Sortie de crise sanitaire : la période de transition raccourcie d'un moisÂ
Par Franck Lemarc
Dans son édition d’hier, Maire info concluait ainsi son article consacré au projet de loi de gestion de la sortie de crise : « La disposition instaurant le pass sanitaire a été adoptée par l’Assemblée nationale. » Mais le soir même, il était annoncé que l’Assemblée nationale avait finalement rejeté le pass sanitaire. « Qui croire ? », nous écrivait hier soir un lecteur. D’autant plus que ce matin, on apprend que le pass sanitaire a, finalement, été adopté. Explication de cet imbroglio, dû à d’inattendus renversements d’alliances au sein de la majorité.
Coup de semonce
Les dispositions sur le pass sanitaire ne représentent qu’un alinéa (le 4e) dans l’article 1er du projet de loi, qui fixe les grandes orientations de la période « transitoire », prévue initialement du 1er juin au 31 octobre. Lors des débats de lundi, de nombreux amendements ont été discutés pour modifier, voire supprimer cet alinéa 4. Tous ont été rejetés, ce qui nous permettait d’écrire, à raison, que le principe du pass sanitaire avait été validé.
Mais hier, en fin d’après-midi, après discussion de tous les amendements, c’est l’ensemble de l’article 1er qui a été mis aux voix. Et là, à la stupéfaction générale, l’article a été rejeté. Stupéfaction, le mot n’est pas trop fort : les images du Palais-Bourbon montrent le président de séance annoncer les chiffres (pour 103, contre 108), marquer un temps d’arrêt, appeler le secrétaire de séance pour lui montrer que ces chiffres sont bien réels… alors qu’une ovation se lève sur les bancs de l’opposition.
La chose est en effet extrêmement inhabituelle : dans une Assemblée où la majorité LaREM-MoDem règne sans partage, il n’arrive pour ainsi dire jamais qu’un texte du gouvernement, qui plus est aussi fondamental que celui-ci, soit rejeté.
Que s’est-il passé ? La réponse est venue du député MoDem de la Vendée, Philippe Latombe : « Le groupe MoDem a voté de façon unanime contre cet article premier, pour indiquer que depuis le début nous avions indiqué des lignes rouges et avions dit clairement (…) ce que nous étions capables d’accepter. Or nous constatons qu’il n’y a pas eu de dialogue, pas eu d’écoute. »
Un tir de semonce du MoDem pour signifier au gouvernement qu’il faut compter avec lui, la majorité du groupe LaREM ayant fondu au fil des démissions.
Deuxième délibération
Cet épisode a obligé le gouvernement à revoir sa copie, afin de tenir compte des revendications du MoDem. Comme le permet le règlement de l’Assemblée nationale, le gouvernement a le privilège, quand un de ses textes est en discussion, de demander une seconde délibération. C’est ce qui s’est passé, cette nuit. Le gouvernement a présenté un nouvel amendement, avec une version remaniée de l’article 1er, dans laquelle la date du 31 octobre était remplacée par celle du 30 septembre.
Sur le reste de l’article 1er, rien n’a changé, malgré les multiples amendements redéposés par l’opposition, pour tenter de faire reculer le gouvernement sur le pass sanitaire. Dans la version finalement adoptée de l’article, le pass sanitaire est bien présent, sans qu’aient été ajoutées les précisions demandées sur plusieurs bancs.
Débat sur la consultation des élus locaux
Il est aussi à noter que plusieurs députés ont tenté hier d’introduire des amendements pour inscrire dans la loi une obligation de consultation des élus locaux par les préfets avant de prendre des décisions de restrictions. Le projet de loi prévoit en effet que les préfets, si la situation sanitaire l’exige et en cas de « circulation particulièrement importante du virus », puissent prendre eux-mêmes des mesures de fermeture des certains lieux ou de restrictions de circulation.
Paul Molac, pour le groupe Libertés et territoires, et Stéphane Peu (PCF) ont notamment défendu de tels amendements. « La consultation des élus locaux est loin d’être automatique. Dans certains départements, la réouverture des marchés, par exemple, a été bloquée par le préfet ou par l’ARS. (…) La concertation et l’écoute des élus locaux ne sont pas toujours naturelles chez les préfets », a plaidé Paul Molac. Pascal Brindeau a également demandé « une marque de confiance envers les élus locaux. (…) Nous souhaitons inscrire dans la loi l’obligation de consultation des élux locaux. Si celle-ci a bien eu lieu dans certains départements, cela n’a pas été le cas partout. Il s’agit d’un amendement de bon sens qui ne devrait pas poser de difficultés. »
Cela n’a pas été l’avis du gouvernement ni de la majorité, qui ont repoussé ces amendements, en estimant que ces demandes sont « satisfaites dans la pratique », et qu’il faut « que le système conserve de la souplesse et de la réactivité ». Il n’y aura donc pas de consultation obligatoire des élus, en l’état actuel du projet de loi.
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