Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 6 novembre 2024
Social

Au-delà d'Auchan et de Michelin, une vague de plans sociaux menace de faire repartir le chômage à la hausse

Deux plans de suppressions d'emploi massives ont été annoncés hier par Michelin, qui va fermer deux usines, et par Auchan. En une seule journée, ce sont donc plus de 3 600 suppressions d'emploi qui ont été annoncées et ce n'est, hélas, sans doute qu'un début. 

Par Franck Lemarc

« Un séisme pour le territoire. »  C’est ainsi que David Robo, maire de Vannes, a qualifié hier l’annonce par le groupe Michelin de la fermeture des sites de Vannes et de Cholet, avec 1 254 suppressions d’emploi à la clé. Au même moment, le groupe Auchan annonçait la suppression de 2 389 emplois, à travers la fermeture de plusieurs hypermarchés et la mise à l’arrêt de son service de livraisons à domicile. 

Quel sera le bilan réel, en termes de pertes d’emploi, de la fermeture des deux usines Michelin ? Il est impossible de le dire aujourd’hui, mais on sait que les grandes usines de ce type ont derrière elle tout un tissu industriel (fournisseurs, sous-traitants) que la fermeture de leur donneur d’ordre condamne bien souvent à mort.

Interrogé sur BFM, hier, David Robo a rappelé que Michelin est installé depuis 63 ans à Vannes, et que le développement de toute la commune a été « étroitement lié »  à l’arrivée de cette usine, « à travers la construction d’un quartier populaire, une voie ferrée et une usine d’eau qui ont été construites »  spécialement pour alimenter le site. 

Avalanche de plans sociaux

Ces annonces ont lieu à un moment où, malgré le discours gouvernemental plutôt optimiste sur la « réindustrialisation », de nombreux sites industriels sont menacés à court ou moyen terme. Selon un décompte réalisé par la CGT à la mi-octobre, la fermeture de pas moins de 182 sites industriels aurait ainsi été annoncée entre septembre 2023 et septembre 2024. Parmi ces annonces, l’équipementier automobile Valeo envisage de fermer trois usines (Saint-Quentin-Fallavier, La Suze et La Verrière), avec la destruction de 1 500 postes à la clé. Forvia (le nouveau nom de l’équipementier Faurecia) prévoit quelque 10 000 licenciements en Europe, qui n’épargneront pas la France, dans les sites de Méru, Auchel, Bain-sur-Oust et Saint-Michel…

C’est plus largement toute la filière automobile qui est sous la menace. Le groupe Stellantis (ex-PSA) a déjà annoncé la fermeture de l’usine de Douvrin, dans le Nord, et celle d’Hordain, non loin, semble en sursis ; tout comme les deux sites de la banlieue de Metz, Borny et Trémery. À plus long terme, le site historique de Poissy, en région parisienne, qui compte encore 3 000 salariés, risque de fermer avant 2028 – c’est la seule usine de montage qui n’a pas reçu de nouveau modèle à produire au-delà de cette date, ce qui est un signe qui ne trompe pas. 

Chez Renault, le site de Flins, dans les Yvelines, ne produit plus d’automobiles et est en train de s’éteindre. L’usine Smart de Hambach, en Moselle, récemment vendue à Ineos, ne va pas mieux : la production y est arrêtée depuis le mois de septembre. 

L’emploi dans le bâtiment gravement menacé

L’industrie n’est pas la seule touchée – on l’a vu hier avec le cas Auchan. Mais un autre secteur concentre de fortes inquiétudes – celui du bâtiment. L’effondrement des constructions neuves (- 20 % au moins en 2024) fait craindre à la Fédération française du bâtiment la perte de 90 000 emplois en 2024 et jusqu’à 150 000 en 2025. Avec les dégâts collatéraux qui vont avec dans le secteur industriel – ainsi le fabricant de chaudières et de pompes à chaleur Saunier-Duval vient-il d’annoncer le licenciement d’un tiers de ses salariés sur le site de Nantes. 

Il reste également à mesurer les conséquences, en termes d’emploi, de la « purge »  de plus de 10 milliards d’euros infligée aux collectivités territoriales (lire article ci-contre), qui réalisent à elles seules 70 % de l’investissement public du pays. Une telle coupe claire dans les moyens des collectivités risque de signifier, mécaniquement, moins de commande publique, moins de chantiers lancés… Sans compter que bien des collectivités vont être contraintes, contre leur gré, de geler les embauches, faute de moyens suffisants pour les payer. 

« Qu’a-t-on fait de l’argent public ? » 

Les annonces de licenciements faites hier – et le climat économique délétère en général – sont aussi une mauvaise nouvelle pour le gouvernement, qui mise tout, comme ses prédécesseurs, sur une « politique de l’offre »  consistant à utiliser beaucoup d’argent public pour faciliter les embauches, à coups d’avantages fiscaux, d’allégements de cotisations patronales et de subventions. Michel Barnier, le Premier ministre, s’est d’ailleurs étonné hier des annonces de Michelin et Auchan, devant l’Assemblée nationale, en se demandant « ce qu’on a fait, dans ces groupes, de l’argent public qui leur a été donné, je veux le savoir ». 

Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie, a également été interpellé à l’Assemblée nationale sur ces annonces. Il a publié hier un communiqué sur X, indiquant à l’adresse de Michelin et d’Auchan que le gouvernement sera « extrêmement vigilant quant à la qualité du plan d’accompagnement social ». Le ministre se dit « aux côtés des élus, car c’est collectivement que nous trouverons des solutions ». Pour ce qui concerne plus particulièrement les annonces du groupe Michelin, Marc Ferracci indique avoir demandé aux préfets du Morbihan et du Maine-et-Loire « de réunir Michelin, les élus locaux, les chambres consulaires et les agences de développement économique pour bâtir une stratégie ambitieuse de réindustrialisation et de revitalisation des sites de Cholet et Vannes, avec une recherche active de repreneurs ». 

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