Un week-end marqué par des violences urbaines sur fond de narcotrafic
Par Lucile Bonnin

Un appartement incendié par un tir de mortier à Béziers samedi soir, des voitures détruites à coup de batte de baseball à Limoges dans la soirée du vendredi, le commissariat de Compiègne attaqué cette même nuit, une nouvelle fusillade qui éclate à Nîmes, des affrontements violents entre plus de 80 jeunes à Vendôme… Ce week-end a été particulièrement marqué par des actes de violences graves qui ne s’observent désormais plus uniquement dans les grandes agglomérations autour de Paris, Lyon ou encore Marseille.
Ces évènements viennent évidemment réveiller le spectre du mois de juin 2023 où de violentes émeutes avaient éclaté partout en France après la mort du jeune Nahel Merzouk et où de nombreux bâtiments publics – mairies, bibliothèques, commissariats, voire casernes de pompiers – avaient été pris pour cible et parfois complètement détruits. D’autant qu’une nouvelle fois, un maire a été directement pris pour cible, comme l’avait été l’ex-maire de l'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun. Cette attaque des plus violentes avait suscité une vague d'indignation chez les maires, dans un contexte où les élus locaux sont de plus en plus pris pour cible.
Un tir de mortier a visé le maire de Charleville-Mézières
Mercredi dernier, alors que le maire Boris Ravignon suivait une opération de sécurisation devant un café de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, un tir de mortier a été tiré en direction de l’élu qui « intervenait avec ses équipes pour poser deux blocs de béton devant le café de la poste dans le quartier de la Houillère », selon les informations du journal local L'Ardennais.
Sur son compte X, le maire a indiqué que, dans la nuit du vendredi, « des délinquants organisés, armés de mortiers d’artifice et ultra violents se sont déchaînés à la suite de la fermeture de leur point de deal déguisé en café place Albert-Poulain ». Pour le maire, la volonté de ces individus était claire : « Casser, brûler, prendre à partie les forces de l’ordre. » Un affrontement a eu lieu entre les assaillants, les policiers nationaux, municipaux et les gendarmes mobilisés, et ce « pendant plusieurs heures ». « Cinq interpellations ont été réalisées », selon le maire.
Selon les informations d’Ici (anciennement France bleu), la procureure de la République de Charleville-Mézières a indiqué qu’une enquête judiciaire est ouverte pour « flagrant délit du chef de violences volontaires avec armes sur personnes dépositaires de l'autorité publique ».
David Lisnard, président de l’AMF, a exprimé sur son compte X son soutien à Boris Ravignon « face à cette agression ainsi que dans son combat quotidien pour protéger les habitants et lutter contre une minorité violente et nuisible », avant d’ajouter qu’il « revient à la justice de punir réellement ces violences parallèlement à l’action des élus ».
« Narcotrafic » et « démission parentale »
Les maires, élus en première ligne sur le terrain, sont en effet des victimes collatérales de la montée en puissance du trafic de drogues aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. Interrogé ce matin sur France info, Philippe Laurent, vice-président de l’AMF, confirme que les maires observent une généralisation du phénomène « même dans des villes qui apparaissent calmes comme Auch ou Vendôme. Si le phénomène n’est pas nouveau, cette généralisation l’est. »
« C’est aussi un délitement de l’éducation de nos jeunes », explique ce matin Philippe Laurent qui observe comme d’autres maires une « démission parentale dans certaines familles », ce qui pousse notamment certaines communes à instaurer des couvre-feu, comme c’est le cas à Nîmes où un couvre-feu pour les moins de 16 ans est entré en vigueur ce lundi. Pour Philippe Laurent, le couvre-feu peut être un outil pour « protéger les mineurs des influences du trafic de drogue ».
Selon les chiffres de la Mildeca, 61% des condamnés pour infractions liées aux drogues étaient âgés de 15 à 25 ans en 2024.
L’action préventive des maires
S’il faut rappeler que la lutte contre le trafic de drogue ne fait pas partie des prérogatives des maires, ces derniers jouent un rôle de prévention important. La commission sécurité et prévention de la délinquance de l’AMF travaille en partenariat avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) qui mène des projets à l’attention des maires. Ils sont cependant très mal connus de certains élus ruraux alors que ces outils et formations à destination des maires peuvent s’avérer très utiles. Rappelons que la Mildeca a réalisé avec l'AMF un guide pratique sur Le maire face aux conduites addictives. La Mildeca a d'ailleurs annoncé la semaine dernière le renforcement de son programme "LIMITS" de prévention des mineurs face au narcotrafic, avec l'extension à 15 nouvelles collectivités, portant à 33 le nombre total de territoires impliqués dans le dispositif.
Rappelons que la loi visant à lutter contre le narcotrafic a été promulguée le mois dernier. Si cette dernière constitue une première étape notamment pour apporter une réponse pénale plus sévère, Philippe Laurent appelle à réfléchir notamment sur la question des consommateurs et à mener « une réflexion plus approfondie sur les peines courtes ». Le procureur de la République de Béziers, Raphaël Balland, était hier sur la même ligne, dans les médias, expliquant que la seule manière de mettre fin aux trafics serait « d'assécher » le marché en diminuant le nombre de consommateurs : « Pas de consommateurs, pas de marché », a-t-il déclaré, en demandant aux consommateurs de réfléchir aux conséquences de leurs actes sur la vie sociale.
Il est clair, par ailleurs, que ces troubles ont éclaté dans des quartiers « majoritairement marqués par la grande pauvreté », comme le souligne le maire de Limoges, Émile-Roger Lombertie.
« On ne peut s’en sortir sans la participation de l’ensemble des acteurs », a conclu le vice-président de l’AMF. Des dispositifs pour lutter contre l’insécurité comme les instances locales de prévention de la délinquance ou encore les référents sûreté de la gendarmerie peuvent être particulièrement bénéfiques pour mettre en place un travail concerté en mettant tous les acteurs autour de la table.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Pétition sur la loi Duplomb : démêler le vrai du faux
Assainissement : le gouvernement hausse le ton vis-à -vis des collectivités hors des clous
Outre-mer : la vie chère devient la « priorité absolue » des préfets
La ministre de la Transition écologique soutient l'Ademe, « opérateur ultra compétent »Â








