Tourisme : post-pandémie, les villes d'Europe de nouveau vigilantes face aux locations de courte durée
Par Rébecca FRASQUET (AFP)
Après s'être réunis à Barcelone, New York et Buenos Aires, des représentants d'associations hôtelières du monde entier -qui dénoncent la « concurrence déloyale » de ces locations-, experts, juristes et élus locaux ont débattu, lundi et mardi à Paris, de la régulation des locations touristiques de courte durée lors de la conférence "ReformBnB".
« Pendant la crise sanitaire, les locations touristiques de courte durée semblaient ne plus poser problème, mais maintenant que le tourisme redémarre fort nous allons rapidement retrouver la fréquentation de 2019 » , a estimé Jacob Wedemeijer, adjoint au maire d'Amsterdam chargé du tourisme.
Or ; « cette année-là, les citoyens de nos villes exprimaient leur ras-le-bol de la pression du tourisme de masse qui est intimement liée à ces locations » , selon lui.
Signe de cette reprise: au premier trimestre la plateforme de réservation de logements entre particuliers Airbnb, poids lourd du secteur aux côtés de Booking.com notamment, a vu son chiffre d'affaires bondir de 80% comparé aux trois premiers mois de 2019 - avant la pandémie-, à 1,5 milliard de dollars.
À Amsterdam, où ces locations ont « fait bondir les prix des logements, les rendant inaccessibles pour une part croissante de la population » , « il n'est plus rare de devoir dépenser un million d'euros pour acquérir un appartement ordinaire » , a rapporté M. Wedemeijer.
À Barcelone, qui « accueillait 12 millions de touristes par an avant la pandémie », rappelle Janet Cid Sanz, maire adjointe en charge du logement, « 80% des habitants exigent un changement de modèle touristique » . Car ces locations « provoquent une gentrification qui expulse les habitants et génèrent beaucoup de conflits » , dit-elle.
Régulation « difficile »
« Il faut une stratégie commune » ,
a estimé Cecilia Del Re, adjointe au tourisme de la ville de Florence, pour « protéger les résidents et les étudiants, les travailleurs ».Ces dernières années, les villes d'Europe ont mis en place des « réglementations d'une diversité extraordinaire » pour limiter la prolifération des locations de courte durée qui assèchent le marché du logement, estime Claire Colomb, professeure d'études urbaines et d'aménagement à la Bartlett School of Planning, à l'University College London.
Si certaines optent pour « un relatif laisser faire comme Rome et Milan, d'autres sont très strictes comme Berlin, mais beaucoup choisissent une voie médiane, en distinguant la location occasionnelle de résidences
principales, limitée à 120 jours par an à Paris par exemple, et l'activité spéculative de loueurs professionnels » , a-t-elle observé.Toutefois « réguler s'avère très difficile » , car cela « implique d'avoir des données » sur le nombre et la localisation de ces locations, « or les plateformes comme Airbnb ne les rendent pas publiques, sauf à Paris et Barcelone -et les informations fournies ne sont pas forcément complètes...» , selon Mme Colomb.
En outre, combattre les fraudes « coûte cher aux villes » : elles emploient des bataillons de contrôleurs -100 à Barcelone, 30 à Paris- et de « juristes qui épluchent le droit communautaire pour définir ce qu'elles peuvent faire ou pas en matière de régulation » , dit-elle.
Paris, qui « poursuit les loueurs devant les tribunaux » , a gagné devant la Cour de justice européenne: celle-ci « a décidé en septembre 2020, que la lutte contre la pénurie de logements était un objectif d'intérêt général suffisant pour imposer (sa réglementation) aux propriétaires » , a rappelé Blanche Guillemot, directrice du logement à la ville.
La capitale française a aussi fait condamner Airbnb à 8 millions d'euros d'amende pour avoir mis en ligne des annonces illégales et Booking.com à 1,23 million d'euros pour ne pas avoir transmis des données sur les nuitées.
Mais « la Commission européenne doit cesser ses atermoiements et soutenir les villes dans leur volonté de réguler » , estime M. Wedemeijer, résumant le sentiment des villes réunies à l'occasion de "ReformBnB", qui doit bientôt se muer en association internationale.
Disant vouloir uniformiser la réglementation en Europe, la Commission a mené une consultation publique fin 2021 pour l'aider à instaurer « une croissance responsable, équitable et fiable des locations à court terme ».
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