Six questions sur un couvre-feu qui pourrait toucher 1750 communes
Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé hier la mise en place, à partir de vendredi soir à minuit, d’un couvre-feu de 21 h à 6 h dans huit métropoles et la région Île-de-France. Règles, périmètre, durée, objectifs, accompagnement… Maire info fait le point sur les principales informations dont on dispose ce matin.
Quel périmètre pour le couvre-feu ?
Le périmètre choisi pour installer ce couvre-feu est plus large que celui des territoires placés en « alerte maximale ». Selon les estimations de Maire info, il englobe quelque 1750 communes et concerne 19,3 millions d’habitants.
Ce périmètre comprend, d’abord, la totalité de la région Île-de-France, alors que « l’alerte maximale » en vigueur ne concernait que Paris et les trois départements de la petite couronne. Il a donc été décidé d’englober aussi la deuxième couronne. Le couvre-feu dans la région capitale concernera donc huit départements (Paris, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Essonne, Yvelines, Seine-et-Marne, Val-d'Oise), soit 1 268 commune et 12,2 millions d’habitants.
Le président a ensuite cité « huit métropoles ». Les mots sont importants : le chef de l’État n’a pas parlé de « villes » mais bien de « métropoles », c’est-à-dire que la mesure englobera, apparemment, la totalité des communautés urbaines concernées, pour Grenoble, Lille, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Saint-Étienne et Toulouse ; ainsi que la totalité de la Métropole du Grand Lyon (voir tableau ci-dessous).
Il est à noter que la Guadeloupe, qui a pourtant été placée en alerte maximale très tôt, en même temps qu’Aix-Marseille, n’est apparemment pas concernée par le couvre-feu.
La totalité des métropoles citées sera-t-elle bien concernée par le couvre-feu ? Ou y aura-t-il des adaptations locales, comme lorsque le gouvernement a finalement limité la fermeture des restaurants aux seules villes de Marseille et d’Aix-en-Provence ? Il est trop tôt pour le dire de façon certaine.
Combien de temps va durer le couvre-feu ?
Sans aucun doute, au moins six semaines. Emmanuel Macron a certes parlé d’abord de « quatre semaines », en ajoutant aussitôt qu’il demandera au Parlement une prolongation de deux semaines de plus : « Le gouvernement est en mesure de le décider pour 4 semaines. Nous irons devant le Parlement pour pouvoir essayer de le prolonger jusqu'au 1er décembre. »
Voilà qui demande quelques explications. Pour pouvoir instaurer ce couvre-feu sur une large partie du territoire, le gouvernement avait besoin de restaurer l’état d’urgence sanitaire, ce qui a été fait lors du Conseil des ministres d’hier (lire article ci-dessous). Or la loi du 23 mars 2020, qui a créé l’état d’urgence sanitaire, ne permet au gouvernement que de l’instaurer pour une durée d’un mois. Au-delà, « la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ne peut être autorisée que par la loi ». Autrement dit, il faudra en effet que le Parlement vote une loi pour permettre l’extension du couvre-feu jusqu’au 1er décembre. Rien n’empêche cependant, si les objectifs en termes de maîtrise de l’épidémie ne sont pas atteints, que le gouvernement demande une prorogation plus longue.
Quels sont les objectifs du couvre-feu ?
L’objectif chiffré cité par le chef de l’État est, à terme, de passer de « 20 000 cas par jour à 3 000 à 5 000 cas », parce que « là, on peut maîtriser ».
Les derniers chiffres de Santé publique France, publiés hier, sont toujours aussi alarmants : 22 591 cas supplémentaires en 24 heures, 104 décès de plus, plus de 6 000 hospitalisations sur les 7 derniers jours dont 1 037 en réanimation.
Comme Maire info le rappelait hier, le Conseil scientifique estime que les chiffres de contamination sont sous-estimés, du fait que de nombreuses personnes positives mais asymptomatiques ne se font pas tester : les experts pensent donc qu’il faut probablement doubler le nombre de cas, ce qui aboutit à un chiffre de presque 50 000 contaminations par jour. Au rythme actuel de doublement du nombre de cas toutes les deux semaines, le pays risque donc d’atteindre les 100 000 contaminations par jour d’ici le 1er novembre – avec, à ce niveau, un risque d’engorgement critique des services de réanimation.
D’où la nécessité de « freiner » la circulation du virus, selon les termes du chef de l’État, en demandant aux habitants des territoires concernés de ne plus se déplacer entre 21 h et 6 h du matin. Le gouvernement veut, clairement, essayer d’empêcher la tenue de fêtes et de rassemblements privés. S’il n’a pas les moyens juridiques d’interdire les rassemblements dans les domiciles privés, il prend donc le problème par un autre biais, en interdisant les déplacements nocturnes.
