Transition écologique : le financement des collectivités doit être « repensé », selon un rapport sénatorial
Par A.W.
Des dotations trop complexes, peu lisibles et insuffisamment diversifiées. A l’issue d’un premier bilan de l’utilisation des dotations vertes destinées aux collectivités, les sénateurs de la Haute-Marne, Charles Guené (LR), et de la Haute-Garonne, Claude Raynal (PS), estiment leur verdissement « en demi-teinte » et bien trop orienté vers la rénovation thermique des bâtiments.
Alors que les collectivités territoriales vont devoir, dans les prochaines années, investir massivement pour atteindre l’objectif national de réduction de consommation d’énergie de 40 % d’ici 2030 (puis 50 % en 2040 et 60 % en 2050) par rapport à 2010, les deux sénateurs assurent que le financement de la transition écologique va devoir être « repensé » et se « diversifier ».
Face à « l’incertitude qui pèse actuellement sur les finances locales et l’absence de prévisibilité sur les ressources et les dépenses des collectivités, couplées à un renchérissement du recours à l’emprunt », ces derniers mettent en garde contre le « risque » de « renoncement à certains investissements en faveur de la transition écologique ».
Le « maquis » des dotations
D’autant que les investissements annuels pourraient être bien supérieurs que les 12 milliards d’euros souvent cités et repris par les rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités ». « Même si de nombreuses actions ont déjà été entreprises », les investissements à venir devront porter sur « le bâti scolaire, les bâtiments administratifs, les locaux à usage de service public (gymnases, bibliothèques, piscines…), l’éclairage public et les systèmes de réseaux (eaux, chauffages, traitements des déchets…), les transports publics (développement des voies de mobilités douces, électrification des transports en commun…) ou encore sur la renaturalisation des zones urbaines », préviennent-ils.
Pour faire face à ce « mur d’investissement », les sénateurs rappellent, toutefois, que le gouvernement à renforcer les dotations qui sont allouées aux collectivités.
Mais, que ce soit la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) – qui a permis de financer 3 524 projets environnementaux pour un montant total de 156 millions d’euros – ou la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) – qui a permis de financer 918 projets environnementaux pour un montant total de 89 millions d’euros - , les chiffrages restent « peu fiables », à leurs yeux. Selon Charles Guené et Claude Raynal, « il est impossible de connaître la part de la Dsil (y compris Dsil exceptionnelle) et de la DETR concourant réellement au financement de projets environnementaux ».
Les deux sénateurs pointent également le caractère non pérenne de la dotation de rénovation thermique (DRT) et de la dotation régionale d’investissement (DRI), mais aussi le manque de visibilité qui entoure le Fonds vert au-delà de 2023. Seule la dotation de biodiversité, créée en 2019, qui vise à soutenir la production d’aménités rurales par les collectivités territoriales, est, pour l’heure, réellement pérenne.
Si l’on ajoute les aides potentielles en provenance de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l’Ademe ou encore de la Banque des territoires et de l’Union européenne, tout cela forme à leurs yeux un « maquis » qui « contribue largement à la complexité du système de financement de la transition écologique auquel se heurtent les collectivités, notamment les plus petites ».
L’accès même aux dotations semble « trop complexe » avec des calendriers de demande de subventions non concordants, des fiches techniques à remplir parfois jugées « ésotériques » par les élus locaux ou encore des critères d’éligibilité trop nombreux et peu transparents.
Visibilité pluriannuelle
Dans ces conditions, les deux sénateurs considèrent que l’ensemble du financement de la transition écologique des collectivités doit être « repensé » avec « pour priorité une visibilité pluriannuelle, puisque ces investissements lourds ne peuvent s’inscrire que dans une temporalité longue ». Or, actuellement, « l’absence de prévisibilité des financements apparaît comme un obstacle au lancement de certains investissements ».
Selon Charles Guené et Claude Raynal, « si les dotations budgétaires sont un outil indispensable à la transition écologique des collectivités, elles ne peuvent être un outil unique pour répondre à l’ensemble des besoins d’investissement et des enjeux environnementaux ».
« Une réflexion urgente » devra, en outre, être menée sur « les autres outils, comptables ou fiscaux, à mettre en place ainsi que sur les moyens de réhabiliter le recours à l’emprunt ».
Les auteurs du rapport réclament ainsi la mise en place d’une « programmation pluriannuelle des investissements locaux et de leur financement, notamment via les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) », mais aussi « de pouvoir envisager l’endettement des collectivités sous un nouveau prisme » afin d’« isoler dans les ratios d’endettement la part de la dette permettant de financer des investissements en faveur de la transition écologique ». Ils proposent également « de mener une réflexion d’ensemble sur les outils favorisant le financement de la transition écologique » en citant notamment une réforme éventuelle du FCTVA ou de la DGF.
Les sénateurs recommandent, par ailleurs, de mettre en place « une consultation des élus locaux afin de développer un document unique et formalisé permettant de classer les dépenses d’investissement des collectivités comme neutres, favorables, mixtes ou défavorables à l’environnement ».
« Diversifier » le verdissement
Par ailleurs, ils estiment que des efforts doivent être faits pour que les investissements ne portent pas sur la seule rénovation thermique des bâtiments, encore largement « majoritaire » dans les projets financés.
En effet, « la structure actuelle du suivi de l’exécution des dotations montre actuellement un biais en faveur de la rénovation thermique qu’il conviendrait de corriger dans les années à venir » puisque « la transition écologique des collectivités territoriales ne peut se résumer à la seule rénovation thermique des bâtiments ».
Et les sénateurs de citer les besoins d’investissements nombreux existant aussi dans « le traitement des déchets et eaux usées, la revégétalisation et reforestation, la protection de la faune et de la flore ou encore le développement des énergies renouvelables ».
Ils suggèrent ainsi de continuer la montée en puissance de la dotation « biodiversité » en élargissant le périmètre des villes éligibles « dans la mesure où, en 2023, seules 6 300 communes peuvent en bénéficier ».
S’agissant du Fonds vert, ils pointent le risque d’un financement essentiellement orienté vers « la rénovation thermique batimentaire », du fait de la « fongibilité de [ses] crédits » entraînant « des redéploiements entre mesures et entre axes ». Ils proposent donc de « modifier la circulaire du 14 décembre 2022 afin que chacun des trois axes d’intervention représente, en exécution, au moins 20 % des crédits du fonds vert et que chaque mesure fasse l’objet d’au moins cinq projets ».
Ils souhaitent, enfin, que « des mesures a posteriori » de l’impact des investissements réalisés soient mises en place car, selon eux, il n’est « pas souhaitable d’engager plusieurs milliards d’euros de fonds publics sans pouvoir en mesurer l’efficacité ».
Télécharger le rapport d’information.
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