Communes touristiques et stations classées de tourisme : les petites communes en danger
Par Lucile Bonnin
Cet été, deux questions ont été posées au gouvernement au sujet du classement des communes touristiques et des stations classées de tourisme. La sénatrice du Bas-Rhin Elsa Schalck et le sénateur de Savoie Cédric Vial ont tous les deux pointé du doigt une incohérence dans les conditions de classement des « communes touristiques » et des « stations classées. »
Pour rappel, le classement en commune touristique est délivré par un arrêté préfectoral pris pour une durée de cinq ans et le classement en station de tourisme est aussi délivré par arrêté préfectoral mais pour une durée de douze ans.
Une station classée tourisme (plus haut niveau de classement) peut obtenir certains avantages comme par exemple le surclassement démographique ou encore la possibilité d'implantation d’un casino.
Pourtant, les plus petites communes ne peuvent plus prétendre à obtenir ce classement et d’autres sont en situation de le perdre. Explications.
« Effet de bord »
Auparavant, les conditions d’octroi du classement imposaient le fait de proposer une offre de soin dans un rayon de vingt minutes autour de la commune. Depuis la publication au Journal officiel de l'arrêté du 16 avril 2019, modifiant l'arrêté du 2 septembre 2008, relatif aux communes touristiques et stations classées de tourisme, la présence d'une pharmacie sur le territoire communal est obligatoire pour pouvoir être classé.
Or, il faut rappeler que, selon le Code de la santé publique, « l'ouverture d'une officine, par transfert ou création, est (…) possible dans les communes qui comptent plus de 2 500 habitants. » Pour le sénateur de Savoie, « l'arrêté susvisé vient donc, de fait, écarter toutes les communes de moins de 2500 habitants permanents à un éventuel classement ou renouvellement de classement de stations classées tourisme. »
Dans sa réponse publiée la semaine dernière, le gouvernement explique que « la dernière réforme du classement en 2019 a eu pour objet de déconcentrer la procédure et de rationaliser les critères » mais que « l'impossibilité d'installer une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants peut créer un effet de bord qui risquerait de rendre de facto difficile l'accès de ces communes au classement. »
L’inquiétude des petites communes
Maire info a échangé ce matin avec Jean-Pierre Calabrese, maire de Giffaumont-Champaubert, une commune de 270 habitants située dans le département de la Marne. Cette dernière est classée station de tourisme depuis douze ans et compte pas loin de 1,3 million de visiteurs par an.
« On a constaté qu’il y avait dans le nouveau référentiel d’attribution la présence obligatoire d’une pharmacie sur le territoire de la commune, explique le maire. Nous avons une pharmacie à moins de vingt minutes comme prévu dans l’ancien référentiel mais pas dans la commune. » Son classement arrivant à terme à la fin de l’année, la situation devient urgente pour le village qui risque de le perdre à cause de ce nouveau paramètre.
D'ailleurs, les élus sont surpris de cette nouvelle disposition qui ne leur semble pas cohérente. Le maire rappelle que « l’installation d’une pharmacie ne dépend pas du maire mais dépend de l’Ordre national des pharmaciens. Un maire ne peut pas décider d’installer une pharmacie sur sa commune. Par conséquent, cela nous apparait ubuesque de l'exiger. Cela condamne d’autres stations de tourisme qui sont dans notre cas, comme Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) par exemple ».
La sénatrice du Bas-Rhin cite également la commune de Wangenbourg-Engenthal (Bas-Rhin) dont la première année de classement date de 1985 et qui est désormais menacée de déclassement. Le cas n’est pas isolé et condamne surtout « les stations rurales » . Pour Jean-Pierre Calabrese, « c’est une discrimination ».
En plus d'une dynamique économique et touristique encouragée par ce classement en faveur de la commune, « c’est grâce à [lui] qu’un casino de jeux a pu s’installer » . Ce dernier « fonctionne très bien » et le maire observe « des retombées importantes et pas uniquement pour la commune ». Aujourd’hui le maire se dit « dépité » et s’inquiète pour l’avenir du casino et du territoire. « Que va dire l’État par rapport au casino si nous ne sommes pas renouvelés en station de tourisme ? Cela n’a pas été anticipé du tout » , regrette le maire.
Quelles solutions ?
« La communauté de communes qui a la compétence tourisme et le syndicat d’aménagement se mobilisent sur la question en ce moment, explique Jean-Pierre Calabrese. Nous avons interpellé l’État mais nous n’avons pas encore de réponses concrètes. La sénatrice Elsa Schalck a rencontré les chefs de cabinet du ministre qui se dit prêt à revoir la question. »
Pour le moment, une solution d’urgence est en train d'être bricolée dans le territoire. « On essaye faire un lien territorial entre trois ou quatre communes qui peuvent être classées communes touristiques afin de maintenir ce classement en station touristique en sachant qu’il y a à proximité un bourg avec une pharmacie. On espère que cette mutualisation puisse passer auprès des services…»
Mais le mieux à terme serait de revoir ce point qui pose problème directement dans le référentiel et donc dans la l'arrêté. Pour le moment, le gouvernement dit partager ces inquiétudes et annonce que « dès le mois d'octobre 2022, une concertation sera lancée sur la manière de faire évoluer le classement. » Malheureusement il sera peut être déjà trop tard pour certaines communes.
Il est précisé dans la réponse du ministère que ce travail sera mené avec les élus, en espérant que la frustration des territoires ruraux soit écoutée, car c’est un enjeu d’égalité qui se joue. « Nous sommes dans des territoires un peu oubliés et on arrive quand même à survivre et je trouve dommage de redonner ce coup de massue sur la tête des territoires ruraux sans véritable utilité » , conclu Jean-Pierre Calabrese.
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