Incendies : confrontée à une « crise majeure », la flotte aérienne de la sécurité civile doit rapidement se renouvelerÂ
Par A.W.
Alors que les premiers incendies d’ampleur se sont déclarés, depuis samedi, dans l’Hérault, les Bouches-du-Rhône, mais aussi l’Aude – avec déjà 2 000 hectares de forêt calcinés près de Narbonne – , deux députés alertent, dans un rapport d'information, sur la « crise majeure » que traverse la flotte aérienne de la sécurité civile.
Composée de 60 aéronefs (23 avions et 37 hélicoptères), cette flotte est jugée « vieillissante » et « inadaptée », selon les députés de la Haute-Vienne et de la Lozère, Damien Maudet (LFI) et Sophie Pantel (PS).
Une flotte « vieillissante et inadaptée »
Ils pointent le vieillissement « notable » des avions, la situation « la plus critique » étant celle des 12 Canadair, dont la moyenne d’âge est de 30 ans. Leur « exploitation intensive » entraîne « un important travail de maintien en condition opérationnelle » et, de ce fait, « une disponibilité des appareils très insuffisante ». Dans le même temps, le remplacement des huit Dash-8 (une vingtaine d’années) et des trois vénérables Beechcraft (qui ont 45 ans) se fait également pressantes.
En tout état de cause, ce vieillissement avancé « ne permet plus à la flotte d’accomplir ses différentes missions pourtant essentielles à la protection des populations et du territoire ».
Rien de bien nouveau finalement dans ce diagnostic puisque la situation est connue de longue date. En 2020 déjà, le sénateur Jean-Pierre Vogel (LR) alertait sur le « sérieux motif de préoccupation » que constituait « le vieillissement de la flotte » aérienne de la sécurité civile. En 2022 et 2023, la Cour des comptes et le sénateur de la Sarthe confirmaient, l’un après l’autre, le manque d'anticipation de l’État pour la renouveler. Et l’an dernier encore, le sénateur centriste du Tarn, Philippe Folliot, rappelait, dans une question au gouvernement, « la faiblesse des moyens français », dont la flotte était « plus que jamais sous tension ».
En outre, celle-ci ne serait « plus adaptée aux besoins » car ceux-ci « augmentent fortement » sous l’effet du réchauffement climatique. « Les incendies, plus longs et plus intenses, remontent désormais vers le nord du territoire jusqu’alors relativement épargné, alors que les pluies extrêmes se multiplient, causant de plus en plus d’inondations notamment en hiver », expliquent les deux députés, rappelant que « l’ensemble de ces risques pose d’importants défis logistiques, humains et financiers qu’il faut anticiper le plus rapidement possible ».
À ce titre, les rapporteurs demandent de mieux « répartir les moyens héliportés sur le territoire » puisque « l’actuelle répartition […] se caractérise par d’importants déséquilibres entre les territoires avec, dans certains cas, des chevauchements et, à l’inverse, des zones blanches, comme le nord et le sud du Massif central ». Or le changement climatique étend notamment le risque incendie vers le nord du pays…
Les Canadair, la « préoccupation majeure »
Reconnaissant que « des actions salutaires » de renouvellement de la flotte ont bien été engagées ces dernières années – notamment à la suite de la très violente saison des feux 2022 – , Damien Maudet et Sophie Pantel estiment que « les efforts réels sont insuffisants ». En conséquence, « il faut donc agir vite et fort afin de renouveler à temps la flotte, en particulier les avions bombardiers d’eau ».
Et notamment la flotte des Canadair qui reste « un sujet de préoccupation majeure insuffisamment anticipé ». Avec un certain « retard », un contrat portant sur l’acquisition de deux nouveaux Canadair a bien été signé par la France au mois d’août 2024 (pour une livraison prévue en 2028), mais les députés soulignent des « négociations difficiles » et « âpres » du fait notamment de la « situation de monopole » du constructeur canadien.
Alors que le président de la République s'était engagé en 2022 à renouveler la flotte des 12 anciens Canadair par 16 nouveaux d'ici 2027, les auteurs du rapport dénoncent les « incohérences » dans la stratégie française qui n’a cessé d’« évoluer » sur le calendrier de renouvellement des Canadair.
Au lieu du renouvellement de l’intégralité de la flotte en 2027, c’est finalement l’acquisition de quatre nouveaux appareils qui a finalement été décidée d’ici 2033. Et cela, avant que « la crédibilité de cette stratégie [ait] été atteinte par le décret du 21 février 2024 qui est venu annuler près de 53 millions d’euros du programme […] destinés à l’acquisition de deux [de ces] appareils ».
Au regard des retards pris, les deux députés demandent donc à l’exécutif de « clarifier rapidement la stratégie de renouvellement de la flotte des Canadair quant au nombre d’appareils commandés et leur calendrier de livraison ».
D’autant que la location d’aéronefs doit rester « une solution d’appoint » qui « ne saurait se substituer à l’acquisition d’avions et d’hélicoptères en propre ». « Si la location peut sembler avantageuse à court terme, elle représente au final un coût non négligeable pour les finances publiques [avec] un coût cumulé de plus de 106 millions d’euros depuis 2020 », notent-ils.
Développer une filière française et européenne
Dans ce contexte, les deux rapporteurs estiment que « la situation de monopole du constructeur canadien pourrait menacer notre souveraineté stratégique ». Afin de ne « pas dépendre de constructeurs étrangers s’agissant d’équipements aussi stratégiques », ils militent pour « le développement d’une filière française et européenne de production » d’avions bombardiers d’eau.
Outre la question du respect du calendrier de livraison des appareils, « il ne peut être exclu que le constructeur canadien favorise une demande régionale, notamment vis-à-vis de son voisin américain, au détriment de l’Europe, dans un contexte de tensions géopolitiques commerciales et alors que le continent nord-américain est également touché par les effets du réchauffement climatique et l’intensification du risque incendie », préviennent-ils, en rappelant « la crise de fourniture des masques et la concurrence pour les vaccins durant la pandémie de covid-19 ». Mais aussi les « rumeurs » autour d’« un "Patriot Act" canadien qui viserait à retenir sur le territoire les premiers appareils produits ».
Pour cela, ils estiment qu’une partie des investissements doit être « dirigée vers le développement de projets souverains [français et européens, donc] d’avions bombardiers d’eau ». Avec un objectif de mise en service « la plus rapide possible, en renforçant les financements publics et en dégageant des solutions communes au niveau européen ».
En outre, Damien Maudet et Sophie Pantel préconisent de « diversifier » la flotte de la sécurité civile par « l’acquisition d’hélicoptères lourds bombardiers d’eau », mais aussi de mener une « réflexion » afin de « compléter la flotte par des drones, des capteurs thermiques et des radars embarqués ». Ceux-ci permettraient de « cartographier les risques avant l’allumage des feux, de guider avec précision les moyens aériens et terrestres de lutte contre les incendies et d’optimiser les largages ».
Bien qu’ils considèrent la coopération européenne comme « une solution pertinente [pour] mutualiser les moyens aériens de protection civile », ils estiment que la contribution de la France à ce dispositif ne doit pas empêcher « le maintien d’une flotte nationale autonome ». « Le recours à la flotte RescUE doit compléter les moyens aériens nationaux et non se substituer à eux, sans quoi cela créerait une situation de dépendance vis-à-vis d’une flotte qui, si elle a vocation à monter en puissance dans l’avenir, souffre de certaines limites », estiment-ils, en défendant « une position d’équilibre » et « une logique de complémentarité ».
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