La Cour des comptes propose de distribuer plus rarement le courrier et de réduire le nombre de bureaux de poste
Par A.W.
Réduire la fréquence de distribution du courrier et le nombre de bureaux de poste. Ce sont les pistes guère réjouissantes proposées par la Cour des comptes alors que La Poste doit faire face à « une dégradation » de sa situation financière. En cause, « une nouvelle baisse des métiers historiques » et « une rentabilité insuffisante des activités de diversification ».
Dans un référé rendu public ce lundi, mais adressé au Premier ministre le 5 décembre dernier – au lendemain de la censure du gouvernement de Michel Barnier qui en était alors le destinataire - , l’institution de la rue Cambon pointe « la baisse marquée » de la fréquentation des bureaux de poste et le déclin « inexorable » de la distribution de courriers, qui ne cesse de chuter. Deux missions de service public confiées à l’opérateur contre une compensation financière partielle.
« Adapter » les missions de service public
Dans ce contexte, les facteurs sont-ils donc voués à réaliser moins souvent leur tournée ? Une « réflexion » autour de cette question doit en tout cas être engagée au regard des mauvais chiffres qui persistent, selon la Cour. Alors qu’elle représentait encore près de 50 % de son activité en 2010, la distribution du courrier ne représente désormais plus que 15 % du chiffre d'affaires du groupe, la crise sanitaire et « la reprise de l'inflation » ayant conduit à des résultats « durablement dégradés de l'activité courrier ».
Et ce ne sont pas les nouveaux services de proximité lancés par La Poste, comme l'aide à domicile ou le portage des repas, qui ont permis de rétablir la situation puisque leur développement est toujours jugé globalement « décevant ». Ceux-ci ne dégagent, en effet, aujourd'hui « ni une rentabilité ni un chiffre d'affaires suffisants pour équilibrer la décrue de l'activité courrier ».
À un an de l'échéance de désignation de l'opérateur du service universel postal, qui devra se faire d’ici au 1er janvier 2026, les magistrats financiers estiment qu’il « conviendrait de s'interroger désormais sur la fréquence de distribution du courrier » alors que la France est « l'un des derniers pays à conserver une [...] distribution six jours sur sept et à maintenir 17 000 points de contact ».
Un nombre de bureaux de poste également dans le viseur de la Cour des comptes qui estime que « la question du dimensionnement du réseau [doit être] à nouveau posée ». « La mission d'aménagement du territoire, qui demeure l'une des plus exigeantes, a vu son coût croître (100 millions d’euros supplémentaires entre 2018 et 2023), alors même que la fréquentation du réseau n'a cessé de diminuer », expliquent les magistrats qui plaident pour une « réduction des contraintes qui pèse sur le réseau ». « Des économies rapides pourraient être réalisées en réduisant l'obligation pesant sur le groupe, notamment par des synergies plus fortes avec le programme France Services », assurent-ils.
Sur le volet des activités bancaires de La Poste, la Cour constate également « la faiblesse » de ses résultats qui « tient pour partie à la structure de coûts élevée de la banque, dominée par les charges d'un réseau qu'elle ne maitrise pas totalement, ainsi qu'à une faible attractivité commerciale ». Dans ce cadre, elle estime qu’il « n'est pas souhaitable de confier à La Poste de nouvelles missions, comme l'inclusion numérique ou la détection des fragilités, qui seraient dépourvues de modèle économique alors que les précédentes demeurent sous compensées ».
Réclamant « une nouvelle révision du plan stratégique, allant au-delà de la simple actualisation annuelle », l’institution suggère donc « d’adapter les missions de service public au recul de leur usage et à leur utilité réelle en diminuant leur champ ».
Une compensation « à hauteur du déficit »
Les magistrats financiers souhaitent, toutefois, que la compensation de ces missions de service public confiée à La Poste soit « ajustée […] à hauteur du déficit comptable qui en résulte ».
Bien que le montant de la compensation versée ait doublé au cours des cinq dernières années (pour atteindre 1,1 milliard d’euros en 2022 et 1 milliard d’euros en 2023), celui-ci demeure « inférieur de 683 millions d’euros en 2023 et de 834 millions d’euros en 2024 aux charges estimées par La Poste », rappellent-ils.
« Même si les missions de service public ne sont pas la seule cause de la baisse de rentabilité du groupe et de l'augmentation de sa dette, le financement des opérations de croissance externe et des pertes sur certaines activités y ayant également contribué, il n'en demeure pas moins que l'écart croissant entre le coût de ces missions et le montant de la compensation versée par l'État pèse lourdement sur la dette du groupe et limite sa capacité d'investissement », observe la Cour.
Pour « ne pas pénaliser durablement le développement du groupe », la compensation des missions de service public « devra être assurée à hauteur du déficit comptable », estime donc l'institution.
En 2021, l'ancien député du Lot, Jean Launay, avait proposé de taxer les opérateurs de télécommunications et de mettre à contribution l'Etat afin de combler le déficit de La Poste. « L’évolution de son modèle économique doit impérativement préserver son ancrage territorial unique qui fait de La Poste la plus dense implantation du service public derrière celle des mairies », avait défendu à l’époque l’AMF en demandant déjà à l'Etat de « garantir au plus vite » le financement de ces missions de service public.
L'association a d'ailleurs rappelé récemment que depuis que, le contrat de présence postale existe, l’État n’a jamais versé l’intégralité des sommes promises annuellement.
Dans sa réponse à la Cour, François Bayrou rappelle cependant que « les contrats d’entreprise et de présence postale territoriale signés en 2023 […] n’imposent pas à l’Etat une compensation des missions de service public au niveau de leur coût comptable », bien qu’il reconnaisse néanmoins que « le niveau de déficit réalisé par La Poste au titre des différentes missions de service public n'est pas soutenable pour l’entreprise et sa résorption nécessite un travail de fond dans le contexte contraint des finances publiques ».
Afin de « mener à bien ce chantier », le Premier ministre indique que « la réalisation d’études et de chiffrages est actuellement en cours afin de répondre aux enjeux économiques » et souligne que « les scénarios d’économies réalisables sur le service universel postal » seront notamment étudiés.
Consulter le référé de la Cour des comptes.
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