Quelles vont être les règles ?
Il faudra attendre la conférence de presse donnée cet après-midi par le Premier ministre pour connaître tous les détails, mais le chef de l’État a donné, hier, les principales règles de ce couvre-feu. Les déplacements seront interdits de 21 h à 6 h du matin à partir de samedi soir – et de minuit à 6 h dès samedi matin. En conséquence, tous les établissements recevant du public (cafés, bars, restaurants, cinémas, théâtres, etc.) devront fermer à 21 h. Voilà pour la règle générale. Mais Emmanuel Macron a précisé qu’il y aura « des éléments de concertation locale » car « l'organisation de nos vies ne sont pas les mêmes à Grenoble, Rouen, Saint-Etienne ou Paris ».
Il ne s’agit pas d’une interdiction totale de tous les déplacements, mais d’une « limitation » : les personnes qui travaillent après 21 h ou avant 6 h seront autorisées à se déplacer. « On va définir les cas de bon sens qui permettent de se déplacer », a expliqué le chef de l’État (urgences sanitaires par exemple).
Il paraît donc certain que, dès samedi, va revenir le temps des autorisations de déplacement, sur papier ou smartphone.
Le chef de l’État a précisé que, comme pour le port du masque ou le non-respect du confinement, au printemps dernier, l’amende encourue en cas de non-respect du couvre-feu sera de 135 euros, et 1 500 euros en cas de récidive. Des forces de police vont être « mobilisées localement » pour procéder à des contrôles, mais le chef de l’État a exclu la possibilité d’une mobilisation de l’armée.
Enfin – et même si ce choix a semble-t-il été discuté jusqu’au dernier moment – le gouvernement a décidé de ne pas interdire « les déplacements entre les régions », ce qui aurait, concrètement, signifié d’interdire aux Français de partir pour les vacances de la Toussaint.
Emmanuel Macron a, cependant, demandé aux Français d’être « responsables » et, dans tous les cas, de « ne pas se regrouper à plus de six », même « lorsque l’on invite des amis ». « Ce ne sont pas des règles qu’on va mettre dans des décrets, (…) ce sont des règles dont je voudrais que chaque citoyenne et citoyen se les approprie pleinement. »
Concernant le télétravail enfin, le président de la République a rejeté l’hypothèse d’une incitation au télétravail à 100 %. « On va plutôt inciter les gens à faire deux à trois jours de télétravail par semaine. » Il n’est pas question de fermer à nouveau les services publics : « On a besoin d’avoir des services publics qui soient ouverts, des bureaux de postes qui soient tous ouverts. »
Quelles mesures économiques d’accompagnement ?
Face à un l’instauration d’un couvre-feu qui va être « un effort énorme » pour les entreprises, en particulier dans le secteur de la restauration et de la culture, le gouvernement reconduit certaines mesures d’aide économique : « Je ne veux pas que nos indépendants, nos TPE, nos PME ferment, tombent en faillite à cause de ce couvre-feu », a martelé le chef de l’État. Pendant les six semaines à venir, « le chômage partiel à plein va être réactivé pour tous ces secteurs : hôtellerie, cafés, restaurants, tourisme, événementiel, culture, sport ». Emmanuel Macron s’attend néanmoins, a-t-il indiqué, à ce que le couvre-feu amène des restaurants ou bars à fermer complètement pendant six semaines, « parce que leurs charges fixes sont trop importantes » et ne pourraient être couvertes s’ils sont privés du chiffre d’affaires réalisé normalement en soirée.
En revanche, le gouvernement se refuse toujours à une augmentation pérenne des minimas sociaux et du RSA, contrairement à ce que demandent avec insistance les associations d’aide aux personnes les plus démunies. Seule va être reconduite, comme au printemps dernier, l’aide exceptionnelle de 150 euros plus 100 euros par enfant pour les bénéficiaires du RSA et des APL.
Quel rôle pour les maires ?
Au-delà des territoires concernés par le couvre-feu, le chef de l’État a dit vouloir mobiliser les maires « dans la France entière » pour qu’ils proposent « des plans de prévention, en associant au mieux les citoyens ». « (Les maires) ont des conseils de citoyens, ils ont créé leur propre structure. On a besoin d'associer pleinement nos citoyens et d'associer nos élus. Les maires doivent aussi être dans cette phase des acteurs de la prévention. Ce sont ceux qui savent le mieux aller chercher nos aînés, aller chercher les associations pour expliquer, porter nos messages, mieux protéger. »
Franck Lemarc
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Le pays sera de nouveau, samedi, en état d'urgence sanitaire
« Des mesures choc » : les réactions des élus locaux concernés