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Édition du jeudi 17 février 2022
Sports

Sport : la Cour des comptes regrette des mesures d'urgence sans perspective de relance

Une trentaine de pages du rapport annuel de la Cour des comptes est consacrée aux « aides de l'État en faveur du sport » dans le contexte de la crise sanitaire. Le bilan est plutôt mitigé pour la Cour qui constate la mise en place de mesures d'urgence mais « sans vision consolidée ».

Par Lucile Bonnin

Le secteur du sport en France a sans aucun doute été particulièrement ébranlé par la crise sanitaire. Entre les différents confinements, le caractère incertain de la situation sanitaire et les différents protocoles mis en place, la pratique sportive a été bouleversée, « occasionnant des coûts supplémentaires et dissuadant certains sportifs de reprendre leur entraînement. » 

Pour analyser plus en détail la situation, la Cour des comptes a mené une enquête au premier semestre 2021 « auprès de la direction des sports (DS) et de ses services déconcentrés, de l’ANS, de cinq fédérations (boxe, équitation, football, gymnastique, tennis) et d’autres organisations représentatives des acteurs du sport » . La Cour en retient que la gestion financière de la crise dans le secteur sportif a été menée rapidement et efficacement, mais sans véritable coordination entre les acteurs, sans ciblage des mesures, laissant ainsi de côté toute perspective de relance à long terme. 

La DS et l’ANS : les bons élèves de cette gestion de crise

La crise sanitaire s’est avérée être une mise à l’épreuve d’un nouveau système de gouvernance publique du sport. En effet, avec la réforme de la gouvernance du sport, « la direction des sports (DS) a été recentrée sur des missions régaliennes (…) ce qui a entraîné une reconfiguration de son réseau territorial. »  L’agence nationale du sport (ANS) a aussi été créée dans ce cadre « sous la forme d’un groupement d’intérêt public et dotée d’un budget de 284 millions d’euros, avec pour objectif de partager entre le mouvement sportif, l’État, les collectivités territoriales et le monde économique le pilotage des principaux dispositifs de soutien au sport « pour tous »  et au sport de haut niveau. » 

Verdict pour la Cour des comptes : « une gestion de crise maîtrisée »  avec d’un côté la DS qui a « assuré ses missions normatives, édictant les premières mesures de restriction des pratiques et événements sportifs »  et de l’autre l’ANS « qui a adapté ses dispositifs d’intervention afin que ses crédits soient prioritairement utilisés pour satisfaire des besoins immédiats. » 

Aides de droit commun et mesures de soutien sectorielles 

Ce sont les dispositifs de droit commun qui ont été majoritairement mobilisés pour soutenir le plus le monde sportif, les entreprises et les associations pour « un total de 4,2 milliards d’aide, auxquels s’ajoutaient 3,1 milliards de prêts garantis par l’État à la rentrée de septembre 2021. »   Autre constatation : le mouvement sportif (fédérations, instances territoriales, clubs) a fortement recouru aux reports de charges et à l’activité partielle et a, par conséquent, moins sollicité les autres dispositifs de soutien comme le fonds de solidarité. 

Le mouvement sportif professionnel et associatif a aussi bénéficié d’aides spécifiques qui ont d’abord été réglementaires, puis financières. Au premier semestre 2020, des dispositions particulières ont été prises comme la mise en place d’une mesure « de soutien aux clubs professionnels via le relèvement des plafonds des subventions versées et des prestations de services commandées par les collectivités territoriales. »  Puis, progressivement, des mesures financières concrètes ont été créées comme un fonds de solidarité de 15 millions d’euros qui « a bénéficié, à la rentrée 2020, à 3 000 associations, 530 structures d’entraînement et 9 000 sportifs. » 

La Cour des comptes répertorie enfin les aides sectorielles de l’État, alliant mesures d’urgence (dispositif de compensation partielle des pertes de billetterie des associations, fédérations et sociétés organisatrices par exemple) et mesures de relance (plan « France relance » ). 

L’urgence au détriment de la relance 

La première critique formulée par la Cour des comptes consiste à dire que les mesures d’urgence ont été préférées aux mesures de relance. Ainsi, « la majeure partie des aides sectorielles mises en place entre septembre 2020 et avril 2021 vise ainsi à compenser les pertes de recettes des acteurs sportifs, en sus des dispositifs de droit commun existants : la compensation des pertes de billetterie, qui représente près de la moitié de l’enveloppe totale (237 millions d'euros), constitue une intervention d’urgence, au bénéfice essentiellement des ligues et clubs professionnels, et non de relance. » 

À cela s’ajoute « une absence de coordination »  entre les différents acteurs du secteur sportif. Pour illustrer cette remarque, la Cour des comptes reprend une enquête de l’Andes (Association nationale des élus du sport) qui montre que « les collectivités territoriales et les fédérations ont apporté une réponse rapide mais peu ciblée aux associations pour les aider à passer le cap de la crise » . La Cour précise qu’il aurait été opportun que l’État prenne en compte l’impact variable de la crise sur les différents sports et sur la situation financière des clubs. 

Un manque de contrôle dans l’attribution des aides 

« Les aides ont été versées sans condition, ce qui n'a pas favorisé des adaptations structurelles pourtant nécessaires, peut-on lire dans le rapport de l’institution. Il aurait été souhaitable, pour assurer une relance certaine, de « demander en retour des engagements ».

Les aides ont joué donc leur rôle compensatoire sans objectif à long terme. D’autant plus que, et c’est un regret que la Cour des comptes exprime depuis plusieurs années, la DS est dans « l’incapacité d’avoir une vision d’ensemble des aides générales et sectorielles versées (…) et ne peut donc identifier d’éventuels effets d’aubaine » 

On en vient donc à la question des contrôles qui sont trop peu nombreux, selon la Cour des comptes. Elle insiste sur le fait qu’il y a une vraie nécessité de développer « des fonctions de contrôle, tant dans les fédérations qu’au niveau national, à l’ANS comme à la DS. »  Enfin, « l’État doit réaffirmer les droits et obligations conférés aux fédérations sportives délégataires de prérogatives de puissance publique et mettre en place, en lien avec l’ANS, un dialogue stratégique annuel pour contrôler le respect des engagements pris par chacune des parties. » 

Télécharger le rapport - Les aides de l'État en faveur du sport. 

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