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Édition du vendredi 11 avril 2025
Social

La perte d'autonomie des personnes à la rue : une question émergente, mais sans réponse immédiate

Le nombre de personnes vieillissant en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) augmente. Mais il manque des solutions adaptées à leur perte d'autonomie. L'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) met sur la table une première étude pour inviter l'État, les collectivités et les professionnels des secteurs sociaux et médico-sociaux à s'intéresser à cette question.

Par Emmanuelle Stroesser

Même les personnes en situation de précarité vieillissent. Elles vivent même de plus en plus longtemps. Une bonne nouvelle, même si leur espérance de vie est toujours bien inférieure à la moyenne nationale (25 % des hommes en précarité décèdent avant 52 ans). Sauf que beaucoup « restent confinées dans des structures (CHRS, etc.) dont ce n’est pas le but de les accueillir », alerte Gilles Desrumaux, président du groupe Prévention-Hébergement-Logement de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss).

Le droit commun inabordable aux plus précaires

Les personnes en situation de précarité ayant vécu en partie à la rue ont connu des parcours qui font « qu’elles présentent des signes de vieillissement précoce, avant 50 ans », précise Gilles Desrumeaux. Leur entrée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à cet âge n’est souvent tout simplement pas envisageable. Pour plusieurs raisons, dont une, majeure : la barrière administrative liée à l’âge. Alors que la moyenne d’âge des personnes accueillies en EHPAD tourne plutôt autour de 80 ans. 

Les pensions de famille ne sont pas mieux adaptées à cette prise en charge du vieillissement de leurs occupants. « La pension de famille est une solution intéressante pour se projeter dans la durée pour une personne sortant de CHRS, mais elle n’est pas pensée pour l’arrivée de la dépendance » , explique Jeanne Dietrich, conseillère technique Hébergement-Logement à l’Uniopss, en réponse à une question de Maire info lors de la présentation de l’étude, mercredi 9 avril (1). 

Plus généralement, ces personnes se heurtent donc à des difficultés pour accéder à leurs droits gérontologiques (soins à domicile, portage de repas, accès aux structures ad hoc en cas de perte de dépendance sévère) observe l’Uniopss.

Des solutions alternatives à construire

Il n’existe aucune donnée nationale permettant de mesurer le nombre de personnes concernées. L’Uniopss les a donc recherchées auprès des acteurs de terrain. Il en ressort une estimation : 15 à 20 % des personnes en hébergement (d’urgence ou CHRS) ont plus de 50 ou 60 ans !  Rapporté au nombre de places d’hébergements, « on peut donc évaluer que cela concerne de 30 à 40 000 personnes » , ajoute le directeur général de l’Uniopss, Jérôme Voiturier, lors de la conférence de presse de mercredi 9 avril. 

Cette question reste aussi un impensé politique. « L’action sociale a été pensée au XXe siècle et n’a peut être pas évolué au même niveau que le modèle social »  tandis que les politiques sociales sont toujours « réfléchies en silo », pose Jérome Voiturier. L’association soumet des pistes de réflexions pour envisager des « solutions alternatives » , mieux « adaptées ».  

L’un des enjeux sur lequel insiste l’Uniopss est la jonction entre le secteur (social) de l’hébergement et celui (médico-social) des structures en charge du vieillissement. « Nous avons besoin que les personnels du logement soient formés aux questions de dépendance et réciproquement, que les personnels du secteur des personnes âgées, soient sensibilisés à la précarité, aux parcours de rue, d’addiction, pour mieux gérer ces situations ». Des Unions régionales comme en Occitanie ou PACA ont commencé à organiser des réunions interprofessionnelles, « avec de bons échos des deux secteurs ». 

Autre priorité :  la construction de solutions alternatives en termes d’habitat. L’Uniopss propose diverses pistes. Notamment la multiplication des petites unités de vie (combinant habitat adapté et services à domicile), et de l’habitat inclusif. Ce qui passe par « la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS) aux bailleurs sociaux, de manière à dégager des fonds pour l’adaptation des logements au vieillissement », ou « la sécurisation de l’habitat inclusif (via la CNSA notamment) au-delà de 2029 » . Deux idées sciemment mises sur la table en amont des prochaines lois de finances, voire d’une loi de programmation sur le grand âge… 

(1) « Personnes vieillissantes dans l’hébergement et le logement adapté 2023-2024»  (57 pages), avec le soutien de la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL), étude rendue publique mercredi 9 avril. 

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