Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 15 mai 2024
Logement

Logements abordables : ce que contient le projet de loi controversé du gouvernement

Le texte prévoit notamment d'assouplir les quotas HLM, d'accorder aux maires le pouvoir d'attribution des logements sociaux neufs et de revoir les plafonds de ressources des locataires. Pour les acteurs du secteur, ce texte serait inefficace en ne répondant pas à la chute de la construction de logements et pourrait même « aggraver la crise » sociale.

Par A.W.

On en connaissait déjà les grandes lignes : le ministre du Logement a dévoilé, au début du mois, la version définitive de son projet de loi relatif au développement de logements abordables, dont l’objectif reste toujours la création d’un « choc d’offre »  dans un contexte de grave et profonde crise du logement.

« Construire tous les types de logements » 

En effet, les permis de construire et les mises en chantier n'ont jamais été aussi bas depuis l'an 2000 alors que les taux d’intérêts ont explosé comme les prix des matériaux de construction, entraînant de graves difficultés pour accéder à la propriété mais aussi à la location même d’un logement. Au total, ce sont 4,2 millions de personnes qui sont actuellement mal logées et le nombre de ménages en attente d'un HLM a atteint le niveau record de 2,6 millions.

Pour répondre à cette situation, « il nous faut construire tous les types de logements pour tous les Français : des logements sociaux, des logements intermédiaires, des logements libres », a estimé le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, au sortir du Conseil des ministres du 3 mai dernier.

Déjà vivement critiqué par une partie des élus et les associations, ce projet de loi – qui sera examiné à partir du 17 juin par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale à l’automne – doit permettre, selon le gouvernement, de « produire plus de logements abordables pour les Français, que ce soit en location ou en accession, en donnant aux élus et aux bailleurs de nouveaux outils ». 

Pour cela, l’exécutif propose 14 mesures grâce auxquelles le ministre entend « offrir de nouveaux outils aux maires pour construire », « simplifier les procédures administratives pour construire plus vite », « libérer l'investissement dans le logement abordable », mais aussi « faciliter l'accès au logement des Français ».

Quota SRU : intégration des logements intermédiaires

Premier point, la réforme de la loi SRU, promise par le Premier ministre lors de son discours de politique générale en début d’année, devrait bien intégrer les logements intermédiaires afin que les communes déficitaires en logements sociaux rattrapent leur retard. 

Le texte prévoit que, dans ces communes en deçà des quotas (20 ou 25 % de logements sociaux), les maires qui décideraient de s’engager dans « un contrat de mixité sociale »  avec l’Etat pourraient intégrer des logements intermédiaires (LLI) dans les objectifs de production fixés par la loi SRU. Cette mesure ne s’appliquerait, toutefois, qu’aux communes qui comptent déjà plus de 15 % de logements sociaux (ou 10 % si leur objectif est de 20 %).

Parmi les 1 161 communes déficitaires, 656 communes pourraient bénéficier de la mesure dès son entrée en vigueur, et 271 pourraient « en bénéficier à court terme », détaille l’étude d’impact annexée au projet de loi. Selon l'AMF, ce serait plutôt une quarantaine de communes maximum qui seraient potentiellement concernées.

Attributions de HLM accordées aux maires

Parmi les autres mesures qui concernent les élus locaux, l’exécutif prévoit d’accorder le pouvoir d’attribution des logements sociaux neufs aux maires. Bien que certains y voient une forme de « clientélisme électoral », le gouvernement dit « faire confiance aux maires ».

Chacun d’entre eux pourrait ainsi disposer, pour chaque logement neuf, « du droit de classer les propositions faites par les réservataires et […] d’un droit de véto, à motiver, sur les candidatures proposées par chaque réservataire sur son contingent ». 

En outre, le préfet pourrait déléguer au maire « tout ou partie »  de son contingent de réservation pour les primo-attributions. Cependant, l’étude d’impact conclut qu’« il n'est pas possible à ce jour de préjuger du nombre de délégations qui leur seront accordées », bien que « lorsque cette possibilité de délégation existait […], elle était pratiquée notamment en Île-de-France (32 des 36 communes des Hauts-de-Seine et 15 communes réparties dans les départements suivants : Yvelines, Essonne, Val-de-Marne, Val-d'Oise), dans l'Oise (1 commune) et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (24 communes dans le Var) ».

Le texte prévoit également de confier aux maires de donner un avis conforme sur une partie de la vente directe aux locataires du logement social, « en supprimant les autorisations préfectorales et en sécurisant la gestion des copropriétés ». Ceux-ci pourraient également préempter « plus facilement »  des terrains pour construire des logements abordables.

Afin de faciliter « l’accès au logement des travailleurs », il permettrait au préfet de confier une partie des attributions de logements sociaux à Action Logement. L’objectif étant de « loger davantage de ménages fragiles salariés dans les zones où l'emploi est tendu ».

HLM : les plafonds de ressources revus

Les bailleurs sociaux pourraient, pour leur part, doubler leur production de logements intermédiaires, à hauteur de 20 % de leur parc de logements locatifs sociaux (contre 10 % aujourd'hui), mais aussi augmenter plus rapidement le loyer d'un logement social lorsqu'il y a un changement de locataire. Ils pourraient en outre vendre « jusqu’à 50 % »  de leur production de logements à des investisseurs ou à des particuliers.

Le texte prévoit également d’abaisser les plafonds de ressources au-delà desquels des locataires devront payer un complément de loyer tout en limitant les exemptions. Dans le but de « renforcer la mobilité résidentielle », il prévoit de prendre en compte le patrimoine des locataires, pour ceux qui ont pu constituer un patrimoine qui leur permettrait de se loger en dehors du parc social. Dans ce cadre, le niveau de ressources susceptible d’expulsion passerait aussi de 50 % à 20 % au-dessus du plafond de ressources.

« Nous souhaitons que les bailleurs vérifient que ceux qui sont actuellement dans le parc de logements sociaux restent bien légitimes à y rester », a expliqué Guillaume Kasbarian, pour qui « le logement social à vie n'existe pas ». Ce dernier s’est, par ailleurs déclaré « ouvert »  à l'idée de « renforcer »  les possibilités d'expulser des logements sociaux les familles de personnes qui « font de la délinquance », notamment les enfants.

« Une profonde erreur » 

En ciblant le logement social, ce projet de loi a suscité une levée de boucliers, certains pointant le risque d'une « chasse aux pauvres ». Avec la Fondation Abbé-Pierre, l'Union sociale pour l'habitat (USH) et la Fédération des acteurs de la solidarité ont ainsi qualifié ce texte de « mauvais signal […] particulièrement malvenu dans un pays menacé de fragmentation sociale », dans un communiqué commun paru dans la foulée de sa présentation. 

« L’affaiblissement de la loi SRU, couplée au ralentissement de la production de logements sociaux, aggravera la crise », ont ainsi prévenu sur X les trois structures pour qui « privilégier des logements intermédiaires haut de gamme, à des loyers à peine inférieurs aux loyers de marché, constitue une profonde erreur ».

Dans le même temps, 132 universitaires viennent d’alerter sur la gravité de la crise du logement et sur « l’insuffisance »  des réponses apportées par le gouvernement. 

Du côté de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), son président réclame surtout une « relance de la demande »  plutôt que de l’offre. Et s’il a estimé que les mesures de simplification allaient « dans le bon sens », elles restent pour lui « vraiment pas du tout à la hauteur de l’enjeu et de la catastrophe ».

Consulter le dossier de presse.
 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2