendre le temps de rediscuter, d’amender, de préciser afin qu’un maximum de personnes adhèrent à l’accord de Bougival – ou à un accord consensuel, quel qu’il soit –, alors, prenons ce temps. » De l’autre côté, le député kanak Emmanuel Tjibaou a rejeté même – comme le fait le FLNKS – le terme d'« accord » : « Nous avons signé un document qui nous a été présenté comme un projet d’accord. À quel titre voudrait-on maintenant mettre sur la table une proposition de report des élections provinciales qui reviendrait à considérer cet accord comme acquis ? Il a été publié au Journal officiel sans la mention des signataires et sans que ne soit mentionnée sa nature de projet ! ».
À l’issue de ce débat, la motion de rejet préalable a été adoptée par 257 voix contre 105. Elle a été soutenue par le bloc central, Les Républicains, le RN et ses alliés ciottistes, tandis que LFI, les communistes et les écologistes ont voté contre. Les socialistes se sont majoritairement abstenus, tandis que le groupe Liot s’est divisé entre pour, contre et abstentions.
CMP conclusive
Conséquence directe de ce rejet : le texte est allé directement à la CMP, qui s’est réunie hier. Cette CMP a été conclusive, et a acté le report des élections à l’été prochain, comme on peut le lire dans le texte publié ce jour en fin de matinée.
Si le texte de la proposition de loi n'a pas changé, le titre a été modifié, afin de faire « un geste d'apaisement » : le texte adopté par le Sénat était intitulé « Proposition de loi organique (...) visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre ». Celui de la CMP ne fait plus mention de l’accord de Bougival : dans le titre, le report viserait désormais à « permettre la poursuite de la discussion, en vue d'un accord consensuel sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Cette concession ne suffira sans doute pas, toutefois, à apaiser les adversaires du report.
Le texte de la CMP sera examiné dès aujourd’hui par l’Assemblée nationale, et demain par le Sénat. Pour les partisans du report, le temps presse : si les élections devaient avoir lieu le 30 novembre, le décret de convocation des électeurs devrait être publié dans les tous prochains jours.
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