Construction de bureaux et d'écoles : les nouvelles exigences environnementales fixées par décret
Par A.W.
Surcoût substantiel, impacts techniques d’ampleur et possible frein à la construction de nouveaux bâtiments. Ce n’est rien de dire que le décret paru ce matin ne réjouit pas les représentants des élus locaux.
Fixant les niveaux d'exigence de performance énergétique et environnementale que devront respecter les bâtiments de bureaux et d'enseignement primaire ou secondaire situés en France métropolitaine, il est passé, l’an dernier, deux fois devant le Conseil national d'évaluation des normes (Cnen) – lorsqu’il était encore à l’état de projet et accompagné d’un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 4 août 2021 – et y a reçu à deux reprises un avis défavorable.
Malgré certaines modifications intégrées à la première version du projet de décret (et d’arrêté), celles-ci se sont avérées insuffisantes aux yeux des représentants des élus qui ont maintenus leurs réserves lors de leur seconde délibération, le 7 octobre dernier.
Sobriété énergétique, décarbonation et « confort d’été »
Ce texte vise, d’abord, à mettre en œuvre la réglementation environnementale pour 2020 (RE 2020) en actualisant le cadre en vigueur issu de la règlementation thermique de 2012 (RT 2012).
Applicables depuis le 1er janvier 2022 pour les bâtiments résidentiels (les maisons individuelles et les logements collectifs), ses exigences en matière de performance énergétique et environnementale des constructions neuves entreront en vigueur le 1er juillet prochain pour les bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire.
Elles s'appliqueront, ensuite, à compter du 1er janvier 2023, aux extensions de ces constructions et aux constructions provisoires. Pour les bâtiments dits « tertiaires spécifiques » (commerces, hôpitaux, gymnases, hôtels, etc.), ces obligations n’entreront pas en vigueur « avant 2023 », la date devant être fixée « ultérieurement », a rappelé le ministère de la Transition écologique, en septembre, devant les membres du Cnen.
Cette réforme doit ainsi permettre d’atteindre trois grands objectifs : la « sobriété énergétique », la « décarbonation » de l’énergie et de la phase de construction des nouveaux bâtiments, ainsi que l’amélioration du confort des bâtiments en cas d’épisodes caniculaires intenses (dit « confort d’été » ).
Concrètement, le gaz ne pourra, par exemple, plus être utilisé pour le chauffage, le refroidissement ou l’eau chaude sanitaire, dès 2022, pour les bâtiments de bureaux et, en 2025, pour les bâtiments d’enseignement. S’agissant de l’impact carbone des bâtiments, le gouvernement table sur une « réduction prévisible » de l’ordre de 35 % à l’horizon 2031. En ce qui concerne le « confort d’été », le développement des protections extérieures ou des « brise-soleil » est notamment prévu, les exigences ayant été calibrées « en fonction des spécificités territoriales, avec un renforcement substantiel pour l’arc méditerranéen afin de lutter contre les effets de la canicule ».
Un surcoût annuel de 74,2 milliards d’euros
Des exigences qui auront toutefois un surcoût « substantiel » qui pèsera sur les budgets locaux, ont mis en garde les représentants des élus, exprimant leurs réserves.
En effet, celui-ci a été évalué par le ministère de la Transition écologique à 74,2 milliards d’euros par an en moyenne sur 10 ans pour… 1,8 million d’euros d’économies. Et ce, « s’agissant uniquement des constructions de bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine », précise l’avis du Cnen du 9 septembre.
Rappelant le « contexte économique peu favorable » et la « complexité de la réglementation envisagée » (les trois annexes précisant les exigences de la RE 2020 représenteraient au total « pas moins de 1 800 pages » ), les représentants élus jugent ainsi qu’un « accompagnement spécifique dédié » devra être mis en place par l’État « au regard de l’ampleur des impacts techniques » et « des investissements substantiels qui devront être consentis par les collectivités ».
Comme ils l’avaient déjà indiqué, en avril 2021, les outils d’accompagnement dont disposent les collectivités territoriales, « et plus particulièrement le bloc communal », « n’apparaissent pas suffisants ». Les représentants des élus ont donc à nouveau mis en garde sur le fait que « les dispositions réglementaires en vigueur, ou à venir, ne pourront être pleinement appliquées » en « l’absence d’aides financières complémentaires ».
Or, pour le moment, aucun dispositif d’aide spécifique ne devrait, « à ce stade », être créé pour accompagner les collectivités, avait rappelé le gouvernement lors de la séance du 9 septembre.
« Freins » à la construction
Les membres élus du Cnen ont également pointé « la méthode adoptée » par le gouvernement concernant l’évaluation des impacts financiers pour les collectivités territoriales, et en particulier les économies projetées.
Ils redoutent, par ailleurs, que ces nouvelles exigences puissent générer « des freins à la construction de nouveaux bâtiments, et notamment d’établissements scolaires, au profit de travaux de rénovation pour lesquels la RE 2020 ne sera pas applicable ». Cette réforme aura donc « des impacts directs sur la programmation des équipements au niveau local, au détriment de la construction d’espaces complémentaires aux établissements d’enseignement, en particulier de salles de restauration scolaire, de dortoirs ou de salles de motricité, et donc in fine sur la qualité du service public éducatif », préviennent-ils.
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