Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 15 mai 2024
Sécurité

Trafic de drogues : les maires ont un rôle à jouer selon les sénateurs

La commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a rendu ses conclusions hier. Le rapport propose notamment que les capacités de signalement des maires soient renforcées.

Par Lucile Bonnin

« Manque criant de moyens », « insuffisance de la prise en compte du risque », « faiblesses dans le code pénal » : le constat du rapport dévoilé hier par le sénateur Jérôme Durain, président de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et Étienne Blanc, son rapporteur, est accablant. Le travail d’enquête des sénateurs, restitué à travers pas moins de 3 tomes, met en lumière la nécessité de mettre en œuvre plus de moyens pour lutter contre le trafic de drogues en France. 

Et le contexte exige « un sursaut »  politique : « Avec l’explosion simultanée de l’offre et de la demande, plus aucun territoire, plus aucune catégorie sociale ne sont épargnés – et les outre-mer, victimes de leur situation géographique, sont particulièrement pénalisés. Le trafic s’infiltre partout, avec pour corollaire une violence exacerbée ; dans le même temps, il mute sous l’effet d’une ubérisation qui témoigne de l’extrême rationalité économique des trafiquants ». Les communes rurales ne sont pas non plus épargnées par le phénomène (lire Maire info du 1er mars). 

Parmi les 35 recommandations formulées par la commission qu’enquête, certaines concernent directement les élus locaux et les moyens mis à disposition localement. 

Dynamiser les instances locales de coordination

La commission d’enquête pointe notamment à plusieurs reprises dans son rapport « de nombreux exemples de problèmes de coordination ». Elle a également relevé « un manque d’association des partenaires pourtant essentiels sur le terrain que sont les élus locaux, à commencer par les maires et les polices municipales, et les bailleurs sociaux, à la fois victimes et témoins du petit trafic ». 

Les sénateurs recommandent donc de « dynamiser les instances locales de coordination »  en les mettant en valeur et en garantissant « leur pleine utilisation par l’administration ». Les sénateurs souhaitent encourager leur élargissement à d’autres partenaires volontaires et surtout y renforcer les capacités de signalement des maires.

« Cela peut passer par un Conseil local et conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) », a indiqué hier Jérôme Durain. Il peut être utilisé pour envoyer les policiers municipaux en complément de ce que fait la police nationale par exemple sur un point de deal démantelé ou à l’inverse pour se mettre d’accord pour « ne pas bouger quand l’enquête est en cours ». « Il faut des lieux pour la coordination et c’est une recommandation au niveau des collectivités », insiste le président de la commission.  

Associer davantage les maires

Faciliter la remontée d’informations par les maires est également une priorité. Les sénateurs proposent d’« informer systématiquement les maires, en particulier de communes rurales, de la possibilité de signaler à Tracfin les commerces de leur commune soupçonnés de servir au blanchiment du produit de trafics ». En effet, « le développement du blanchiment à travers l’acquisition de commerces et leur exploitation »  est une manœuvre de plus en plus utilisée par les narcotrafiquants. « Les maires dans les petites communes le constatent et constatent aussi des moyens de lutte insuffisants », pointe le président de la commission. 

Ces « commerces de façade »  doivent, selon les sénateurs, faire systématiquement l’objet d’une fermeture administrative « sur demande d’un maire ou d’un service de police auprès de la préfecture ». C’est un dispositif qui existe actuellement mais qui n’est pas utilisé. Aussi, il faut « donner aux maires la possibilité de demander à l’autorité préfectorale la fermeture de lieux permettant la vente de stupéfiants, sur le modèle des dispositions existantes en matière de vente illégale de tabac »  et « clarifier le cadre des échanges d’informations relatives au trafic de stupéfiants entre les maires, la police et l’autorité judiciaire ». 

« Ce travail d’enquête a démontré la disponibilité des élus et des maires pour participer à des dispositifs et à un système d’information, résume Étienne Blanc. Le maire est proche de sa population et connait sa ville donc il a des informations et on juge dans ce rapport qu’il est important que ces informations circulent. Une information minime peut permettre de lever un très gros lièvre et aboutir à remonter une filière. Le point faible des dispositifs actuels est qu’ils sont peu utilisés et ne favorisent pas cette circulation d’informations. » 

Rôle de prévention 

« Les maires n’ont pas à mener des poursuites ou à lancer des procédures. Ce n’est pas leur rôle », avait rappelé lors d’une audition le président de la commission. L’AMF avait rappelé lors de son audition que « la lutte contre le trafic n’est pas le job des élus »  mais que le partenariat maire/gendarme est indispensable pour la mise en place d’une lutte plus efficace contre les trafics de drogue.

Au-delà de l’observation, les maires ont avant tout un rôle de prévention et d’accompagnement à jouer. « Ils ne peuvent pas agir directement mais indirectement », avait précisé Denis Mottier, chargé de mission sécurité et prévention de la délinquance à l’AMF. 

Les sénateurs préconisent de « mieux soutenir les initiatives des maires en faisant connaître les programmes menés par la Mildeca et en renforçant leur financement ». Actuellement, « des campagnes de prévention et des projets sont effectivement mis en œuvre par la Mildeca, mais ils ne sont pas forcément relayés jusque dans les petites communes, qui en ont pourtant besoin », comme le pointait Denis Mottier. Pour les sénateurs, c’est plus largement une campagne massive de communication qu’il faut lancer ciblée sur certains publics : « les jeunes, mais aussi certains métiers pénibles où la consommation de drogue, pour "tenir le coup", est en augmentation préoccupante, et enfin les milieux festifs ».


 

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