Détection de la radicalisation dans les services publics : les outils existants
Alors que les obsèques des quatre agents victimes de la tuerie de la préfecture de police ont lieu ce matin, en présence du président de la République, cette affaire remet sur le devant de la scène la question de la détection des personnes radicalisées dans la fonction publique.
La radicalisation de Mickaël Harpon, qui a assassiné quatre agents jeudi 3 octobre avant d’être lui-même abattu, et dont on apprend ce matin qu’il détenait une clé USB comprenant des informations ultraconfidentielles sur ses collègues, est visiblement passée inaperçue de sa hiérarchie. Cette affaire repose la question de la détection de la radicalisation dans la fonction publique, qu’elle soit d’État ou territoriale – question qui a déjà fait l’objet de plusieurs circulaires et d’un récent rapport parlementaire.
Les collectivités « capteurs de terrain »
Les maires ont un double rôle dans ce dossier : en tant que premier édile de leur commune, ils peuvent jouer un rôle dans la détection de la radicalisation éventuelle de leurs administrés ; et en tant qu’employeurs, vis-à-vis de leurs agents.
La première de ces tâches est intimement liée à l’information des maires par les services de l’État. Cette question a fait l’objet d’une circulaire du Premier ministre en novembre dernier, élaborée en concertation avec l’AMF (lire Maire info du 14 novembre 2018). Cette circulaire codifiait les modalités de dialogue entre les maires et les préfets. Dialogue à double sens, puisque d’une part les collectivités territoriales étaient désignées comme « principaux capteurs de terrain » des signes de radicalisation ; et que d’autre part le texte insistait sur « le droit d’en connaître » du maire, « fondé à disposer d’une information régulièrement actualisée sur l’état de la menace terroriste sur le territoire de sa commune ».
La doctrine essentielle posée par cette circulaire est double : d’une part, le maire ne peut avoir accès directement aux fichiers S et FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) ; mais en revanche, il est devenu possible de « délivrer une information nominative confidentielle » aux maires, à l’initiative des préfets et avec l’accord des responsables des forces de l’ordre et du procureur de la République. Cette information ne peut être délivrée qu’après la signature d’une charte de confidentialité. Enfin, la circulaire garantit aux maires un retour d’information sur les signalements qu’ils effectuent.
« Place croissante » des collectivités
Pour ce qui concerne la radicalisation des agents, la question a été plus particulièrement évoquée depuis février 2018, lorsque le Premier ministre a présenté un nouveau plan de lutte contre la radicalisation djihadiste. Édouard Philippe avait alors notamment déclaré que « nous devons envisager de pouvoir écarter de ses fonctions un agent (...) dont le comportement porte atteinte aux obligations de neutralité, de respect du principe de laïcité, voire comporte des risques d’engagement dans un processus de radicalisation ». Le plan qui avait été présenté alors prévoyait notamment un nouveau cadre de formation à destination des élus et des agents territoriaux afin d’améliorer la détection.
Ces questions ont également fait l’objet d’un rapport parlementaire publié l’été dernier (lire Maire info du 27 juin). Élaboré par les députés Éric Diard et Éric Poulliat et spécifiquement consacré à la radicalisation dans les services publics, ce rapport chiffrait à « une trentaine de cas » les agents radicalisés dans le secteur des forces de police et de gendarmerie – ce qui apparaît infime au regard des quelque 21 000 personnes figurant au FSPRT.
Pour ce qui concerne les collectivités, dont les rapporteurs pointaient la « place croissante » dans la lutte contre la radicalisation, les rapporteurs insistaient, là encore, sur la nécessité de « mieux former » agents et élus à la prévention et à la détection, et suggéraient la mise en place de formations communes aux agents des collectivités territoriales et de l’État afin de « forger une culture commune ». Ils mettaient également l’accent sur la persistance de « zones d’ombre », parmi lesquelles le milieu du transport public et du sport, et estimaient nécessaire d’étendre les enquêtes administratives de sécurité aux éducateurs sportifs. Au moment de la parution du rapport, le ministre de l’Intérieur s’était dit favorable à cette mesure, qui n’a toutefois pas connu de suite pour l’instant.
Faire évoluer le droit
Interrogé ce matin dans Acteurs publics, l’un des auteurs du rapport, Éric Poulliat, répète qu’il lui semble nécessaire de « recourir à l’enquête administrative de manière beaucoup plus massive ». « Les criblages doivent être plus récurrents. Mais cela veut tout d’abord dire que les agents acceptent l’idée, en tant qu’agents publics, que leur comportement soit surveillé ». Éric Poulliat demande à nouveau que les effectifs du Sneas (Service national des enquêtes administratives de sécurité) soient fortement revus à la hausse, et que « notre droit évolue pour pouvoir se séparer plus facilement d’un agent en cas de radicalisation ».
Franck Lemarc
Télécharger le rapport Diard-Poulliat.
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