Maire-info
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Édition du lundi 21 juillet 2025
Eau et assainissement

Assainissement : le gouvernement hausse le ton vis-à-vis des collectivités hors des clous

Environ 1 200 agglomérations restent « non conformes » à leurs obligations en matière de traitement des eaux usées. Cette situation expose les collectivités et l'État à de lourdes sanctions financières de la part de l'Europe, ce qui conduit le gouvernement à demander aux préfets d'agir avec fermeté.

Par Franck Lemarc

Ce sont pas moins de quatre ministres (ceux de l’Écologie, des Outre-mer, de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire) qui ont pris la plume pour signer une instruction publiée en fin de semaine dernière sur Légifrance. Objet de cette instruction : demander aux préfets « d’accompagner »  les collectivités de toutes les manières pour leur faire respecter « les dispositions qui leur incombent en matière d’assainissement ». 

Une situation qui empire

Alors que la nouvelle directive européenne relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (DERU), révisée, a été publiée le 12 décembre dernier, et devra être transposée dans le droit national avant le 31 juillet 2027, un bon nombre de collectivités françaises ne sont toujours pas dans les clous de la précédente directive, celle de 1991, pourtant nettement moins exigeante. 

Le gouvernement rappelle, dans son instruction, que 78 agglomérations ont été condamnées pour ce motif par la Cour de justice de l’Union européenne, en octobre dernier. 610 agglomérations « ont été déclarées non conformes au titre de l’année 2022 »  par la Commission européenne. Et 1 200 le seraient cette année. D’où ce constat du gouvernement : « Le taux de conformité règlementaire des systèmes d’assainissement ne cesse de diminuer depuis plus d’une dizaine d’années et atteint désormais des niveaux inquiétants. »  En cause : « Un manque d’anticipation »  de nombreuses collectivités « concernant le développement de leur urbanisation et le vieillissement de leurs installations ». 

Déjà en décembre 2000, une instruction avait été adressée aux préfets pour leur demander de faire « résorber les cas problématiques ». Mais « force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur et qu’une nouvelle mobilisation est indispensable, pour éviter à la France une lourde condamnation financière ». 

Notons qu’en la matière, la préoccupation du gouvernement n’est pas entièrement désintéressée : comme on peut le lire dans les annexes accompagnant cette instruction, depuis la loi Notre de 2015, les collectivités territoriales et l’État « partagent la responsabilité financière »  en cas de condamnations pécuniaires prononcées par la Cour européenne de justice, lorsque l’obligation dont le manquement est constaté relève des compétences des collectivités. Autrement dit : l’État aura à payer une partie des amendes. 

Les auteurs de l’instruction rappellent que l’Italie, au mois de mars dernier, a été condamnée sur ce motif à 10 millions d’euros d’amende et une astreinte de 14 millions d’euros par semestre.

Sévérité accrue

Il est donc demandé aux préfets de prendre « toutes les mesures pertinentes »  pour conduire les collectivités à « respecter la réglementation en vigueur ». Et si l’objet de l’instruction évoque un « accompagnement », les moyens listés par le gouvernement relèvent davantage d’une sévérité accrue : « Mise en demeure, consignation de fonds, sanctions financières, contrôle de légalité relatif aux documents et autorisations d’urbanisme, police judiciaire ». 

Il est demandé aux préfets de veiller, dans le cadre du contrôle de légalité, à ce que les collectivités « adoptent un budget assainissement à la hauteur de leurs besoins ». Par ailleurs, les préfets sont appelés à « s’opposer à toute extension de l’urbanisation dans les communes où les systèmes d’assainissement sont défaillants ou ne présentent pas la capacité suffisante ». 

Une fois encore, on notera que le même gouvernement qui ne cesse de répéter que les collectivités « dépensent trop »  leur demande, en l’espèce, de dépenser beaucoup et vite, quitte à empêcher leur développement si elles ne font pas diligence.

Moyens supplémentaires

Sur un ton moins comminatoire, l’instruction liste les possibilités de soutien financier dont peuvent bénéficier les collectivités pour atteindre les objectifs : 50 millions d’euros ont été prévus dans ce but dans le Plan eau de mars 2023, et les préfets sont encouragés à flécher la DETR et la Dsil pour aider les communes « à réaliser les travaux de mise en conformité ».

En sens inverse, la nouvelle redevance « performance des systèmes d’assainissement »  est entrée en vigueur cette année. Elle est « d’autant moins élevée  que les installations de collecte et de traitement des eaux usées satisfont à la réglementation », rappelle le gouvernement, ce qui devrait motiver les collectivités à davantage respecter leurs obligations. 

Enfin, il est rappelé que la Banque des territoires « met à disposition des collectivités une nouvelle génération d’aqua-prêts à taux bonifiés à hauteur de 2 milliards d’euros ».

Les ministres, au passage, redonnent un petit tour d’écrou sur la question de l’intercommunalité – alors que le gouvernement a fini par renoncer à imposer l’intercommunalisation forcée de l’eau et de l’assainissement en 2026. Vu « la technicité et les moyens financiers à déployer », écrivent les ministres, « l’échelle intercommunale apparaît comme la plus à même de porter une politique ambitieuse » . Il est donc demandé aux préfets de « veiller à inciter à la mise en place, dans les meilleurs délais, d’une maîtrise d’ouvrage à l’échelle la plus adaptée » . Ce qui revient à dire, en lisant entre les lignes, que les communes qui ont décidé de conserver la compétence assainissement n’ont que peu de chance de voir leur dossier passer sur le haut de la pile. 

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