Maire-info
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Édition du jeudi 17 février 2022
Crise sanitaire

Dépenses publiques : « Des efforts sans précédent » sont « inéluctables », selon la Cour des comptes

Les magistrats financiers évaluent les économies nécessaires à près de 9 milliards d'euros chaque année pour respecter la trajectoire retenue par le gouvernement. Des réformes d'ampleur seront nécessaires, selon eux.

Par A.W.

« Le redressement des finances publiques passera inéluctablement par des efforts sans précédent de maîtrise de nos dépenses »  à partir de 2023, a prévenu, hier, la Cour des comptes en pleine campagne présidentielle, à l’occasion de la présentation de son traditionnel rapport annuel, entièrement consacré cette année à la gestion de la crise sanitaire et « ses conséquences budgétaires, financières, économiques et sociales ».

Sans surprise, les magistrats financiers ont confirmé que la politique du « quoi qu’il en coûte »  et les moyens publics déployés ces deux dernières années – pour lutter contre l'épidémie et soutenir l'économie – ont été « d’une ampleur inédite »  et vont « durablement peser sur le déficit et la dette publics ». 

Un déficit public à « des niveaux jamais atteints » 

L’ampleur des moyens mobilisés a, en effet, porté le déficit public à « des niveaux jamais atteints », à hauteur de 8,2 points de PIB en 2021 (ramené à 7 points selon les dernières prévisions du gouvernement), et de 5 points en 2022. Et cela, en dépit d’une reprise économique « robuste ».

« Ce qui est inquiétant, c’est la dimension structurelle de cette donnée », a prévenu le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, puisque, « corrigé de l’impact de la conjoncture, le déficit prévu en 2022 correspond au double de son niveau d’avant crise ».

Conséquence, la dette publique se stabiliserait à 113,5 % du PIB en 2022, après s’être accrue de 560 milliards d’euros par rapport à 2019 et avoir alourdi son poids dans le PIB de 16 points. 

« Pour atteindre de tels niveaux de déficit et d’endettement publics, les dépenses publiques françaises ont considérablement augmenté, au-delà même des mesures temporaires »  (les dépenses hors crise de l’État augmenteraient de près de 11 milliards d’euros en 2021 et de 8 milliards d’euros en 2022), a pointé Pierre Moscovici, pour qui, « bien plus que les mesures de soutien, […] c’est bel et bien la mise en place de nouvelles dépenses pérennes qui vient lourdement dégrader le solde structurel ». 

En outre, la Cour met l’accent sur les baisses d’impôts « significatives »  qui ont été décidées et qui pèsent « sensiblement »  sur les recettes. 

Les dépenses locales progresseraient « vivement »  en 2022

Du côté des administrations de Sécurité sociale, les dépenses progresseraient de 3,6 % en 2021 avant de se stabiliser en 2022 « malgré la très forte baisse des dépenses de crise en matière de santé et d’assurance chômage ».

Les dépenses des administrations publiques locales (Apul) croîtraient de 4,7 % en 2021 et 2,7 % en 2022. « Le dynamisme de 2021 s’explique principalement par la forte progression de l’investissement en 2021 (+ 12,3 %) [qui] fait plus que compenser le repli de l’investissement local en 2020 (- 5,5 %), année marquée par l’arrêt des chantiers en raison de la crise sanitaire et des élections municipales », expliquent les magistrats. Concernant le bloc communal spécifiquement, l'AMF estime, elle, que la hausse de l’investissement en 2021 pourrait de ne pas compenser la  baisse de 2020 (- 14,5 %).

Reste que, hors investissement, leurs dépenses progresseraient « vivement »  en 2021 et 2022 avec près de + 2,3 % en moyenne sur les deux années, « soit bien plus qu’en 2020 (+ 0,7 %) ». « La masse salariale progresserait autour de 2 % en moyenne sur les deux années dans un contexte de stabilisation du point d’indice », détaillent-ils. 

Toutes ces données situeraient la France dans le groupe des pays de la zone euro dont « la situation des finances publiques est la plus dégradée », s’inquiètent les magistrats qui constatent que « le ratio de dette (110 points de PIB ou au-dessus) et le déficit structurel (environ 5 points de PIB) sont les plus élevés, avec l’Italie, la Belgique et l’Espagne ». 

Une situation qu’ils considèrent comme « un facteur de risque pour la cohésion de la zone euro »  et qui affecte « la soutenabilité de la dette publique ». 

Réformer « certains secteurs clés » 

Le redressement des comptes du pays supposera ainsi des efforts de maîtrise qui devront être « plus importants que par le passé »  dans le but de ramener le déficit en-dessous de 3 % en 2027, conformément à la trajectoire retenue par le gouvernement, et d’amorcer à cet horizon une diminution de la dette publique. 

Au total, ce sont « plus de 9 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année »  qui devront être réalisées afin de limiter la hausse des dépenses à 0,4 % en moyenne entre 2023 et 2027 (alors que la croissance devrait reculer à 1,6 % en 2023, contre 4 % cette année). Bien plus donc que l’augmentation moyenne de 1 % par an observée entre 2010 et 2019.

Le respect de cette trajectoire impose ainsi, selon la Cour, la mise en œuvre de « réformes ambitieuses dans certains secteurs clés »  et « de faire preuve de sélectivité dans le choix des dépenses »  pour « infléchir durablement le rythme de la dépense »  tout en faisant du « renforcement de l’efficience de la dépense publique une priorité de premier rang ». Comme l’avait déjà souligné la Cour dans son rapport de juin 2021 sur la stratégie de finances publiques pour la sortie de crise.

Les secteurs identifiés comme prioritaires par les magistrats vont du « système de retraite »  à « l’assurance maladie », en passant par « la politique de l’emploi, les minimas sociaux et la politique du logement ».

Télécharger le chapitre concernant la situation d’ensemble des finances publiques. 
 

 

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