FPT : employeurs et organisations syndicales signent un accord fondateur
Par Bénédicte Rallu
Historique, ce fut sans doute le terme le plus utilisé en ce 11 juillet ! En signant leur premier accord sur le volet prévoyance de la protection sociale des agents, les employeurs territoriaux et les organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale (FPT) ont, pour la première fois depuis les lois de décentralisation de 1982 à 1984, montré leur capacité à s’émanciper de l’État pour la gestion de leurs 1,9 million d’agents.
Engagées en septembre 2022 après la signature d'un accord de méthode déjà historique (lire Maires de France du 12 juillet 2022), les négociations, qui ont mené à cette signature du 11 juillet, ont démontré que les élus locaux, représentés par la Coordination nationale des employeurs territoriaux, pouvaient discuter directement avec les représentants syndicaux de leurs agents « sans avoir l’État à [leurs] côtés », s’est réjoui Murielle Fabre, la secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.
Un dialogue social mené sans l'Etat
Au siège de l’AMF, où a été signé ce document qui fera date, toutes les parties prenantes avaient conscience de participer à un événement fondateur dans l’histoire des collectivités territoriales et se réjouissaient à l’unanimité des présents (organisations syndicales comprises) de cette « réelle avancée » pour les agents et pour la FPT. « Nous allons vers une structuration plus forte du dialogue social dans la fonction publique territoriale. Cet accord rend plus mature la décentralisation et la fonction publique territoriale » , commentait Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et, à ce titre, porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux (CET).
Spécificité de la FPT
« Lors du dernier Congrès des maires, Anicet Le Pors [père du statut de la fonction publique territoriale, NDLR], avait évoqué la nécessaire transformation progressiste de la fonction publique territoriale. Nous y sommes. [Cet accord] montre la spécificité de la FPT quarante ans après sa création » , s’est félicité Thomas Fromentin, vice-président chargé des ressources humaines et de l’administration à Intercommunalités de France.
« Cet accord est important. Il donne de nouveaux droits aux agents et responsabilise les parties. Mais il ne s’agit que d’une première étape, a expliqué Emmanuelle Rousset, co-présidente de la commission fonction publique territoriale de France urbaine, qui a piloté les négociations. L’enjeu maintenant sera « de le faire vivre localement », pose-t-elle. « Il permet en effet aux petites collectivités locales et aux agents de ces collectivités de bénéficier d’une nouvelle protection » , a souligné Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), car il permet la solidarité entre grandes et petites collectivités et la solidarité intergénérationnelle.
Solidarité entre collectivités et entre agents
L’accord porte sur le volet prévoyance de la protection sociale complémentaire (PSC) car les collectivités devront obligatoirement y participer financièrement à partir du 1er janvier 2025. Aujourd’hui, en l’absence d’accord de PSC dans une collectivité, un agent qui est en situation de maladie ou d’invalidité touche son traitement pendant trois mois, puis n’en touche plus que la moitié au-delà de cette période. Son régime indemnitaire n’est pris en compte qu’à hauteur de 40 %. Les agents tombent donc vite dans la précarité.
Selon l’accord du 11 juillet 2023, dans une telle situation, l’agent percevra demain 90 % de sa rémunération nette totale (totalité du traitement et du régime indemnitaire pris en compte) lorsque la collectivité aura conclu un contrat collectif à adhésion des agents obligatoire. La cotisation à ce contrat sera partagée à parts égales entre la collectivité et l’agent.
Parallèlement, le contenu des futurs contrats est encadré pour instituer une véritable solidarité (réduction des écarts de cotisation et encadrement des évolutions tarifaires en fonction de l’âge, limitation des barrières à l’entrée dans ses contrats : questionnaires médicaux interdits, carence maximale de trois mois, etc).
Première étape
« Cela améliore sensiblement la couverture sociale des agents », a estimé Damien Martinez, animateur de la délégation CGT au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (la CGT est la première organisation syndicale représentative dans la FPT). « Cet accord est une première phase, ce n’est pas une victoire. Notre objectif est que la prise en charge atteigne 100 % ».
Interco CFDT (deuxième syndicat représentatif dans la FPT), par la voix de sa secrétaire générale Ingrid Clément, assure, elle aussi, être « pleinement satisfaite de la réelle prise en compte de la santé des agents et de leur pouvoir d’achat. Il faut maintenant laisser place au dialogue social local » . Même enthousiasme chez FO (troisième syndicat représentatif), dont l’instance nationale a accepté l’accord à l’unanimité et qui salue « les nombreuses avancées ». L’Unsa Territoriaux, la FA-FPT et la FSU territoriaux se sont, eux aussi, réjouis de cet accord.
Vigilance sur la transposition
Cet accord largement majoritaire, car signé par l’ensemble des syndicats représentatifs de la territoriale et par les associations d’élus (AMF, AMRF, APVF, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France), la FNCDG et le président du CSFPT, doit maintenant être transposé en droit par l’État pour entrer en vigueur. Une étape loin d’être anodine sur laquelle tous les signataires ont assuré qu’ils seront vigilants. Ensuite, pour respecter la libre administration des collectivités territoriales, chacune devra entamer un dialogue social local avec les représentants syndicaux locaux pour l’appliquer pleinement.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2