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Édition du mardi 8 juillet 2025
Social

Près de 10 millions de personnes en France vivent sous le seuil de pauvreté

Le taux de pauvreté en France a atteint en 2023 son niveau le plus élevé depuis que l'Insee le calcule. Cette hausse touche en particulier les familles monoparentales, dont presque un tiers vivent sous le seuil de pauvreté. Des données inquiétantes, au moment où le gouvernement s'apprête à annoncer ce qui ressemble de plus en plus à une cure d'austérité.

Par Franck Lemarc

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© Conseil dép. Hauts-de-Seine

Apparent paradoxe de la période : alors que le niveau de vie médian progresse, globalement, dans le pays, le niveau de vie des ménages les plus modestes diminue. C’est ce qui ressort de la dernière étude Niveau de vie et pauvreté de l’Insee, qui porte sur les données de 2023.

1,3 million de pauvres en plus en 20 ans

Le niveau de vie médian se situe, en France, à 2 150 euros mensuels pour une personne seule, et 3 860 euros pour un couple avec un enfant. Ce chiffre a augmenté de 5,9 % en 2023 en euros courants, et de 0,9 % en tenant compte de l’inflation. Cette hausse a été portée par plusieurs facteurs : une conjoncture de l’emploi salarié « favorable », avec 110 000 créations nettes d’emploi entre 2022 et 2023, des augmentations de salaires dans un certain nombre de secteurs pour compenser l’inflation, et un rendement relativement élevé du livret A. 

Mais derrière ces chiffres se cache une réalité beaucoup moins riante : le niveau de vie des trois premiers déciles sont en baisse assez marquée : le premier décile – c’est-à-dire les 10 % de ménages les plus pauvres – voit son niveau de vie reculer de 1 % en euros constants. Parmi les explications à cette baisse : le fait que certains secteurs n’ont pas été concernés par des augmentations de salaire en période d’inflation encore marquée ; et la part croissante des auto-entrepreneurs, de plus en plus importante parmi les non-salariés, mais dont les revenus sont « six fois moins élevés en moyenne »  que les autres travailleurs indépendants. 

Autre explication : la non-reconduction en 2023 des mesures de soutien exceptionnelles prises en 2022 – l’indemnité inflation et la prime exceptionnelle de rentrée. Cette non-reconduction a clairement « pesé sur le niveau de vie des plus modestes », écrit l’Insee. Enfin, le nombre de temps partiels augmente et le nombre d’allocataires de l’aide au logement diminue. 

Le taux de pauvreté est donc aujourd’hui « à son maximum depuis le début des séries » , soit depuis près de 30 ans : 9,8 millions de personnes (soit 15,4 % de la population) vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire gagnent moins de 1 288 euros par unité de consommation. C’est 650 000 personnes de plus que l’année précédente… et 1,3 million de plus qu’en 2016.

Chômeurs, indépendants et familles mono-parentales

Si l’on regarde les chiffres par statut d’activité, on constate sans surprise que le taux de pauvreté est le plus élevé chez les personnes privées d’emploi (35,3 %) et les étudiants (33 %). Pour ce qui concerne les chômeurs, l’Insee indique que cette dégradation est une conséquence de la réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur le 1er février 2023, qui a réduit la durée d’indemnisation de 25 % pour les nouveaux entrants. 

Le taux de pauvreté est trois fois plus élevé chez les indépendants (18,3 %) que chez les salariés (6,1 %), la catégorie « indépendants »  étant, on l’a vu, tirée vers le bas par les auto-entrepreneurs dont certains, comme les livreurs de la restauration rapide par exemple, ont des revenus plus que dérisoires. 

Si l’on considère la composition des ménages, ce sont encore et toujours les familles mono-parentales (c’est-à-dire, à plus de 80 %, des femmes seules avec enfant) qui sont les plus lourdement touchées par la pauvreté (34,33 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté), suivies des couples avec trois enfants ou plus (25,8 %). 

« La dégradation de la situation des familles monoparentales entraîne une hausse de la pauvreté chez les enfants : en 2023, le taux de pauvreté des moins de 18 ans croît de 1,5 point et atteint 21,9 % », note l’Insee. 

Creusement des inégalités

Pendant la même période, les ménages les plus aisés ont vu leur niveau de vie augmenter notablement, ce qui signifie que l’écart s’accroît entre les plus riches et les plus pauvres. Les 10 % de ménages les plus aisés ont vu leur niveau de vie augmenter de 2,1 % en 2023, principalement en raison de « l’augmentation des revenus financiers impulsée par la hausse des taux d’intérêt et à l'augmentation des revenus d'investissement, notamment des placements et assurance-vie ». Ces ménages ont également profité de la dernière tranche de la suppression de la taxe d’habitation, puisque celle-ci a concerné, en 2023, les 20 % de ménages les plus aisés. 

Ces données sont d’autant plus inquiétantes que, même si l’inflation ralentit, ce qui peut laisser espérer une stabilisation en 2024, la période à venir s’annonce socialement difficile. Le Premier ministre, même s’il n’a pas encore rendu ses arbitrages pour le budget 2026, a fortement insisté ces derniers mois sur le fait que « tout le monde »  serait mis à contribution, y compris les plus modestes. Si, comme certains le suggèrent, comme le vice-président de la commission des finances du Sénat, Michel Canévet, le gouvernement décidait d'un gel des prestations sociales en 2026, la situation des ménages les plus pauvres pourrait de se dégrader encore davantage.

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