Le gouvernement lance une campagne sur la prévention des dérives sectaires
Par Franck Lemarc
« Il est crucial de reconnaître que nous sommes tous susceptibles d’être victimes de ces dérives, car nous avons tous nos faiblesses et nos fragilités, quelle que soit notre histoire personnelle. » C’est avec ces mots que Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, introduit la campagne de communication sur les dérives sectaires lancée hier. Après la présentation, par le gouvernement, d’une « stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires », qui passera par l’élaboration d’une loi « visant à réformer en profondeur notre dispositif juridique », l’exécutif souhaite aussi « agir en amont, sur le terrain de la prévention et de l’information ».
Expansion des « petites structures »
La campagne se déroulera autour de « quatre thématiques » : « Santé, fortune, éducation et éveil spirituel ». Elle sera diffusée pendant un mois sur internet, sur les réseaux sociaux et à la télévision. La campagne se compose d’un film d’une minute et de quatre clips d’une vingtaine de secondes, sur chacune des thématiques choisies.
Chacune d’entre elle correspond en effet à une « cible » privilégiée des sectes et autres gourous. Le champ de la santé, notamment, voit s’amplifier depuis plusieurs années – et en particulier depuis le covid-19 – le phénomène des dérives sectaires, entre « pratiques de soins non conventionnelles » et « médecines alternatives ». On se souvient que cette question a été récemment l’objet de débats au Parlement (lire Maire info du 14 février).
La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) rapporte que 25 % des signalements qu’elle reçoit portent sur cette thématique de la santé, avec des pratiques pouvant aller jusqu’à l’abandon des soins prescrits par des professionnels de santé : naturopathie, sophrologie, jeûne thérapeutique, reiki (guérison par imposition des mains), « nouvelle médecine germanique » (qui postule que 100 % des maladies peuvent être guéries par la force de la volonté)…
La Miviludes a également décelé « une expansion des petites structures, diffuses, mouvantes et moins aisément identifiables qui s’appliquent très insidieusement au domaine de la santé, du bien-être et de l’alimentation ».
« Gourous 2.0 »
Autre champ très investi par les sectes : celui de l’argent. Les « coachings, formations, systèmes pyramidaux » ayant pour objectif de capter de l’argent sont « en pleine expansion » – allant jusqu’à la captation d’héritage. « Les techniques de manipulation utilisées dans ces réseaux conduisent les membres à dépenser leur épargne, leurs économies ou bien encore leurs maigres revenus, voire à vendre leurs biens. Le public ciblé ne dispose pas toujours du recul nécessaire face aux sollicitations dont il fait l’objet. Il peut être rapidement séduit par des promesses de revenus importants et ‘’passifs’’, dans le contexte du développement du numérique et parfois de difficultés d’insertion professionnelle. »
Troisième thème : l’éducation. Un certain nombre de pratiques se développent dans le cadre de l’enseignement à la maison, dans des établissements hors-contrat ou lors d’activité extra-scolaire, pour proposer « une nouvelle pédagogie » pour les enfants. On peut penser, par exemple, à la pédagogie dite « Steiner-Waldorf », qui connaît un important développement, basée sur la doctrine ésotérique appelée « anthroposophie ». Si la Miviludes a, dans un premier temps, dans les années 1990, écarté le terme de « secte » pour qualifier cette nébuleuse, elle est aujourd’hui beaucoup plus prudente.
En règle générale, la Miviludes conseille aux parents, avant toute inscription dans une « structure alternative », de faire des recherches sur le programme et les activités proposés, d’interroger les enseignants. Et, après une éventuelle inscription, d’être « vigilants » à d’éventuelles pratiques de prosélytisme, d’enseignement allant à l’encontre des données scientifiques avérées, etc.
Enfin, le quatrième thème qui fera l’objet d’un clip est « l’éveil spirituel ». « La Miviludes reçoit des demandes et des signalements relatifs aux spiritualités ainsi qu’aux différentes mouvances (chrétiennes, bouddhistes, hindouistes, etc.) faisant état de déstabilisation des personnes, d’escroqueries sur le plan financier, de travail dissimulé, ou encore d’abus sexuels ». En plus des mouvements religieux, dont en particulier ceux qui sont liés à la « sphère évangéliste », la Miviludes souhaite alerter sur de « nouvelles spiritualités » (néo-chamanisme, masculinisme, féminin sacré…), qui cachent en réalité des structures sectaires.
Le dernier rapport de la Miviludes (2022) montre une augmentation inquiétante de tous ces phénomènes, avec plus de 4 000 signalements en 2021, ce qui constitue « un record ». En plus des « multinationales de la spiritualité », comme l’église de Scientologie, on assiste, écrit l’organisation, « à la prolifération de multiples structures, souvent de petite taille, dans les domaines notamment de la santé, du bien-être et de l’alimentation. Un autre phénomène marquant est la démultiplication des ‘’gourous 2.0’’ œuvrant sur les réseaux sociaux, et leur convergence de plus en plus forte avec les thèses complotistes ».
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